En ce début d'année, on ne peut que se réjouir de voir l'offre dans le domaine de l'assurance construction obligatoire s'enrichir de nouveaux acteurs, qu'ils interviennent en libre prestation de services (LPS) ou depuis le territoire français. Et ce d'autant plus que les conséquences d'une éventuelle insolvabilité de ces acteurs de fraîche date sembleraient définitivement atténuées, compte tenu des dispositions de la loi de finances pour 2022 concernant l'élargissement du champ d'appli cation du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) en cas de retrait d'agrément d'un assureur ayant délivré des polices dommages ouvrage (DO).
Il convient d'observer cependant, d'une part, que cet élargissement risque d'avoir une portée limitée. Et d'autre part, que le recours à ce marché alternatif de l'assurance construction implique toujours en 2022, compte tenu des expériences malheureuses du passé, de se poser les bonnes questions, que l'on soit promoteur ou même courtier d'assurance.
Un élargissement du champ du FGAO dont la portée se révèle limitée
La lecture de l'article 159 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 fait clairement apparaître un élargissement des conditions d'intervention du fonds de garantie. Il faut néanmoins demeurer très prudent à cet égard. En effet, les dispositions principales qui organisent l'intervention du FGAO depuis l' 609 du 27 novembre 2017 relative à la prise en charge des dommages en cas de retrait d'agrément d'une entreprise d'assurance (entrée en vigueur le 1er juillet 2018 [1]) demeurent inchangées et font que, pour l'essentiel, les éventuelles victimes de ces mises en liquidation ne doivent pas trop attendre de ce fonds.
Le double élargissement opéré. Plus précisément, l'article 159 de la loi précitée prévoit un double élargissement des conditions d'intervention du fonds de garantie, en cas de mise en liquidation d'un assureur DO.
- Premier élargissement : le FGAO pourra intervenir au titre des polices DO souscrites (auprès de tous assureurs, même en LPS) non seulement après le 1er juillet 2018, mais aussi avant (article 15, modifié, de l'ordonnance du 27 novembre 2017). Cela ouvre la voie pour couvrir des sinistres normalement garantis par les nombreuses polices délivrées avant cette date par les acteurs dont les déboires ont émaillé l'actualité de ces dernières années (Elite, Alpha Insurance, Gable Insurance, CBL Insurance, Acasta European Insurance, Qudos Insurance…)
- Deuxième élargissement : le FGAO pourra intervenir pour la réparation des désordres survenus jusqu'à « la fin de la validité de la police d'assurance définie par le droit applicable » (article L. 421-9, modifié, du Code des assurances - C. ass.), et non plus seulement comme auparavant au titre d'un fait dommageable survenu « au plus tard à midi le quarantième jour suivant la décision de retrait de l'agrément de l'assureur ».
Un champ d'action toutefois modeste. L'intervention du FGAO dans cette hypothèse n'équivaudra pas cependant à la gestion normale d'un sinistre.
- Au cours de la période de garantie restant à courir lors de la mise en liquidation de l'assureur DO, le fonds de garantie ne se substitue pas à l'assureur défaillant pour la gestion des sinistres. Il n'a ainsi pas vocation à recevoir les déclarations de sinistre, à désigner un expert sous sa responsabilité pour constater les désordres, ni à prendre position sur les garanties dans un délai de soixante jours suivant la réception de la déclaration du sinistre.
Pas de délai décennal qui tienne : la fin de la période garantie s'établit à la date fixée par le liquidateur
Il faut de plus rappeler que l', qui n'a pas été modifié par la loi de finances pour 2022, énonce que « lorsque le fonds de garantie prend en charge, pour le compte de l'entreprise en liquidation, le règlement des dommages mentionnés [… à l'article] L. 242-1 [relatif à l'assurance DO], le premier alinéa du III de l'article L. 421-1 est applicable ». Or ledit alinéa premier dispose que « lorsque le fonds de garantie intervient […], les indemnités doivent résulter soit d'une décision juridictionnelle exécutoire, soit d'une transaction ayant reçu l'assentiment du fonds de garantie. » Ainsi cet alinéa, applicable à l'origine à la seule assurance des véhicules terrestres à moteur, régit également, depuis l'ordonnance du 27 novembre 2017 entrée en vigueur le 1er juillet 2018, l'intervention du FGAO en matière d'assurance DO.
Voilà qui restreint considérablement, en pratique, les effets de l'élargissement du champ d'intervention du FGAO. L'assuré, simple consommateur et non professionnel, devra obtenir la condamnation du liquidateur avant de pouvoir bénéficier de l'intervention du fonds.
- La fin de la période de garantie restant à courir ne s'établit pas à l'expiration du délai de dix ans à compter de la réception, mais à la date fixée par le liquidateur. D'aucuns seraient en effet tentés de croire que la date de fin de validité de la police DO en question serait fixée à l'expiration du délai décennal après réception comme le prévoient la police et le droit français applicable. Malheureusement il n'en est rien. Sauf à engager de vains contentieux devant les tribunaux français en arguant du fait que « le droit applicable » au contrat visé par l'article L. 421-9 du code (tel que modifié par la loi de finances pour 2022) est le droit français conformément à la législation sur la LPS, c'est en réalité le droit de la liquidation du lieu de domiciliation de la société d'assurance qui prévaut. Lequel prévoit généralement une date de fin de validité de la police quelques mois après la publication du jugement déclaratif de faillite, et non dix ans après la réception comme en droit français.
