Arnaud Humbert-Droz, Valdelia : « La REP se met en place selon le pire scénario pour l’environnement »

Eco-organisme agréé pour la REP PMCB, Valdelia lance une campagne contre la course aux prix bas en matière d’éco-contribution. Son directeur général Arnaud Humbert-Droz en explique les ressorts et défend son modèle.

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Arnaud Humbert-Droz, directeur général de Valdelia
Arnaud Humbert-Droz, directeur général de Valdelia

Valdelia lance une campagne de communication offensive autour des montants d’éco-contribution, en défendant un modèle premium, pour l’environnement. Quel est le péril à vos yeux ?

Je travaille depuis 25 ans dans le monde du déchet. Ce que j’observe avec la mise en place de la REP PMCB, c’est le pire des scénarios pour le seul objectif qui compte, l’environnement. Dans la phase actuelle, beaucoup ne parlent que d’argent. Mais au XXIe siècle, la crise environnementale est telle qu’on ne peut plus se contenter de raisonner en termes financiers et de distribuer des étiquettes pour montrer qu’on s’est acquitté de ses obligations. Il faut agir ! Or, le niveau d’éco-contribution appelé par certains éco-organismes traduit un renoncement à agir tout de suite, et décale de fait les premiers actes à 2024 ou 2025. Car il faut le dire haut et fort, à 22 centimes par fenêtre de toit, on ne fait rien !

Il s’agit de 22 centimes par fenêtre de toit mise sur le marché, pour financer le traitement de fenêtres en fin de vie, forcément moins nombreuses…

Vous avez raison, mais même en imaginant un rapport de un à dix, on ne recycle pas une fenêtre de toit à 2,20 € ! Il faut organiser la collecte, démanteler le produit, et même si le métal et le verre peuvent être valorisés, il faut prendre en charge le bois. A moins de mettre une pression inacceptable sur toute la filière de retraitement, ces opérations ont un coût que ne permet pas de financer le niveau d’éco-contribution pratiqué par certains.

La seule justification de cette pratique, d’ailleurs totalement assumée, est d’attirer un maximum de metteurs sur le marché, en faisant le pari qu’ils ne changeront pas d’éco-organisme. Mais ce n’est pas leur rendre service !

Des montants moindres sont effectivement très attractifs. Pourquoi estimez-vous que ça ne leur rend pas service ?

Parce que la progressivité des barèmes sera d’autant plus forte que les tarifs de départ sont bas. Notez que nous sommes les seuls à avoir publié notre trajectoire ! Par ailleurs, les metteurs sur le marché ont des clients, qui attendent un service gratuit à partir de 2023. Les tarifs bas ne permettront pas de le mettre en œuvre dès janvier. Enfin, parlons aussi éco-rétribution. Valdelia entend activer dès 2023 ce mécanisme qui vient rémunérer les acteurs qui introduisent des matières premières secondaires dans leur processus de production.

Vous assumez donc un barème plus élevé. Vos actionnaires vous suivent-ils ? Et cela vous permettra-t-il de séduire de nouveaux metteurs sur le marché ?

Nos actionnaires ont conscience de leur responsabilité. Ainsi, au 1er janvier, les négociants doivent la reprise gratuite des déchets triés, financée par un éco-organisme. Si aucun éco-organisme ne la finance, elle sera donc payante. Or, nous avons un dispositif expérimenté, qui fonctionne. Pourquoi attendre ?

Quant aux metteurs sur le marché, il faut distinguer trois familles. Ceux qui s’interrogent sur les questions environnementales nous rejoignent. Ils ne sont peut-être pas les plus nombreux, mais il y en a tout de même pas mal qui ne se contentent pas d’une étiquette, et veulent des actions réelles. Il y a ensuite ceux qui sont convaincus de l’intérêt de la diversité concurrentielle, et qui s’intéressent à notre offre. Enfin, il y a ceux à qui leur fédération professionnelle a oublié de dire qu’il faut consulter les offres des quatre éco-organismes avant de se décider. C’est singulièrement vrai dans le monde de la menuiserie, où certaines fédérations nous mettent des bâtons dans les roues.

Ce choix serait donc dicté par la recherche d’un moindre coût ?

Il faut que le monde de la menuiserie s’interroge sur ce qu’il souhaite vraiment. Au-delà des fédérations, la question est bien posée à chaque metteur en marché. Pourquoi reporter de quelques années la mise en place d’un dispositif de collecte et de recyclage ? Augmenter les volumes de collecte du PVC et de l’aluminium, s’assurer en tant que fabricant de tonnages sécurisés à des prix constants et bénéficier d’une éco-rétribution pour la réintroduction de ces matières dans le processus de production, c’est bien une boucle vertueuse !

Certains acteurs déjà installés dans le recyclage craignent la nouvelle donne. Ont-ils raison ?

Notre modèle entend créer de la valeur, pas en détruire. Tout ce qui fonctionne déjà sera pérennisé. Un éco-organisme n’est pas là pour faire table rase du passé, mais pour mettre de l’huile dans les rouages.

Chaque fabricant de menuiserie est metteur sur le marché, y compris à l’échelle artisanale. Les têtes de réseaux ne peuvent donc pas décider pour leurs adhérents ?

Si, cela s’appelle un mandat. Nous proposons aux têtes de réseaux de prendre la responsabilité de la déclaration pour le compte de leurs adhérents. Notre formulaire facilite d’ailleurs la vie des petits fabricants, qui peuvent simplement séparer ce qu’ils déclarent eux-mêmes et ce qui est mutualisé au niveau d’un réseau. Notre expérience dans le mobilier professionnel fait que nous savons accompagner les petits metteurs en marché.

Le monde de la fenêtre est donc pour vous un acteur important du maillage à venir ?

L’artisan qui vient se fournir chez un fabricant local doit pouvoir y déposer sa fenêtre. Ces points de collecte complémentaires sont essentiels. Le fabricant pourra ainsi apporter à son client la garantie que la fenêtre en fin de vie a été correctement recyclée. Et les flux de déchets générés pourront alimenter les usines de verre ou de profilés. D’où l’intérêt d’un système financièrement opérationnel dès l’année prochaine.

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