Plus de 6.000 professionnels du chauffage bois ont rencontré 200 fabricants, du 2 au 5 avril à Lons-le-Saunier (Jura). Fondateur du salon, l’Institut technique européen du bois énergie (Itebe) a mis les installateurs à l’honneur, à travers un concours. Mis en place en 2007 par l’Association du Grand Est avec les cinq interprofessions régionales (1), l’Observatoire du bois énergie engage un état des lieux de la ressource et des marchés, de 2006 à 2008. L’approche interrégionale se justifie d’autant plus qu’en Bourgogne, Lorraine et Franche-Comté, cinq projets de centrales de cogénération se développent, suite à la consultation nationale de 2006 (2).
Pour la prochaine session, lancée en début d’année par la Commission de régulation de l’énergie, l’Alsace s’attend à la candidature des deux recalés bas-rhinois : le scieur Siat Braun à Urmatt et le transformateur d’amidon Roquette Frères à Beinheim.
Des centrales de cogénération entrent en scène
Ces nouvelles installations, d’une puissance électrique cumulée de 75 MW, bouleversent le marché de la plaquette forestière. Estimés à 420 000 tonnes de biomasse par an, leurs besoins représentent le double de la consommation actuelle des 500 chaufferies publiques collectives de l’Est. "La ressource existe, mais il faudra trouver un équilibre entre l’exploitation, les besoins des industriels et les projets de cogénération", analyse Christelle Rousselet, coordinatrice de l’observatoire du Grand Est au sein de l’interprofession bourguignonne Aprovalbois.
Porteur de la centrale destinée à fournir 15 % de l’énergie électrique de l’usine chimique Solvay à Tavaux (Jura), Dalkia Est arrêtera ses choix techniques en fonction du volume et de la nature de la biomasse mobilisable. Biomelec à La Machine (Nièvre) pense compléter son approvisionnement avec du miscanthus. Déjà cultivée dans l’Est mosellan et dans le Lunévillois, cette plante vivace présente des rendements calorifiques et des propriétés dépolluantes que l’Inra de Champenoux (Meurthe-et-Moselle) valide scientifiquement dans une chaufferie expérimentale. D’autres projets d’envergure pèsent sur la demande. La communauté urbaine du Grand Nancy et Dalkia Est associent trois chaufferies urbaines à la station de biomasse d’une capacité de 80.000 tonnes que l’opérateur d’énergie a inaugurée en décembre, dans la forêt de Haye. D’ici à 2011, l’usine d’électricité de Metz envisage une installation en cogénération dont les besoins s’élèveraient entre 50 000 et 80 000 tonnes de biomasse. A la même échéance, la Société colmarienne de chauffage urbain aura mis en service sa chaufferie bois de 8 MW.
Plaquettes : maturité du marché régional
Plus modestement, la Ville de Saint-Dié-des-Vosges décide de suivre l’exemple d’Epinal avec une chaufferie bois de 6 MW alimentant un réseau de chaleur. Site pilote du programme national "1 000 chaufferies rurales" de la Fédération nationale des communes forestières, les Vosges capitalisent dix ans de politique volontariste du conseil général. "Deux ingénieurs récemment recrutés vont transformer l’expérimentation en structuration de la filière", précise Jean-Marie Haraux, président de l’Union régionale des communes forestières. En Franche-Comté, l’Ademe veut couvrir tout le territoire avec des plans d’approvisionnement territoriaux, sur le modèle de l’initiative du pays Loue Lison. Un travail sur la qualité du séchage de la matière première accompagne la structuration de l’offre. A l’instar du référentiel bois bûche, Fibois Alsace conduit une démarche de standardisation et de qualification des essences et taux de siccité (pourcentage de matière sèche) qui devrait aboutir au cours du premier semestre.
A Besançon, une plate-forme de 1.000 m2 d’une capacité de 6.300 m3 apparents plaquettes et 1.000 stères de bûches sécurise l’approvisionnement de la chaufferie de Planoise et de sept petites chaufferies des communes environnantes. "Le stockage en plein vent et à l’abri garantit une qualité régulière du produit", indiquent les services de la communauté d’agglomération, maître d’ouvrage.
Granulés : les aléas d’un marché européen
Mieux adaptés aux particuliers, car moins encombrants, les granulés (ou pellets) fabriqués à partir de sciure et déchets de l’industrie du bois, ont subi de fortes hausses des cours en 2006, ce qui a freiné leur croissance structurelle. Sur une capacité de 310.000 tonnes recensée dans l’Est par l’Itebe, 55.000 ont trouvé un débouché sur place.
Seule unité alsacienne, Alsace Pellets n’a pas survécu à la flambée des prix. Des problèmes techniques ont contraint Haut-Doubs Pellets au redressement judiciaire, un an après sa mise en service en 2007. Aujourd’hui à la moitié de sa capacité, la plus grosse unité de l’Est (50 000 tonnes/an), basée à Leviers (Doubs), présentera un plan de continuation, accompagné d’un projet commercial sur les pays limitrophes (Italie, Suisse, Allemagne).
"Combustible léger soumis aux aléas d’un marché européen, le granulé trouve difficilement son équilibre économique en dehors d’un adossement à une scierie", estime Sacha Jung, délégué général de Fibois Alsace.
La bûche : 80 % hors des circuits légaux
Premier des marchés du bois énergie, la bûche esquisse une révolution. La charte "Alsace bois bûche" signée fin 2007 et le label qui l’accompagne servent de base à un référentiel commun à une dizaine d’interprofessions régionales, dont la Normandie et l’Ile-de-France. L’émergence d’un marché urbain en Alsace a aidé les négociants en bois de chauffage à se regrouper. Une quinzaine d’entreprises a participé à une réunion de sensibilisation à la création de dépôts urbains mutualisés. Mais les 845 000 stères commercialisés en 2007 dans le Grand Est cachent une économie parallèle. Avec affouage et marché noir, 6,7 millions de stères de bûches seraient produites.