C'est d'ailleurs pourquoi le communiqué de presse du ministère de l'Economie du 11 janvier 2022 sur l'évolution opérée par la loi de finances (2) fait état d'une date de fin de validité de la police telle que « définie à la suite de la liquidation de l'entreprise d'assurance », en se gardant bien toutefois d'expliciter les conséquences de cette expression pour les assurés et de leur indiquer que c'est finalement le liquidateur local qui déterminera cette date.
- La prise en charge par le FGAO demeure limitée à 90 % de l'indemnité qui aurait été attribuée à l'assuré par l'assureur dont l'agrément a été retiré (art. R. 421-50 du C. ass.).
Une vigilance toujours nécessaire en cas de recours au marché alternatif
Si, globalement, l'accroissement de l'offre en matière d'assurance- construction obligatoire est toujours une bonne nouvelle, il implique néanmoins une certaine vigilance, que l'on soit un promoteur immobilier - et donc souscripteur de ces polices - ou même un courtier - dont l'activité consiste à placer des risques sur le marché de l'assurance avec la responsabilité professionnelle qui s'y attache (3).
Des promoteurs pris entre deux feux. Il convient de rappeler en premier lieu que s'agissant de la défaillance d'un assureur DO, l'intervention du fonds de garantie n'est prévue que pour les non-professionnels (art. L. 421-9, II, 5° du C. ass.), ce qui écarte de facto les opérations réalisées en immobilier d'entreprise et même le logement en cas de vente en bloc à des investisseurs par exemple.
En second lieu, en cas d'intervention du FGAO en matière d'assurance DO, en vertu de l', le promoteur fera l'objet d'un recours de la part du fonds de garantie subrogé dans les droits de l'assuré, au titre de la police en responsabilité civile (RC) décennale à laquelle il est assujetti au titre des articles et du Code civil. Mais, dans la mesure où la police couvrant cette responsabilité a nécessairement été souscrite auprès de l'assureur DO défaillant, le promoteur devra faire face aux éventuelles condamnations sans disposer d'une couverture d'assurance. Sa seule ressource sera alors d'appeler en garantie les constructeurs et leurs assureurs RC décennale, dans le cadre d'une procédure judiciaire toujours longue et dont le coût demeurera à sa charge.
Il appartient au courtier d'être en mesure de proposer à son client les choix d'assureurs les plus opportuns et de les justifier
Ces points rappelés, cela devrait normalement conduire les promoteurs à poser les bonnes questions à leurs courtiers, que ces derniers devront nécessairement répercuter à leurs interlocuteurs mandataires des assureurs proposés.
Le rôle des courtiers. On rappellera en premier lieu qu'un arrêt de la première chambre civile de la , publié au Bulletin) définit le courtier comme « le guide sûr et le conseiller expérimenté ».
A ce titre, il faut rappeler que si un courtier n'a pas forcément accès aux données chiffrées lui permettant de juger de la situation financière d'un assureur, il n'est pas rémunéré pour simplement vérifier que l'assureur pressenti est autorisé à exercer en France. Il lui appartient aussi et surtout de proposer à son client les choix le plus opportuns. La loi lui fait obligation d'être en mesure de justifier sa décision de proposer telle offre plutôt qu'une autre. Aux termes de l' en effet, il doit respecter les règles suivantes : « I.- […] Le distributeur conseille un contrat qui est cohérent avec les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ou de l'adhérent éventuel et précise les raisons qui motivent ce conseil.
II.- Sans préjudice des dispositions du I, avant la conclusion d'un contrat spécifique, lorsque le distributeur d'assurance propose au souscripteur éventuel ou à l'adhérent éventuel un service de recommandation personnalisée, ce service consiste à lui expliquer pourquoi, parmi plusieurs contrats ou plusieurs options au sein d'un contrat, un ou plusieurs contrats ou o ptions correspondent le mieux à ses exigences et à ses besoins. » L'article L. 521-6 du même code indique par ailleurs avec précision sur quel support ce conseil doit être transmis à l'assuré.
Cette obligation que la loi impose au courtier le conduit donc à devoir fournir diverses justifications :
- Expliquer pourquoi avoir privilégié une offre émanant d'un assureur d'une très faible, voire d'une absence totale d'ancienneté dans la couverture du risque concerné, alors qu'on trouve sur le marché français de nombreux assureurs souscrivant ce type de risque depuis plus de quarante ans.
- Justifier le choix d'un assureur dépourvu de notation financière, ou pour certains l'ayant obtenu de fraîche date de la part d'une seule agence de notation financière, contrairement aux assureurs classiques qui disposent de trois notations, alors qu'il s'agit de verser à ces assureurs une prime pour dix ans de garantie et qu'il suffit d'aller sur le site internet des grandes agences de notations internationales pour disposer de l'information.
- Expliquer pourquoi avoir choisi un assureur ne disposant d'aucun service tant en souscription qu'en gestion de sinistre et s'en remettant pour ce faire à des mandataires dont le siège social se situe parfois dans un pays tiers qui n'est ni celui où se trouve le risque à couvrir, ni celui où l'assureur est domicilié.
- Indiquer si d'autres assureurs ont été interrogés et des réponses négatives obtenues ou bien s'il s'agit d'une souscription régulière et récurrente chez l'assureur en question.
- Expliquer enfin si c'est le montant de la prime proposée qui a guidé le choix sur la base d'un comparatif dont il conviendrait alors de justifier.