Ceta : une ouverture sur les marchés publics canadiens

L’accord entre l’Union européenne et le Canada devrait entrer en vigueur de manière provisoire début 2017. 

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Janice Feigher, avocate chez Norton Rose Fulbright

Après le psychodrame wallon, qui s’est conclu par l’accord belgo-belge du 27 octobre faisant droit aux revendications de la région francophone, l’accord économique et commercial global Ceta (Comprehensive Economic and Trade Agreement) entre le Canada et l’Union européenne est bien parti pour entrer en vigueur dès l’hiver 2017. Il suffit, pour cela, que le Parlement européen valide l’accord le 14 février. Cela ne devrait pas poser de problème, les groupes PPE (droite) et S&D (sociaux démocrate) étant dans leur grande majorité favorable à cet accord.

Toutefois, le Ceta ne sera alors que provisoirement et partiellement appliqué, pratique courante dans les accords commerciaux. Seules les parties du texte qui ne relèvent pas des compétences de l’Union européenne entreront en vigueur. « Cela représente une très grande partie de l’accord, mais la mise en place d’une juridiction arbitrale spéciale en est exclue », rappelle Janice Feigher, avocate associée du bureau parisien du cabinet britannique Norton Rose Fulbright. Cette partie hors compétence de l’UE devra attendre la validation du texte par les 38 parlements des 28 Etats membres. Ce processus pourrait prendre des années et le « non » de l’une des assemblées n’est pas à exclure dans l’atmosphère actuelle post-Brexit.

Juridiction arbitrale

Si elle devait entrer en vigueur, la mise en place d’une juridiction arbitrale en matière d’investissement (conflit entre personnes publiques et privées) pourrait avoir un effet pour les groupes de BTP engagés dans des projets au Canada. « Jusqu’à présent, il n’existait pas de traité bilatéral d’investissement entre la France et le Canada ou entre l’UE et le Canada, explique l'avocate.

Les traités bilatéraux d’investissement contiennent généralement un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) prévoyant la constitution d’un tribunal arbitral sous l’égide du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux Investissements (CIRDI), de la cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) ou selon le règlement d’arbitrage de la Commission des nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI). Le Ceta prévoit quant à lui la possibilité de soumettre un litige entre un investisseur européen et le Canada ou entre un investisseur canadien et un État membre de l’UE ou l’UE elle-même à un tribunal arbitral composé de trois arbitres tirés au sort parmi quinze membres, avec la possibilité de faire appel auprès d’une cour d’appel mise en place par le traité, ce qui constitue une innovation majeure du système arbitral de type RDIE. La mise en place de ce système de cour d’arbitrage avec une possibilité d’appel a pour vocation de répondre aux critiques formulées à l’égard du système RDIE existant, en rendant le processus plus transparent. Il est donc encore trop tôt pour dire s’il s’agit d’une bonne ou une mauvaise nouvelle pour les entreprises françaises souhaitant travailler au Canada, dans la mesure où l’on s’éloignerait de ce que l’on connaît. »

Marchés publics

Les marchés publics faisant partie des compétences de l’Europe, les mesures qui s’y rapportent entreront en vigueur dès début 2017. Un chapitre entier, le 19, est consacré à cette question dans l’accord. Celui-ci devrait, dans ce domaine précis, profiter à l’Europe. « Selon le Quai d’Orsay, les marchés publics canadiens sont ouverts à hauteur de 10% actuellement aux entreprises de l’UE. Avec le Ceta, ce chiffre passerait à 30% », rappelle Maître Feigher. « Et les marchés s’ouvriraient au niveau fédéral, mais aussi des provinces, des régions et des villes, ainsi que dans le domaine hospitalier. » Les entreprises de construction européennes pourront-elles en profiter ? « En matière de marchés publics, l’accord couvre de manière générale tous types de biens et services commerciaux visés dans les annexes dédiées aux marchés publics, sous réserve de certaines exceptions, en particulier en matière de protection de la sécurité publique, de l’ordre public, de l’être humain, de la santé ou de la propriété intellectuelle (article 19.3). Les ports et aéroports, ainsi que la construction navale sont aussi exclus. L’accord couvre également spécifiquement les services de construction définis dans la division 51 (« Travaux de construction ») de la Classification centrale des produits des Nations Unies. »

Selon l’avocate, les sujets intéressant le plus le secteur du BTP – le transport routier et ferroviaire, l’énergie,

les services urbains, les bâtiments publics, le logement – entrent donc dans le cadre de l’accord, sous réserve de règles particulières applicables aux provinces du Québec et d’Ontario. L’annexe 19.6 détaille d’ailleurs les services à la construction couverts par le chapitre de l’accord intéressant les marchés publics. Mais ce sont aussi les principes mis en œuvre dans l’octroi des marchés publics qui vont être définis dans le Ceta, comme ceux de non-discrimination, de transparence et d’impartialité. « Ainsi, l’autorité adjudicatrice ne devra plus vérifier que la capacité légale et financière, ainsi que la compétence technique et commerciale du candidat à un marché public. Elle ne pourra pas exiger d’eux l’octroi préalable de contrats par l’entité adjudicatrice ou une expérience significative au Canada, hormis si cela est essentiel pour remplir les conditions de l’appel », indique Janice Feigher. Si les marchés de services (qui comprennent le BTP) rentrent dans le cadre de l’accord, les marchés de fournitures, y compris ceux de matériaux de construction, en font également partie (Annexe 19-4). Dans le sens inverse, les marchés de l’Union européenne, déjà ouverts à 90%, s’ouvriront encore un peu plus, avec un accès aux marchés lancés par l’Union européenne pour son propre compte, notamment pour ses bâtiments.

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