Avis défavorables du CSCEE et du CNEN au projet d’ordonnance renforçant le contrôle des règles de construction

Le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique et le Conseil national d’évaluation des normes ont émis des avis défavorables au projet d’ordonnance visant à renforcer les règles de la construction. Pris sur le fondement de l’article 173 de la loi Climat et résilience, ce texte précise l’objectif des attestations actuellement en vigueur dans le Code de la construction, fait évoluer la nature de celles exigées au stade du permis de construire et crée une police administrative du contrôle des règles de construction. Il doit entrer en vigueur d’ici au 22 août 2022.

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Un chantier à Paris
En 2018, les 619 contrôles effectués sur le territoire métropolitain, correspondant à seulement 4,6 % du total des opérations de construction neuve, ont montré des taux "élevés" de non-conformité, "supérieurs à 50 % pour plusieurs exigences réglementaires", d’après la fiche d’impact du projet d'ordonnance pris sur le fondement de l'article 173 de la loi Climat et résilience.

La loi Climat et résilience a été adoptée par le Parlement il y a tout juste un an, le 20 juillet 2021, puis promulguée un mois plus tard. Pris sur le fondement de son article 173, un projet d’ordonnance visant à renforcer le contrôle des règles de construction, qu’AEF info a pu consulter, "doit être publié avant le 22 août 2022", selon sa fiche d’impact. Or ce texte a fait début juillet l’objet d’avis défavorables du CNEN et du CSCEE.

Pour mémoire l’article 173 habilite notamment le gouvernement à prendre toute mesure permettant de "compléter et modifier […] le régime de police administrative portant sur le contrôle des règles prévues au livre Ier du code de la construction et de l’habitation" et permettant de "modifier le champ d’application et les conditions de délivrance des attestations relatives au respect des règles de construction […]."

Il faut dire qu’en 2018, les 619 contrôles effectués sur le territoire métropolitain, correspondant à seulement 4,6 % du total des opérations de construction neuve, ont montré des taux "élevés" de non-conformité, "supérieurs à 50 % pour plusieurs exigences réglementaires", d’après la fiche d’impact. Pour autant, des sanctions sont "rarement" prises et les condamnations pénales, prévues au titre de l’art. L. 183-13 du CCH, sont "rarement" prononcées, poursuit le texte. Qui dénombre une vingtaine de condamnations pour infraction aux règles de la construction prononcées par des tribunaux judiciaires, entre 2017 et 2020.

Une nouvelle attestation, relative au risque de retrait gonflement des argiles

Le projet d’ordonnance vise donc d’abord à "clarifier et fiabiliser" le régime des attestations actuellement en vigueur dans le CCH. Il précise ainsi la liste des professions préexistantes habilitées à délivrer ces attestations (architectes, contrôleurs techniques agréés, organismes de certification, diagnostiqueurs et bureaux d’études) et à déployer un régime d’agrément pour les contrôleurs techniques et les bureaux d’études réalisant ces attestations. Le projet d’ordonnance prévoit aussi de "préciser" l’objectif de ces attestations. C’est-à-dire le respect, "le cas échéant au stade de la conception", des règles de construction. C’est là que le bât blesse, pour le CSCEE : "c’est un peu comme si l’on demandait à un automobiliste d’attester avant de prendre le volant qu’il respecte le Code de la route", s’étonne son président, Christophe Caresche.

Le projet d’ordonnance fait également évoluer la nature des attestations exigées au stade de la DAACT ou du permis de construire. L’attestation préexistante portant sur la réalisation de l’étude des solutions d’approvisionnement en énergie est ainsi supprimée. Elle "se justifie moins depuis l’entrée en vigueur de la RE 2020, qui va, en pratique, rendre nécessaire le recours aux énergies renouvelables à partir de 2022 ou 2025 en fonction des typologies de bâtiment", explique la fiche d’impact. Une nouvelle attestation, relative aux risques liés aux terrains argileux, dite "retrait gonflement des argiles", est créée. Elle devra être produite au moment du dépôt du permis de construire et de la DAACT. Le RGA est un sujet "important, notamment dans le cas des maisons individuelles, et coûteux en cas de sinistre", argumente la fiche d’impact.

