Difficile d’avoir des certitudes concernant le Brexit, sauf une : le 29 mars 2019 reste la date officielle du divorce entre le Royaume Uni (RU) et l'Union Européenne, et elle approche à grand pas. Un départ du Royaume-Uni de l'Europe sans accord aurait d'importantes conséquences sur les échanges des deux parties, et notamment sur le fonctionnement des ports de la Manche et de la Bretagne. Ce « no deal » potentiel serait en effet synonyme de rétablissement des contrôles douaniers, sanitaires et de police pour toutes les liaisons passagers et marchandises entre la France et le Royaume-Uni.
Après avoir rejeté le 15 janvier dernier le projet d'accord négocié avec l'UE, les Parlementaires britanniques avaient voté le 29 janvier un amendement exigeant de revoir cet accord négocié par la première ministre Theresa May. « Nous nous retrouvons à nouveau dans une impasse, relève Pierre Karleskind, élu de la Région Bretagne en charge de la mer et des infrastructures portuaires. Il s'agit d'un nouveau mandat pour rouvrir des négociations alors même que l'Europe a signifié qu'elle ne reviendrait pas dessus. »
Coût élevé pour le contrôle des transports de marchandises
En Bretagne, zone de fort transit transmanche, une telle perspective inquiète la Région, propriétaire des ports et des aéroports tout comme ses concessionnaires, principalement les CCI départementales, avec Vinci Airports pour l'aéroport de Rennes. Plus d'un million de passagers transite chaque année par la Bretagne vers l’Angleterre, l'Irlande et les îles anglo-normandes, sur les navires de la Brittany Ferries et de Condor ferries.
Pour l'heure, la Région se refuse à chiffrer les coûts des adaptations nécessaires en cas de « hard Brexit », mais préfère parer au plus pressé. « Des solutions temporaires seront déployées en attendant la décision finale des Britanniques, déclare Pierre Karleskind. Des aubettes vont être installées afin d'accélérer les contrôles passagers. Par ailleurs, nous anticipons les demandes d'agréments auprès de l'Etat pour la mise en place, à Saint-Malo, Brest, Roscoff et Lorient, des trois types de points de contrôle requis pour le trafic marchandises en provenance de pays hors UE. » Coût estimé de l'opération, 2 M€ pour les seuls sites de Saint-Malo et Roscoff.
Saint-Malo, un port dans la ville très à l'étroit
Inséré dans la ville, le port de Saint-Malo, actuellement géré par la CCI Saint-Malo-Fougères,risque d'être le plus touché par les nécessités d'adaptation.
Pour répondre à l’arrivée de grands navires et au contexte du Brexit, la Région Bretagne a engagé une opération de modernisation du terminal ferry du Naye, dont le coût a été estimé à 75 M €. A l'issue de la consultation infructueuse pour le renouvellement de la concession, la Région a décidé de reprendre à sa charge la maîtrise d'ouvrage du projet, qui devait être initialement supporté par le futur concessionnaire.
« La perspective du Brexit va forcer l'épaisseur du trait du projet sans engager de surcoûts trop importants, estime Pierre Karleskind. La gestion de l'équipement restera dans le périmètre de la concession. » Le calendrier n'est pas fixé, pour l'heure, « avec, en perspective, 2 ans d'études préalables, de concertation et de débat public ».
Plus immédiats donc, seront les aménagements d'espaces de stockage des véhicules et des marchandises. En 2017, près de d'un million de tonnes de marchandises ont transité par Saint-Malo, Brest et Roscoff, dans le cadre des échanges avec le Royaume-Uni.
Bouchons de 27 km
Or, dans l'absence d'un accord, tous les ports bretons devront se doter d’un point d’entrée désigné (PED), chargé du contrôle des aliments pour animaux d’origine non animale, d’un point d’entrée communautaire (PEC) pour le contrôle phytosanitaire, et de postes d’inspection aux frontières (PIF) chargés du contrôle d’importation des produits d’origine animale et des animaux vivants.
Problème : à Saint-Malo, les espaces restent très contraints. Le risque d'engorgement du trafic reste un point difficile à anticiper. Un test logistique, organisé début janvier 2019 dans le sud-est de l’Angleterre a révélé que deux minutes supplémentaires de contrôle des camions créeraient des bouchons de plus de 27 km à Douvres. De ce côté-ci de la Manche, on craint un chaos similaire : « tout va dépendre des modalités de contrôles des camions, poursuit Pierre Karleskind. Seront-ils tous examinés ou seulement une partie d'entre eux ? Là, nous sommes encore dans le flou. »
Les aéroports moins touchés
Les doutes sont moins saillants du côté des infrastructures aéroportuaires. A Rennes, Lorient, Brest ou Quimper, « le renforcement des contrôles de police et de douane suppose le réaménagement des aérogares et le recrutement de nouveaux agents des douanes », relève François Barreau, directeur général de la CCI Bretagne, en charge des relations institutionnelles.
Le projet d'extension et de réaménagement de l'aéroport de Rennes-Saint Jacques (géré par Vinci, comme celui de Dinard) tombe à pic. En effet, les négociations entre l'Etat et la Région pour le transfert d'anciens terrains militaires (7 hectares), en continuité du site actuel, ont fini par aboutir fin 2018.
Le projet, qui envisage la rénovation de la piste et son potentiel allongement, l’agrandissement de l’aérogare et l’extension des parkings pourrait se concrétiser en intégrant les infrastructures de contrôle post-Brexit. Avec un trafic prévisionnel de deux millions de passagers à l’horizon 2035.