BIM, objets connectés… les défis de l'assurance pour demain

Comme d'autres secteurs, celui de la construction n'échappe pas à la règle de la numérisation. Désormais, le chantier peut s'organiser autour du building information mode lin g (BIM) et les objets connectés envahissent le quotidien des professionnels. Demain, l'intelligence artificielle parachèvera cette révolution. Cependant, ces nouveautés ne sont pas sans conséquences en termes assurant iel. Elles engendrent de nouveaux risques et obligent le monde de l'assurance à s'adapter.

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Depuis quelques années, les différents intervenants dans une opération de construction coordonnent leur intervention autour du building information mode lin g (BIM). Les objets connectés assistent les entrepreneurs au cours du chantier notamment dans les systèmes de prévention. « On voit apparaître des chantiers surveillés par des rondes automatiques réalisées par des drones, des outils ou des grues sont équipés de détecteur de présence pour éviter les accidents. Le champ des possibles est important, à ce jour nous en sommes qu'au début » détaille Grégory Kron, directeur général adjoint de la SMABTP.

Désormais, la construction se fait de façon collaborative autour de la modélisation des informations du bâtiment à l'aide d'une maquette BIM. « Le BIM est un outil au service de la compétence de la maîtrise d'œuvre, il ne génère pas de problématique assurantielle différente d'une collaboration autour de plan papier. Nous assurons l'activité de l'entrepreneur peu importe le processus » précise Grégory Kron. En effet, le Code civil prévoit que le constructeur est responsable à la fois des dommages qu'il cause à un tiers et des dommages qu'il cause à son ouvrage. À ce titre, il doit être garanti sur le fondement de la responsabilité civile et de la responsabilité décennale. Le fait que la collaboration se fasse autour de plans papiers ou d'une maquette numérique ne change rien à la responsabilité de chaque intervenant.

En revanche, la démarche BIM implique la désignation d'un BIM manager La responsabilité de ce nouvel intervenant peut poser question. En pratique, le BIM manager est celui qui met en place le processus et coordonne les échanges de données entre les intervenants. Cette nouvelle fonction recouvre des réalités diverses allant de la simple assis tance à la maîtrise d'ouvrage, à la réalisation de synthèse complète et de recommandation en passant par une mission classique de cabinet d'étude. « Le BIM

manager est une nouvelle fonction, l'une des difficultés est qu'il faille clairement identifier le contenu de sa mission. Elle peut être différente d'un dossier à un autre. Dans certains cas, son intervention pourra le rendre débiteur d'une garantie décennale en application du Code civil. C'est pourquoi, nous recommandons d'intégrer cette garantie systématiquement dans les contrats d'assurance des BIM manager.

Si l'emploi de matériaux connectés comme du béton connecté mesurant le taux d'humidité de la matière est encore anecdotique, bien qu'il puisse être utile pour réduire les risques de garantie décennale par exemple, les professionnels utilisent de plus en plus des systèmes de prévention des risques au cours du chantier. Ces outils connectés, comme une pelle détectant la présence de personne dans son champ d'intervention sont utiles pour limiter les risques et garantir la sécurité du chantier. « Mais nous sommes au début de l'alphabet des possibles. Certains assureurs communiquent sur des variations de prime en cas d'usage de ces outils. Cette politique tarifaire n'est pas nouvelle. Il y a 30 ans le client qui installait une alarme pouvait avoir une réduction de sa prime, mais il est nécessaire d'être prudent face à de telle offre » énonce le directeur général adjoint. Une fois le bâtiment construit, l'exploitation des données de la maquette BIM permettra de faciliter sa maintenance. « Aujourd'hui quand une fuite est détectée, la première question est de connaître le lieu de passage du réseau concerné, la maquette numérique facilite cette connaissance. Mais pour l'heure, la question de son stockage doit être résolue » explique Grégory Kron.

