Prises en tenailles entre ressources en berne et explosion de leurs charges contraintes, les collectivités se trouvent aujourd’hui dans l’obligation de remettre à plat leur stratégie de développement. Exercice à haut risque, tant les marges de manœuvres des élus locaux sont infimes, comme l’a démontré, le 21 novembre, la traditionnelle table ronde « finances locales » organisée à Paris dans le cadre du 96ème congrès de l’Association des Maires de France (AMF).
« Entre la baisse des dotations de l’Etat et toutes les obligations auxquelles doivent se soumettre les collectivités, il y a un gap d’au moins 3 milliards d’euros. Les élus veulent bien participer au redressement des comptes de la Nation, mais il ne faut pas leur appliquer le garrot car les collectivités portent 71% de l’investissement public », observe André Laignel, maire (PS) d’Issoudun et vice-président de l’AMF.
Les maires et présidents d’intercommunalité qui veulent continuer d’assurer des services publics de proximité et de qualité n’auraient donc le choix qu’entre de mauvaises solutions ? Hausse de la fiscalité, augmentation de la dette, compression des dépenses sociales, réduction du nombre des fonctionnaires territoriaux... Assurément rien de très mobilisateur à quelques mois de renouvellement des mandats. Reste le levier « investissement », que certains élus peuvent être tentés d’utiliser comme variable d’ajustement des prochains budgets locaux.
« On ne pourra pas satisfaire les mêmes besoins de nos administrés dans 3 ou 4 ans. Il faut avoir le courage de le dire », admet Christian Pierret, maire (PS) de Saint-Dié-des-Vosges.
« Certains investissements réalisés par le passé, ne pourront pas être dupliqués dans les prochains mandats. Il y aura des arbitrages à faire », poursuit Philippe Laurent, maire (Nouveau Centre) de Sceaux.
« Un million investi, c’est 10 emplois préservés dans les TP »
« Attention aux conséquences que peut avoir sur les territoires un coup de frein sur les dépenses d’investissement. Je ne mésestime pas les difficultés des collectivités locales, mais les élus doivent savoir qu’un million d’euros investi dans une infrastructure, cela représente dix emplois préservés dans une entreprise », souligne de son côté Bruno Cavagné, le président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP).
Alors que la première année d'un mandat municipal et intercommunal constitue traditionnellement un "creux budgétaire", Bruno Cavagné pointe d’autres menaces sur l’activité des professionnels d’un secteur dont le chiffre d’affaires devrait se rétracter de 4% en 2014.
« La suspension de l’écotaxe va priver l’agence de financement des infrastructures de transports de ressources indispensables pour moderniser les réseaux existants et lancer de nouveaux projets. En outre, la remise à plat de la fiscalité, annoncée par le Premier ministre, risque de prendre trois ou quatre ans, ce qui risque de bloquer les contrats de plan Etat-Région en cours de négociation ».
Et le « patron » des TP d’ajouter : « lorsque les élus manquent de visibilité, les entreprises manquent de visibilité. Alors que nos carnets de commandes dépendent à 70% de la commande publique, nous entrons dans une zone de turbulences qui risque d’avoir des effets désastreux sur l’économie locale et sur l’emploi ».