Lors de la rentrée 2006-2007 à l’université Pierre-et-Marie-Curie de Paris (5e arrondissement), quelque 3 400 étudiants de 1er cycle arpenteront les nouveaux locaux d’enseignements du bâtiment « 16 M ». Une extension du campus de Jussieu d’environ 17 000 m2 signée Périphériques Architectes. Pour dispatcher au mieux tous ces étudiants vers leurs salles de cours ou laboratoires, cinq escalators jumelés à cinq escaliers grimpent de plancher à plancher dans le vide central de l’atrium (28,50 m de haut, 50 m de long et 15 m de large). Certains verront dans ces circulations aériennes une référence à l’aérogare n°1 de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle (Paul Andreu, architecte) ; d’autres évoqueront les perspectives vertigineuses gravées par Piranèse ou M.C. Escher. Quoi qu’il en soit, elles permettront de gérer l’affluence d’étudiants aux intercours et de sortir d’une conception standardisée de l’espace d’enseignement.
Théâtraliser l’espace. Les panneaux qui habillent l’atrium, récemment détaillés dans notre dossier sur le béton préfabriqué (voir « Le Moniteur » n°5341 daté du 7 avril, page 68), ne jouent pas un rôle structurel mais décoratif. « Ils sont à la fois lourds pour assurer la fonction de garde-corps aux coursives périphériques, et en même temps légers car l’absence de jointoiements semble les faire flotter dans l’air », souligne l’architecte David Trottin. Son associée, Anne-Françoise Jumeau, ajoute à cela la notion de mouvement. « La surface devait se plier en un grand ruban cinétique autour duquel les étudiants circuleraient, c’est pourquoi nous avons arrondi tous les angles », explique-t-elle. Le béton, laissé brut côté atrium, est peint de différentes couleurs vives côté coursive (voir encadré ci-après), ce qui procure davantage d’effets.
Les trois « ponts » métalliques qui traversent l’atrium, et qui sont « habités » par l’administration, participent à cette architecture spectaculaire. Les étudiants peuvent les traverser pour prendre des raccourcis, mais aussi se réunir dessus ou dessous comme sur de petites places de village. Parcourir ces lieux donne la sensation d’un cœur dont le volume se dilate et se rétracte sans cesse. La foule pouvant alors être comparée au flux sanguin… Deux immenses lustres prendront place aux extrémités de l’atrium dans le courant de l’année et parachèveront ainsi le décor.
Filtres à lumière. La lumière du jour pénètre abondamment au travers d’une toiture peu standard. Au lieu d’installer une verrière chère et pesante, les maîtres d’œuvre ont voulu tester, Appréciation technique d’expérimentation (ATEx) délivrée par le CSTB à l’appui, les coussins gonflables en Texlon (poids : équivalent à 1 % de celui du verre ; prix : 345 euros du m2 fourni posé). Cette innovation technologique, notamment mise en œuvre à l’école d’architecture de Versailles par les architectes Aldric Beckmann, Françoise N’Thépé et Franck Vialet (voir « Le Moniteur » n° 5291 du 22 avril 2005, p. 70), est encore peu utilisée en France. Elle consiste ici en une succession de longs coussins pneumatiques pincés dans des profilés aluminium. Les coussins, formés de trois membranes en plastique (ETFE, éthyle tétra fluor éthylène), laissent transparaître la couleur du ciel et les nuages. La maintenance s’effectue non pas à partir d’un gril technique voyant, mais d’un discret filet d’acier inoxydable, capable de supporter jusqu’à 150 kg au m2 (industriel : Staco).
A l’opposé de l’atrium, les salles de classes, toutes disposées en façade, sont éclairées naturellement par les vitrages toute hauteur des murs rideaux (5 000 m2 au total). Sur ces derniers vient se greffer une seconde peau en tôle d’aluminium anodisé. Elle unifie l’aspect extérieur du bâtiment et filtre la lumière grâce à ses macro et micro-perforations. Huit modèles de panneaux se répètent de manière aléatoire sur la quasi-totalité des façades. Certaines baies en sont dépourvues afin de dévoiler par endroit l’intérieur de l’édifice. Cet habillage « précieux » sert aussi de protection au personnel chargé de l’entretien extérieur.
La largeur de 1,20 m des panneaux est calée sur la largeur la plus économique des vitrages qui, hasard du contexte, correspond à la trame de la charpente métallique de Jussieu, dessinée en 1964 par l’architecte Edouard Albert. L’apparente facilité de cette jonction architecturale, entre les bâtiments d’origine et l’extension actuelle, cache un véritable hiatus urbain. La dalle sur laquelle repose le campus n’a jamais été terminée. Pour la relier de manière homogène à l’esplanade du quai Saint-Bernard située en contrebas, les architectes ont créé une topographie artificielle dont le relief pentu s’apparente à un papier froissé. Cette succession de rampes se transforme en escalier magistral côté rue Cuvier, nouvelle entrée phare des étudiants.

