Malgré une décision de justice qui lui a été défavorable, la région Grand Est maintient le cap des travaux de la modernisation du canal Rhin-Rhône sur un tronçon au centre de l'Alsace, en vue d'y ramener la navigation de plaisance disparue depuis soixante ans et d'en « préserver la biodiversité », souligne-t-elle. Fin avril, elle a désigné Artelia pour conduire la maîtrise d'œuvre de la seconde phase de l'opération, la plus importante en longueur (23 km sur le total de 25 entre Artzenheim [Haut-Rhin] et Friesenheim [Bas-Rhin]) et en montant (34 M€ sur 46 M€). En parallèle, la région poursuit les études environnementales préalables à une enquête publique programmée pour début 2026 en vue d'un déclenchement en 2027 de travaux prévus sur deux ou trois années.
Jugement en référé
Pourtant, la réalisation de la première phase de 12 M€, également conçue par Artelia et mise en œuvre par les entreprises Peduzzi (génie civil), Rouby et Vogel TP, est interrompue depuis le 18 octobre dernier, date du jugement en référé prononcé par le tribunal administratif de Strasbourg qui suspend l'exécution de l'arrêté du 5 août 2024 accordant une autorisation environnementale au projet. La juridiction a reconnu « le caractère urgent de la requête » de deux associations locales au regard de l'« absence de demande de dérogation » sur la réglementation des espèces protégées qui peuplent l'itinéraire concerné et elle a pointé « de nombreuses insuffisances dans l'étude d'impact », rapporte le cabinet d'avocats Huglo-Lepage qui représente les requérants. Ceux-ci ont ainsi, en partie, été suivis dans leur argumentaire qui qualifie ce projet de « non-sens écologique et économique ».
La région compte néanmoins obtenir la reprise des travaux et la reconnaissance de la pertinence de son dossier, respectivement lors de l'examen de son recours auprès du Conseil d'Etat contre le référé et lors du jugement de fond qui pourrait intervenir dans les prochains mois.
« Large consensus »
Dans le détail, la première phase des travaux comprend le début d'étanchéification-consolidation des digues, ainsi que l'intervention sur les écluses de l'ensemble de l'itinéraire, soit 11 rénovations et la construction
d'une nouvelle, dans le but de générer une petite production hydroélectrique. La seconde consiste à recharger la nappe phréatique en faisant passer son débit de 1 à 3 m3 /s afin d'alimenter les rivières attenantes et les zones humides pendant l'été. Elle doit aussi poursuivre la consolidation des digues et l'imperméabilisation du tronçon grâce à des palplanches, réaliser des aménagements de type « trame verte », comme des plantations de haies, et draguer le canal pour lui faire atteindre une profondeur (1,80 m) le rendant navigable.
« Pour préserver le présent, il faut l'entretenir. C'est l'absence de travaux qui ferait disparaître la biodiversité dans vingt ou trente ans », justifie le président de région Franck Leroy. Déterminé, il compte entériner « le large consensus autour du projet parmi les collectivités et acteurs locaux (associations, pêcheurs…) » qu'il constate dans un « contrat de canal ». Ce texte serait signé dans quelques mois pour le fonctionnement post-travaux.