Dès lors, si la numérisation du chantier offre des perspectives intéressantes, l'usage des professionnels est encore insuffisant pour générer du contentieux.

L'assurance de la domotique connectée

En revanche, depuis quelques années, les solutions domotiques connectées rendant le bâtiment intelligent se développent et sont adoptées par les utilisateurs. Dès lors, en cas de défaillance du système de domotique connecté la question de la responsabilité et de l'assurance se pose. Le 26 février 2003 la troisième chambre civile de la Cour de cassation (n° 01- 14. 352) a statué sur cette question. Les hauts magistrats ont retenu que « les désordres constatés dans l'installation domotique de l'immeuble affectaient un élément d'équipement dissociable au sens de l'article 1792- 3 du Code civil » Dans ce cas, les désordres n'étaient pas soumis à la garantie décennale. Ils censurent la décision de la Cour d'appel, en rappelant qu'elle aurait dû constater que les désordres rendaient l'ouvrage impropre à sa destination. Ainsi, la domotique connectée telle que des interrupteurs ou des volets sont des éléments d'équipements soumis à une garantie de bon fonctionnement prévue à l'article 1792- 3 du Code civil.

Cependant, dans l'espèce de la décision du 26 février 2003, l'installation domotique concernait un élément d'équipement dissociable. Mais les juges maintiendraient-ils leur interprétation si le désordre remettait en cause l'habitabilité de l'immeuble, par exemple en bloquant le système de chauffage ou la distribution d'électricité ? Ne se-rait-il pas possible d'évoquer la garantie décennale sur le fondement de l'impropriété à destination ? Encore faudrait-il que les éléments connectés soient entièrement intégrés dans l'immeuble au point qu'ils ne puissent plus être dissociés du bâti. La même question se poserait en cas d'installation d'objet garantissant une performance énergétique, par exemple d'un thermostat connecté qui entraînerait une surconsommation énergétique permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant. Dans ce cas, l'article L. 111- 13- 1 du Code de la construction et de l'habitation posant le principe d'une responsabilité décennale en matière de performance énergétique pourrait-il s'appliquer ? « Il est prévisible que la multiplication des immeubles connectés pose de nouvelles questions juridiques. C'est le rôle de l'assureur d'accompagner ces changements. La réglementation est bien faite, elle saura s'adapter à ces problématiques » conclu Grégory Kron.

Les datas, une valeur à assurer

L'usage du numérique multiplie les occasions de perte ou d'altération des documents. Ainsi, alors que l'entreprise traditionnelle craignait le feu ou les inondations qui pouvaient détruire leurs plans papiers ou leurs factures par exemple ; une entreprise utilisant le numérique peut notamment être victime d'un piratage, transmettre des fichiers corrompus à ses clients ou prestataires, ou faire l'objet d'une demande de rançon pour récupérer les données numériques du chantier. « L'usage du numérique crée de nouveaux risques qui doivent s'assurer. Selon le degré d'atteinte, le chantier peut se trouver arrêté pendant le nettoyage des fichiers et la restauration des données. Le professionnel doit alors s'assurer au même titre que l'assurance tous risques chantier » alerte le directeur général adjoint. « C'est pourquoi, la SMABTP a lancé en mai 2018, le contrat tous risques chantier cyber (TRC Cyber), ce produit permet au chantier de redémarrer après une cyber attaque. Il prend en charge ses conséquences financières, y compris les pertes d'exploitation » expose-t-il. En raison du caractère innovant de ce contrat et du bénéfice immédiat offert aux sinistrés, ce produit a reçu un argus d'or de l'Assurance dommage dans la catégorie risques d'entreprise en avril 2019.

Si le numérique modifie les usages des entrepreneurs et des utilisateurs finaux, la plasticité de la législation assurantielle permet de répondre à ces nouvelles problématiques. Cependant, cette nouvelle façon de travailler basé sur les données implique de nouveaux risques qui doivent être pris en compte.

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