« Un jour, peut-être, l’ouvrage deviendra patrimoine du Boulonnais… ». De quoi l’architecte du Mucem de Marseille et du Palais du cinéma de Venise, Rudy Ricciotti, parle-t-il ? D’un nouveau musée sur la côte d’Opale ? D’une annexe à l’aquarium géant Nausicaa ? Non, il évoque un bâtiment agro-industriel prévu pour ouvrir sur le port de Boulogne-sur-Mer en 2025.
La société Local Ocean, spécialisée dans l’élevage de poissons, a en effet fait appel à l’agence Ricciotti pour dessiner son projet de ferme aquacole. L’équipement à 200 millions d’euros s’élèverait sur un site de 12 hectares en bordure de Capécure, secteur attenant au centre-ville, dédié à la transformation du poisson. Cette ferme prévoit de produire 9 000 tonnes de saumon par an. De quoi permettre à Boulogne-sur-Mer de conserver son statut de premier port européen pour la transformation du poisson.
Abstraction
« La ferme s’inscrit dans une certaine abstraction ne permettant pas de reconnaître ici les signes d’une industrie, explique Rudy Ricciotti, l’architecture proposée n’est pas triviale, mais savante, sans pour autant être ostentatoire : de longs rubans de béton aux formes organiques, houleuses ».
Plutôt que le ciment Portland traditionnel, le béton utilisé aura recours au ciment Hoffmann bas carbone. Le béton, matériau de prédilection de Rudy Ricciotti, possède ici le triple avantage de protéger le bâtiment des aléas maritimes (coups de mer, oxydation saline, etc.), d’assurer un rôle de tampon thermique à l’heure du réchauffement climatique et de garantir une résistance acoustique bénéfique à la croissance des saumons.
Citadelle
Selon l’architecte : « La ferme aquacole prendra des allures de citadelle face à l’horizon marin, pensée pour affronter silencieusement le vent et la mer ». Mais l’esthétisme et le « silence » du bâtiment n’empêchent pas certains écologistes locaux de s’inquiéter de l’impact de l’équipement sur le milieu.
Dans un avis de juin 2022, la Mission régionale d’autorité environnementale, pointe les risques de rejets en mer importants d’azote et de phosphore d’un élevage considéré comme intensif.
Des réserves qui ont le don d’agacer Rudy Ricciotti, convaincu que : « Le projet se distingue justement de l’industrie conventionnelle avec des valeurs ancrées dans des notions de durabilité, de respect de l’environnement et de rayonnement international ».
Accueil du public
Le maire de la ville, Frédéric Cuvillier, ne dit pas autre chose et met en avant : « Une dimension de développement durable et d’accueil du public ». Le bâtiment a été en effet pensé pour accueillir des groupes de scolaires, de chercheurs… voire d’amateurs de tourisme industriel.
La phase d’enquête publique devrait débuter dans quelques semaines. En l’absence de recours, le permis de construire pourrait être délivré avant la fin de l’année.