La ville du Havre, où le couvre-feu est imposé la nuit pour les jeunes, n'a pas été épargnée par les violences urbaines malgré les dizaines de millions d'euros engagés pour "requalifier" ses quartiers déshérités.
Au milieu d'une cour d'immeubles des quartiers nord, datant des années 1960, deux voitures calcinées, vestiges d'une nuit agitée, n'ont pas encore été enlevées. A quelques centaines de mètres, s'élèvent des petits immeubles et des pavillons flambant neufs qui ont remplacé d'anciennes tours démolies.
Ce contraste illustre la situation havraise où les frustrations sociales n'ont pas disparu, malgré un début de changement de la physionomie des quartiers. "Quelque 340 millions d'euros sont programmés sur la période 2000-08 dont 140 millions déjà engagés, que ce soit au titre du Grand projet de ville (GPV) ou de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU)", explique Agathe Cahierre, maire adjointe UMP chargée de la politique de la ville.
Dans un périmètre comprenant 20.000 habitants, 480 logements ont déjà été démolis et reconstruits et le programme en prévoit quatre fois plus d'ici 2008. "La règle de l'ANRU est celle du +un pour un+, c'est-à-dire que pour un logement détruit un autre doit être reconstruit", affirme Agathe Cahierre.
La gauche ne conteste pas l'ampleur de l'effort engagé mais souligne qu'il n'a en rien résolu le problème "numéro un", à ses yeux l'emploi, et que dans certaines cages d'escalier 40% des jeunes restent au chômage. "Personne ne peut regretter la démolition de tours invivables mais en faisant cela on ne fait qu'une partie du chemin. Ce qu'il faut aussi, c'est du travail et moins de précarité", déclare ainsi le député de ces quartiers, Daniel Paul (PCF).
Celui-ci se montre sceptique sur le bilan de la zone franche mise en place en 1997 et qui a permis de créer 350 emplois, dont seulement la moitié pourvue par des habitants de ces quartiers. Agathe Cahierre reconnaît que ces chiffres sont "relativement modestes", d'autant que la plus importante entreprise créée - un centre d'appels - a depuis déménagé pour assurer son développement ailleurs.
Elle estime qu'il faut aujourd'hui inverser la manière d'appréhender le problème. "Il faut partir des offres d'emplois non satisfaites, qui sont 4.500 dans la zone d'emploi du Havre, et les mettre en face des 12.000 demandeurs d'emploi", selon elle.
De son côté, Redouane Tamer, directeur de l'association Trait d'union qui rayonne sur le quartier du Mont-Gaillard, estime qu'il faut "mener de front" l'intervention sur le bâti et ce travail sur l'emploi. Il souligne en particulier que les associations oeuvrant en ce sens ont besoin d'être assurées de leurs subventions pour pouvoir travailler dans la durée. "Les choses se sont améliorées pour nous mais je n'oublie pas que la suppression des emplois-jeunes en 2003 a failli nous être fatal", affirme-t-il.
Tous conviennent que le règlement du problème se comptera en années, voire en dizaines d'années et que, en attendant, ces quartiers resteront une poudrière. "Nous n'avons pas été si touchés ces derniers jours mais nous ne sommes toujours pas à l'abri de faits graves qui peuvent survenir soudainement de manière imprévisible", prévient Redouane Tamer.
Dominique AUBIN (AFP)