L’autoconsommation collective a le vent en poupe avec 379 opérations recensées par Enedis. Soit une hausse de 102 % sur les douze derniers mois. « L’heure est aux réseaux d’unités décentralisées et surtout intelligentes, pour que l’électricité verte produite soit consommée au maximum sur place, en temps réel. L’enjeu consiste maintenant à déterminer quels leviers technologiques peuvent être mobilisés pour optimiser cette autoconsommation collective dans un périmètre plus large et mutualisé » résume Iban Lizarralde, enseignant chercheur à l’Ecole supérieure des Technologies industrielles avancées (Bidart).
C’est pour répondre à ce défi que l’Estia a lancé en mars et pour trois ans le projet Ekate+avec cinq autres structures transfrontalières France-Espagne. En effet, si l’adaptation du cadre légal dans les deux pays encourage l’autoconsommation partagée et les communautés d’énergie renouvelable (CER), ces dernières sont complexes à gérer.
Jumeaux numériques
« Les moyens classiques de calcul ne suffisent plus au vu du flux énorme d’informations à recueillir et à traiter pour vérifier en continu le nombre de kilowattheures généré, qui produit et qui consomme, et anticiper la répartition énergétique » explique André Joffre. Ainsi, pour le président de Tecsol et du pôle de compétitivité Derbi, partenaires du projet, « seule la convergence entre le solaire et le numérique avec des technologies avancées donnera lieu à l’émergence de communautés performantes à grande échelle, peut-être celle d’une région à horizon 2030. »
Dans cette optique, le consortium va notamment expérimenter des jumeaux numériques dans deux démonstrateurs - autrement dit, la réplique digitale d’une installation servant à éprouver des décisions, avant d’agir sur le modèle physique -, ainsi que des batteries. Ces prototypes vont tester différents dispositifs de stockage, d’optimisation ainsi que de couplage avec des bornes de recharge de véhicules électriques.
Faisabilité technique
« Nous saurons alors quels dispositifs installer, le niveau d’investissement requis, les variables à prendre en compte pour qu’un projet soit rentable, comment réussir l’interopérabilité entre les systèmes existants, surtout dans le cas des rénovations de bâtiments » poursuit Iban Lizarralde. De quoi aider les utilisateurs à mieux dimensionner leur projet en amont puis à maximiser en temps réel les échanges d’électricité.
En plus d’évaluer la faisabilité technique des technologies, le projet permettra d’établir de nouveaux modèles commerciaux servant de référence aux futures installations. Ekate+ fait suite à un précédent volet clôturé en 2022. Deux pilotes dotés de capteurs innovants ont été créés à Bidart et en Catalogne, focalisés sur la blockchain. « Cette technologie permet, non seulement de sécuriser les informations envoyées, mais aussi d’établir un contrat pour facturer ou assurer une traçabilité » précise Iban Lizarralde. Là encore, les différents acteurs de l’autoconsommation collective pourront utiliser les résultats publiés, tels les algorithmes d’optimisation, pour les appliquer dans d’autres projets.
Partenaires et budget
Fruit d’un consortium public-privé, Ekate+ réunit :
- trois centres RDI : Estia, Ecole supérieure des Technologies industrielles avancées (Bidart) ; UPV/EHU, Université du Pays Basque (Donostia-San Sebastián) ; Cimne, Centre international des méthodes numériques d’ingénierie (Barcelone)
- un pôle de compétitivité : Derbi, dédié à la transition énergétique en Occitanie (Perpignan)
- deux PME : Tecsol, bureau d’études expert de l’énergie solaire et du numérique (Perpignan) et Habitat Futura, entreprise spécialisée dans le développement du bâtiment durable (Barcelone).
Le montant du projet s’élève à 1 898 175 euros, financés à 65 % par le fonds Feder au travers du Programme Interreg VI-A Espagne-France-Andorre (Poctefa 2021-2027) créé afin de promouvoir le développement durable des territoires frontaliers des trois pays.