BORDEAUX Le tramway structure le projet urbain

Les lignes du tramway (mises en service en 2003) constituent l'armature de la requalification des espaces publics majeurs de Bordeaux, au premier rang desquels les quatre kilomètres de quais sur la Garonne. Ce renouveau urbain s'étend à toute l'agglomération.

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La communauté urbaine de Bordeaux, avec ses 650 000 habitants sur 250 km2, compte parmi les agglomérations les moins denses de France : « Sur un territoire vaste et disponible, la tradition toujours forte de la maison de plain-pied - l'échoppe bordelaise -, avec son jardin, explique cette tendance à l'étalement urbain », note Jean-Baptiste Rigaudy, directeur adjoint de l'Agence d'urbanisme de Bordeaux Métropole. Cet étalement touche aussi les territoires périphériques au périmètre de la communauté et fait, qu'à Bordeaux, l'utilisation quotidienne de la voiture est plus développée qu'ailleurs. Contenir - à défaut d'inverser - la logique du tout voiture et redonner de l'attracti- vité au centre de l'agglomération sont les deux axes stratégiques majeurs validés par les élus lorsqu'ils décident, au milieu des années 90, de mener de front le projet de transport en commun en site propre (TCSP), la révision du schéma directeur et l'élaboration du plan local de l'habitat. Comme si le retard accumulé depuis des années dans le fonctionnement de l'agglomération devenait un atout. Le projet de transport devient alors un vrai projet d'urbanisme. Deux grands corridors d'aménagement sont validés en 1996. D'est en ouest, le tramway devra relier les Hauts de Garonne, de la rive droite au domaine universitaire de Pessac-Talence, et sur un axe nord-sud, la gare Saint-Jean au quartier du Lac, avec une ramification desservant le centre hospitalier régional et la commune de Mérignac. C'est sur cette base qu'est lancé l'appel à candidatures des bureaux d'études. L'offre de Systra est retenue pour deux raisons majeures. Elle préconise un réseau très polarisé avec des lignes fortes et des rabattements et, surtout, le passage du tramway sur les quais de la rive gauche de la Garonne. « Bien sûr, le programme d'aménagement des quais était déjà dans les esprits, et la rénovation du quartier des anciens entrepôts des Chartrons s'esquissait, mais la conviction d'Alain Juppé était que le TCSP devait servir le développement urbain et non l'inverse », raconte Francis Cuillier,directeur de l'agence d'urbanisme. L'enveloppe des tra-vaux de tramway financée par la communauté urbaine - aujourd'hui réévaluée à 170 millions d'euros - permet à la ville de Bordeaux d'engager des chantiers d'aménagement urbain. En effet, les lignes de tramway (41 kilomètres construits en deux phases) constitueront une charpente urbaine, en permettant de réaffirmer une fonction de centralité, qui s'étiolait, et en engageant à grande échelle une requalification des espaces publics. En 1999, l'agence Brochet-Lajus-Pueyo gagne le concours de maîtrise d'oeuvre des aménagements urbains du tramway, associée à Elizabeth de Portzamparc, pour le design du mobilier, et l'agence Signe, paysagistes. Un tiercé en charge d'une mission d'ensemblier urbain. « Nous avons basé notre projet sur le renforcement du marquage métallique au sol provo-qué par l'installation des rails du tramway : tout un vocabulaire est décliné (lisses de protection de la plate-forme de circulation, système de cloutage indiquant les intersections...) dans une matière spécifique, une fonte d'aluminium claire. C'est un projet de mar- quage et non pas de calepinage. Ce qui permet de traverser tous les lieux, quels que soient leurs types d'aménagement », explique Emmanuel Lajus. Le mobilier urbain qui propose des formes sobres et légères a recours au même matériau. Les villes traversées multiplient les projets d'aménagement liés au passage du tramway. Talence se dote d'un vrai centre-ville, crée une ZAC (logements, équipements publics) et construit, à deux pas du domaine universitaire, un complexe cinématographique (architecte, Michel Pétuaud Létang) qui sera livré fin 2002. Pessac conforte sa coulée verte, soigne les abords des stations et vise à diminuer la pression de la voiture dans son centre. La ville disposera en effet d'une interconnexion gare-tramway-bus. Lormont, rive droite, recrée un espace public qui fait à nouveau le lien avec Cenon, sa voisine. Celle-ci, qui compte près de 50 % de logements sociaux et qui bénéficiera d'une gare intermodale, crée une ZAC pour diversifier son offre de logements. Mais c'est à Bordeaux que les transformations seront les plus spectaculaires avec notamment le remodelage complet des quais sur la rive gauche de la Garonne par le paysagiste Michel Corajoud ; de la place Pey-Berland autour de la cathédrale, par l'architecte espagnol Francisco Mangado et l'agence King-Kong ; et de la place des Victoires, par l'équipe de l'architecte Bernard Huet. Les services de la communauté urbaine travaillent enfin sur le cahier des charges de l'aménagement de la place des Quinconces, réputée la plus grande d'Europe, où deux lignes du tramway se croiseront. Depuis 1999, la production de logements neufs dans l'agglomération se concentre dans les corridors de passage du tramway, mais « les investisseurs institutionnels et les bailleurs sociaux sont encore en attente », estime Robert Lucante, de l'agence d'urbanisme. C'est là que les créations d'entreprises sont les plus nombreuses et que les façades sont rénovées à un rythme plus soutenu. Les banques et les commerces de restauration rapide se concentrent déjà autour des stations. Mais si l'agglomération bordelaise vit une phase de grands travaux, le tramway ne réglera pas toutefois tous les problèmes urbains. Le retour des habitants dans le centre, l'un des objectifs de l'option initiale d'aménagement, ne se fera pas sans une politique foncière forte que vient d'ailleurs d'engager la communauté urbaine. La question de la desserte de l'aéroport de Bordeaux-Mérignac et celle du quadrant nord-ouest de l'agglomération, non concerné par les deux premières phases du tramway, restent ouvertes. Le raccordement des communes de la deuxième couronne de la rive droite et l'aménagement des 230 hectares du campus universitaire restent aussi en suspens. PHOTO ET DESSINS :1) Les quais de la Garonne (rive gauche) en cours de réaménagement. Perspective de jour au niveau du quai des Chartrons, vue vers le nord. Perspective de nuit, quai des Chartrons vue vers le sud. Sur les quais de la Garonne, le projet du paysagiste Michel Corajoud offre aux bordelais un accès au fleuve confortable. sur 4 kilomètres, se succèdent des espaces publics diversifiés, à dominante minérale ou végétale, accueillant des activités variées : marchés, terrasses de café, prairie, jardin classique, bassin d'eau, petits jardins cultivés...2) Aménagementy de l'avenue Thiers, le mobilier urbain marque l'espace pub . Passage du tramway en zone centrale. La traversée des communes périphériques s'accompagnera de la transformation des espaces publics......Mais enclenchera aussi une dynamique urbaine. ici, à cenon, une nouvelle zac densifie activités et habitatCARTE ET TRACE : 26 KM de lignes de tramway seront livrées en 2003.

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