Des outils "coercitifs adaptés"

Le projet d’ordonnance instaure aussi une police administrative du contrôle des règles de construction. Celle-ci mobilisera des outils "coercitifs adaptés", comme la mise en demeure, des sanctions administratives "proportionnées", ou encore la possibilité de suspension ou de retrait d’agrément. Elle complétera le régime de police judiciaire, "rendant l’ensemble du contrôle plus efficient." Un contrôle qui pourra concerner "tous" les intervenants impliqués autour de l’acte de construire et "la grande majorité" des règles constructives définies dans le code de la construction et de l’habitation. Des dispositifs de sanction administrative "approuvés" par le CSCEE.

Les principaux acteurs concernés par les dispositions prévues par cette ordonnance sont les services de l’État - surtout les services déconcentrés -, concernés par la mise en place de la police administrative ; les professions compétentes pour la réalisation des attestations ; et les maîtres d’ouvrage, professionnels ou particuliers. Ces derniers doivent fournir les attestations prévues par l’ordonnance au stade du permis de construire et/ou de la déclaration d’achèvement de travaux. L’ordonnance concerne enfin les collectivités locales (communes ou EPCI), ainsi que les services de l’État, en tant que services instructeurs des autorisations d’urbanisme, qui "auront communication de ces attestations."

Un jeu à somme nulle

Au sujet, précisément, des collectivités territoriales, le CNEN considère que la fiche d’impact transmise par le gouvernement est "incomplète" sur les coûts engendrés par le projet d’ordonnance. Il s’interroge en particulier sur le contrôle de l’attestation relative au risque de RGA, à même de générer "des coûts administratifs inhérents, par exemple, à la formation des agents ou aux déplacements sur les zones de contrôle, sujet pour lequel la fiche d’impact transmise n’apporte pas d’éléments."

Le nombre d’attestations dans le cadre du projet d’ordonnance étant "à somme nulle", le nouveau régime "ne devrait pas générer de surcoût", estime le gouvernement dans la fiche d’impact. En effet, d’un côté, l’étude de faisabilité technique et économique évaluant les diverses solutions d’approvisionnement en énergie n’est plus requise et, de l’autre, l’attestation RGA est ajoutée. L’impact sur le travail des instructeurs sera "vraisemblablement faible, voire nul", insistent les pouvoirs publics.

Une "volonté manifeste de recentraliser certaines compétences"

Le CNEN "regrette" également que la fiche d’impact "ne précise pas" les conséquences financières sur les services déconcentrés de l’État, alors même que le contrôle administratif leur incombe en pratique. Le CNEN rappelle que, pour qu’un système de contrôle par la délivrance d’attestations puisse fonctionner, il est nécessaire que la mission de contrôle de l’État opérée sur ces attestations "soit elle-même renforcée et supportée financièrement, comme le préconise le rapport du CGEDD publié le 7 avril 2022."

Le CNEN s’interroge aussi sur "l’effectivité opérationnelle" de ce contrôle mené par les services de l’État déconcentré, invoquant la réduction des effectifs au sein de l’administration déconcentrée. C’est d’ailleurs pourquoi le projet d’ordonnance ouvre la possibilité, pour l’État, de recourir à "des contrôleurs techniques assermentés du secteur privé." Cela afin de "pallier la diminution des effectifs constatée au sein des DDT." C’est qui amène le CNEN à rappeler au gouvernement son "attachement" à l’article 1er de la Constitution, qui consacre le principe de l’organisation décentralisée de la France. Or, "en l’espèce", avec ce projet d’ordonnance, le CNEN constate une "volonté manifeste de recentraliser certaines compétences, au détriment des services déconcentrés de l’État agissant sous l’autorité du préfet de département."

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