La passation des avenants aux marchés publics a toujours été une source de difficultés. Sans s’attarder sur la problématique de l’appréciation du seuil de bouleversement de l’économie du marché, la difficulté provenait principalement des avenants aux Mapa (marchés à procédure adaptée : art. 28 du Code des marchés publics) et, plus précisément, des avenants augmentant le montant du marché de plus de 5 %, soumis en principe et quel que soit leur montant à l’avis préalable de la commission d’appel d’offres (CAO) en vertu des dispositions de la loi du 8 février 1995. La loi de simplification du droit du 20 décembre 2007 a voulu assouplir le régime de passation de ces avenants. Un effort louable mais qui n’aboutit pas à une simplification.
Interprétation stricte de la loi ancienne
En effet, pour enrayer le bouleversement général de l’économie du contrat initial qui pouvait découler de la passation de plusieurs avenants successifs arrivant parfois à doubler le montant initial du marché, le législateur a instauré, dans le cadre de la loi du 8 février 1995, les dispositions suivantes (insérées à l’) : « Tout projet d’avenant à un marché de travaux, de fournitures ou de services ou à une convention de délégation de service public entraînant une augmentation du montant global supérieure à 5 p. 100 est soumis pour avis à la commission d’appel d’offres ou à la commission visée à l’article 43. L’assemblée délibérante qui statue sur le projet d’avenant est préalablement informée de cet avis ».
Ce texte, pour ce qui ressort des marchés publics locaux, a fait l’objet d’une interprétation stricte : un avenant qui entraînait une augmentation de plus de 5 % d’un Mapa était soumis pour avis à la CAO, alors même que le marché initial n’entrait pas dans son champ de compétence. L’art. L.2122-22.4° du Code général des collectivités territoriales permettait en effet (et permet encore) à l’exécutif de procéder au choix, ainsi qu’à la signature des marchés jusqu’à 210 000 euros HT (1) dès lors qu’il dispose d’une délégation à cet effet (2). Ainsi, la passation d’un avenant de plus de 5 % à un marché de ramettes de papiers de 20 000 euros, soit 1 000 euros, était soumise pour avis à la CAO avant transmission à l’assemblée délibérante, alors que le marché initial avait pu être attribué librement par l’exécutif en vertu de la délégation susmentionnée. On pouvait espérer que ce système serait mis à mal par la décision du tribunal administratif de Strasbourg (3). En effet, le juge avait considéré que la soumission d’un avenant de plus de 5 % à la CAO pour avis, préalablement à sa signature par l’exécutif n’était pas nécessaire dès lors que le marché initial ne relevait pas de la compétence de la CAO.
Une simplification manquée pour les collectivités territoriales
La logique du tribunal de Strasbourg a bien guidé la plume du législateur, mais il semble que, par combinaison des art. 14 et 19 de la loi de simplification du droit, la passation des avenants soit désormais encore plus complexe qu’auparavant. Tout au moins pour ce qui concerne les marchés passés par les communes, les départements et les régions, mais curieusement pas nécessairement pour leurs établissements publics qui ne relèvent pas des mêmes dispositions. L’art. 19 précise désormais que les avenants dont le montant est supérieur à 5 % n’ont pas à être transmis pour avis à la CAO dès lors que le marché au principal ne relève lui-même pas du champ de compétence de cette dernière (ce qui est le cas des Mapa). A ce stade, la logique est respectée. L’art. 14, relatif au fonctionnement des communes, des départements et des régions pour ce qui relève des Mapa (4) limite quant à lui la possibilité pour l’exécutif de signer les avenants augmentant le montant du marché initial de plus de 5 %. A ce stade, la logique ne trouve plus d’application concrète. Il convient donc d’être extrêmement attentif à la combinaison de ces articles lorsque l’acheteur est une collectivité territoriale. En effet, pour ce qui relève des marchés de l’Etat, ou bien des hôpitaux (5), l’art. 19 prend tout son sens : pour ce qui relève des Mapa, l’exécutif peut désormais attribuer les marchés et signer les avenants, alors même que ces derniers augmenteraient le montant du marché de plus de 5 %.
Il n’en va pas de même pour ce qui relève des collectivités locales (mais pas de leurs EPCI) énoncées à l’art. 14, puisque l’exécutif ne peut pas signer les avenants augmentant de plus de 5 % le montant du marché. Ce qui pose la question de déterminer l’organe compétent pour autoriser la signature des avenants à un Mapa de plus de 5 %. Serait-ce la CAO ? La réponse est négative. Cette dernière est un organe spécialisé d’attribution des marchés publics qui n’intervient que dans le strict cadre des compétences qui lui sont dévolues par le Code et de la nouvelle loi. Or la CAO n’a vocation à intervenir que dans les procédures formalisées.
Serait-ce alors l’assemblée délibérante ? C’est l’hypothèse juridique la plus logique puisque cette dernière ne peut donner délégation à l’exécutif pour signer les avenants que dans la limite de 5 % (ce qui est, du reste, confirmé par les travaux parlementaires) (6). Autrement dit, un avenant augmentant de plus de 5 % un marché d’un montant de 1 000 euros, soit la somme de 50 euros, devra être soumis, non à la CAO (qui n’a pas vocation à intervenir), mais à l’assemblée délibérante. En conséquence, le nouveau dispositif est non seulement contraire à l’ouverture espérée suite à la décision du tribunal de Strasbourg, mais vient compliquer la vie quotidienne des acheteurs publics locaux.
La simplification espérée est certes aboutie, mais seulement pour les marchés de l’Etat et de ses établissements, pour les établissements publics hospitaliers, les offices publics de l’habitat et autres EPCI. L’interprétation littérale du texte exclurait aussi de cette contrainte les EPCI et les syndicats mixtes ne relevant pas des dispositions légales modifiées.
Tableaux Dispositions appliacles à la passation des avenants avant la loi de simplification du 20 décembre 2007 Marchés publics de l’Etat et des établissements publics de santé (EPS), Marchés publics des collectivités territoriales, Dispositions issues de loi de simplification, Etat et établissements publics de santé (EPS), Collectivités territoriales