2018 aura été une année mouvementée pour le BTP britannique et 2019 s’annonce tout aussi tumultueuse. En effet, voilà un peu plus d'un an que Carillion a fait faillite, désarçonnant le secteur et coûtant au contribuable britannique environ 150 millions de £ (169 millions d’euros).
Des voix se sont depuis élevées pour que le BTP cesse de se reposer autant sur les sous-traitants, un modèle dont ont abusé de nombreuses sociétés de construction, dont l’ancien numéro 2 du secteur, qui construisait aussi bien des routes que des hôpitaux et fournissait des services aussi variés que de la maintenance, du nettoyage et de la restauration.
Depuis quelques mois, c’est son grand concurrent Interserve (plus de 3 Mds € de chiffre d'affaires) qui est engagé dans une restructuration financière majeure et susceptible de laisser le groupe sous contrôle des créanciers – tandis que Kier, un autre acteur majeur du marché, vient de perdre son PDG (lire encadré). Plus tôt, en novembre 2018, c’était le patron de la construction de maisons Persimmon, Jeff Fairburn, qui était remercié, après une interview télé désastreuse où celui-ci tentait de justifier sa récente prime de 75 millions de £ (84 millions d’euros).
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Les risques du Brexit
La débâcle liée à la banqueroute de Carillion n’est cependant pas la seule à affecter le secteur. Ce qui inquiète le plus les dirigeants de l’industrie à l’heure actuelle, c’est le Brexit, alors que le deal proposé par Theresa May a été rejeté par la Chambre des communes le 15 janvier, et que la Première ministre a pris le risque, mardi 29 janvier 2019, d’un affrontement majeur avec l’Union européenne, en demandant à renégocier l'accord. Le danger d’un Brexit sans accord, à deux mois de la date fixée pour le divorce, n'a jamais été aussi grand.
« Cette décision des députés prolongera l’impact économique sur les entreprises et les communautés locales du Royaume-Uni », a déclaré Mark Robinson, PDG de Scape Group, gestionnaire de projets du BTP.
Baisse de la livre et prix des matériaux
Combiné au déficit de compétences toujours grandissant, beaucoup se demanderont comment ils sont censés livrer les projets au rythme requis. L'une des principales préoccupations des responsables de la construction sera une nouvelle baisse de la livre, ce qui entraînera une pression accrue sur les prix des matériaux.
L’indice des prix des matériaux de construction a augmenté de 5,3% en janvier, une hausse significative qui a permis au coût des importations nettes en provenance de l’UE d’atteindre le niveau le plus élevé depuis 2011. Ce mélange toxique, ajouté au facteur de peur du Brexit, pourrait paralyser la croissance de la construction », s’inquiète ce dernier.
Noble Francis, chef économiste au sein de l’influente association des fabricants de matériaux, la CPA, estime que les entreprises britanniques sont empêchées d'effectuer de nouveaux investissements majeurs en raison des incertitudes liées aux rendements à long terme des investissements. « Si le gouvernement souhaite augmenter le nombre de logements et construire de nouvelles infrastructures de grande envergure telles que la centrale nucléaire de Hinkley Point C et HS2, il devra veiller à ce que la construction ait accès à des compétences clés », ajoute-t-il.
Croissance au plus bas
La croissance du secteur du BTP britannique est retombée à un plus bas en trois mois en décembre selon des statistiques officielles. L’indice des directeurs d’achats dans le secteur (IHS Markit / CIPS UK) est lui descendu à 53,8 en decembre, contre 53,4 en novembre.
De son côté la CPA, qui prévoyait il y a six mois à peine que la production dans le BTP 2019 augmenterait de 2,3%, avait révisé la croissance attendue à 0,6% il y a trois mois et l’a maintenant été réduite de moitié à seulement 0,3%. Les économistes du CPA ont également révisé le chiffre de production attendu sur l’année dernière, passant d’une croissance stable de 0,1% à une contraction de 0,2%, mettant ainsi fin à la longue séquence de croissance de l’activité du secteur.
Kier : les actionnaires se rebiffent
Alors que le groupe de services au BTP Kier a été contraint à une émission de droits de 250 millions de £ (282 d’euros) en novembre, seuls 38% des nouvelles actions offertes ont trouvé preneur, faisant craindre pour l’avenir de l’entreprise. Son PDG, Haydn Mursell, a été contraint de démissionner le 22 janvier sous la pression des actionnaires mécontents. Pourtant le même jour le groupe partageait de bonnes nouvelles, se disant « sur la bonne voie pour retourner dans le vert » d’ici la fin de son année fiscale, fin juin 2019.