Le paysage du Cap-Roig était constitué de champs d’oliviers, entrecoupés d’épais murs de pierre qui se succédaient sur un plateau en balcon sur la mer.Laissé à l’abandon, ce site a été peu à peu regagné par les forêts de pins avant d’attirer la convoitise des promoteurs. L’urbanisation de cette zone a donc été lancée avec des programmes de logements destinés aux touristes. La maîtrise d’œuvre des espaces verts du futur quartier a fait l’objet d’un concours remporté par les paysagistes Michèle Orliac et Miquel Battle. La commande portait sur l’aménagement des flancs de la falaise, d’un parc, ainsi que sur la création d’une place publique.
L’intervention des paysagistes vise à sauvegarder au maximum les éléments naturels épargnés par la configuration du nouveau quartier. En effet, le quadrillage régulier des rues, le positionnement des trottoirs et de l’éclairage urbain ont conduit à aplanir le sol et à supprimer un grand nombre d’oliviers, dans une logique de tabula rasa. « Certaines rues sont plus hautes ou plus basses de 50 cm à 1,50 m par rapport au terrain déplore Michèle Orliac. En réaction, nous avons proposé de conserver tout ce qui restait et témoignait du passé agricole du site : les oliviers vieillis entourés de murs ou de tas de pierres, la ligne cahotante des murs – certains droits comme au premier jour, d’autres menaçant ruine –, les caroubiers, les pins et les graminées qui s’installent. » Sans céder à la muséification, il s’agit plutôt de donner à voir la transformation naturelle des lieux.
Michèle Orliac et Miquel Battle se sont limités à marquer quelques chemins et à soutenir les passages naturels très utilisés : le sentier de grande randonnée qui longe le haut de la falaise, la traversée entre résidences et plages pour guider les baigneurs, la descente vers les criques et enfin l’accès au belvédère, prévu au débouché de l’axe principal. Cet aménagement a minima vise à canaliser les flux pour protéger le paysage et réduire les risques d’éboulements des murs de pierres sèches, très fragiles. « Les chemins passent là où les murs sont déjà écroulés, précise Michèle Orliac. Comme des reprises sur un tissu déchiré, ils créent des coutures en diagonale ou en zigzag entre ces lignes plus ou moins parallèles, sautant d’une terrasse à l’autre. » En écho à la couleur rougeâtre de la falaise, ils sont réalisés en acier Corten. Des plaques préfabriquées de 2 m de long sont pliées pour former une sorte de coffrage dont la forme s’adapte au modelé de la pente. Juxtaposés, ces éléments viennent s’encastrer dans le relief et soulignent les différents chemins du parc. Sur ces tracés, les murs de soutènement font également office de bancs. L’aménagement de la place, quant à lui,détourne le principe de la « coupe à vif » dans le terrain, utilisé pour le réseau de voiries. Adoptant une logique opposée, il vise à affirmer l’état antérieur du site. Travaillée dans l’épaisseur, la place découpe un grand quadrilatère dans le paysage ancien, dominé par les silhouettes de cinq vieux oliviers. Témoins du niveau naturel du site, ils semblent découpés à l’emporte-pièce, tels des morceaux de terrain. S’élevant sur le pavement comme des bacs à plantes, leur présence, explique la paysagiste, « met en valeur, par contraste, le charme et la nostalgie de ce paysage agricole à l’abandon ».
