Depuis novembre dernier, 28 000 m2 de bâtiments du secteur de l'EPA Bordeaux Euratlantique (Gironde), au sein de la ZAC Saint-Jean-Belcier, sont en cours de déconstruction. Cette partie en déshérence du quartier de la gare Saint-Jean va laisser place à une rue piétonne végétalisée - « le Méridien » -de 550 m de long sur 20 m de large, qui connectera la gare aux quais de la Garonne et débouchera sur un parc de 2 ha, fin 2026. A part cet espace public, l'opération, baptisée Canopia, est aménagée et exploitée par la foncière de développement Apsys et conçue par l'agence d'architecture Maison Edouard François.
D'un coût de 450 M€, ce projet entièrement privé mêle logements, hôtels, commerces, loisirs, bureaux et structures de l'économie sociale et solidaire. « Les visiteurs auront l'impression que ce quartier a toujours existé, malgré des éléments plus contemporains. Une diversité d'architectures permettra d'éviter la monotonie », précise François Agache, directeur général développement et opérations chez Apsys. Pour l'architecte Edouard François, l'approche pour créer ce quartier situé dans la ville de pierre diffère totalement de celle utilisée pour réaliser une opération ex nihilo.
Façades paramétriques. La pierre constitue justement l'ADN de Canopia qui puisera dans les ressources présentes sur place. Le travail de déconstruction des bâtiments, bloc par bloc, sera mené avec Cycle Up - en tant qu'AMO et BET - qui a identifié 2 512 t de pierres réutilisables (614,5 t seront réemployées in situ)sur 19 041 m² d'édifices diagnostiqués. « Chaque typologie correspond à un réemploi précis », explique Hugo Bonnet, directeur technique de la start-up. Lors de cette première étape, les pierres sont posées sur des palettes et numérotées en attendant leur nouvel usage. Au démarrage des travaux de construction, en septembre prochain, certaines façades seront réédifiées à l'identique, sur place ou un peu plus loin, quand une autre partie des pierres servira à élever des murs cyclopéens (mode de construction primitif, constitué de très grosses pierres agencées ou simplement entassées), non porteurs, qui fermeront les îlots.
Côté rue piétonne, les façades reprendront l'esprit de la pierre bordelaise. « Nous avons décidé de faire de l'architecture paramétrique à base d'éléments historiques », indique Edouard François. Il s'inspire du centre-ville constitué d'immeubles mitoyens, verticaux, en pierre, d'une largeur comprise entre 8 m et 20 m. « Nous avons identifié sept bâtiments références, explique-t-il. Il y en a des “bavards” et des “silencieux”. Nous allons réinterpréter la modénature de certains d'entre eux, et les plus discrets seront simplement reproduits. Au final, 49 typologies d'immeubles dialogueront et porteront la mémoire du système bordelais. »
Patchwork homogène. Ce travail donnera notamment naissance à un immeuble décrit comme pixélisé. « La pierre de Bordeaux fait 60 cm de large sur 33 cm de haut. Sur ce bâtiment, les proportions seront divisées par trois avec des blocs de 20 cm par 11 cm sur 3 000 m2 », détaille Mathieu Chatenet, architecte dans l'agence d'Edouard François, et chargé de l'opération. Les trois îlots de Canopia comprendront 80 petites façades : conservées en place, en pierres recyclées, végétales, ou en pierres neuves paramétriques semi-porteuses. « C'est un patchwork auquel le matériau apportera une homogénéité », précise-t-il. Et même quand elle n'est pas en pierre, l'architecture s'en inspire, à l'instar du bâtiment « iconique » face à la gare. « Ses blocs de verre thermoformé et translucide en reprennent les aspérités. Ce bâtiment de commerces fera office de phare dans le quartier », conclut Mathieu Chatenet.
Les chiffres-clés du projet
- 70 000 m2 de surface de plancher totale construits, répartis entre commerces, logements, activités économiques et de loisirs.
- 3,6 ha d'emprise sur le secteur de l'EPA Bordeaux Euratlantique au sein de la ZAC Saint-Jean Belcier.
- 2 000 m2 réservés aux entreprises de l'économie sociale et solidaire, à la demande de la mairie de Bordeaux.
- 95 % des matériaux existants seront recyclés ou réemployés.
- 13 400 m2 d'espaces végétalisés.
- 6 800 m2 de façades restaurées et conservées en place.
- 35 % de logements sociaux sur les 6 400 m2 d'habitation prévus par l'opération.
- 3 îlots constituent Canopia : Saget, Descas et Terrasses du Méridien.
Garonne et réseau de chaleur unis pour rafraîchir le quartier
Pour assurer le réchauffement, le projet prône, là aussi, l'utilisation des ressources à disposition en s'appuyant notamment sur le réseau de chaleur qui alimente le secteur de l'EPA. Ce réseau pourrait également assurer le rafraîchissement des 70 000 m2 de Canopia, grâce à un système connecté à la Garonne qui serait développé par Mixéner, une entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables, filiale de Bordeaux Métropole Energies et de la société Idex.
« La chaleur fatale du réseau alimenterait les pompes à échange thermique qui assureront la production de froid. Cela permettrait de limiter nos consommations d'énergie », précise François Agache, directeur général développement et opérations chez Apsys.
« Le coût du rafraîchissement devenant un sujet préoccupant, nous recherchons de nouveaux dispositifs comme celui-ci, inspiré de la boucle de thalassothermie d'Euromed à Marseille, et intéressant à notre échelle », souligne Valérie Lasek, directrice générale de l'EPA Bordeaux Euratlantique.
