Argile crue : du ciment innovant mis en œuvre comme avant

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Ce béton sable, qui contient du ciment d’argile crue de Materrup, s’expose à l’entrée du siège social de l’entreprise Duhalde BTP.

«Bluffant ». Tel est le mot employé par Jean-Jacques Duhalde, P-DG de Duhalde BTP à Ustaritz (Pyrénées-Atlantiques), pour décrire le béton obtenu à partir du ciment d'argile crue produit par la société landaise Materrup et qui habille désormais l'entrée du siège social de son entreprise. « L'essai a très bien fonctionné. Le mur préfabriqué a été coulé en une fois, sans aucune reprise, se réjouit-il. Il était malheureusement trop tard pour l'intégrer au bâtiment livré en 2021, soit avant la mise en service de l'usine Materrup en février dernier. En revanche, il nous restait un mur à construire dans lequel intégrer une boîte aux lettres. C'était l'occasion de passer de la théorie à la pratique et j'ai été agréablement surpris par le rendu. » La coexistence avec un béton brut permet en effet une comparaison visuelle immédiate : l'un est gris et l'autre de couleur sable.

Mais au-delà de l'aspect esthétique, c'est surtout l'absence de modification dans le process de fabrication du béton et de sa mise en œuvre qui a séduit l'entreprise familiale. « Nous n'avons plus le même liant mais, à part cela, rien ne change. Le ciment bas carbone de Matterup, qui repose sur 35 brevets, ne nécessite aucune cuisson. Pour la fabrication du béton, nous ajoutons les mêmes granulats et adjuvants dans les mêmes proportions et nous gardons les mêmes fournisseurs », se réjouit Mattin Duhalde, le fils de Jean-Jacques. Idem côté outillage et matériels : « Nous utilisons nos malaxeurs, bennes à béton, coffrages et moules habituels.  La résistance en compression au jeune âge est par ailleurs identique. Cela ne ralentit donc pas le chantier, ce qui est pour nous un critère très important. »

80 % des usages du béton couverts. Précautionneux, Duhalde et Materrup avancent néanmoins par étapes. « Nous ne sommes pas encore dans le structurel », observe Jean-Jacques Duhalde dont l'objectif est d'y parvenir d'ici à 2025, date du prochain seuil de la RE 2020. « Nous serons prêts », assure Julie Fort Neuville, associée en charge de la politique RSE chez Materrup. A ce stade, une dizaine de chantiers sont en cours. Des dalles en béton sont utilisées pour des parkings engazonnés et d'autres aménagements extérieurs sont également réalisés à partir de ce matériau : des bancs, des blocs de sécurisation ou encore des murs de soutènement.

D'autres applications suivront. « Nous pouvons faire des voiles et murs extérieurs. Notre ciment, le MCC1, de type 42.5, permet la mise en œuvre d'un béton traditionnel de type C25/30, qui représente en volume 80 % du marché. Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a validé un niveau de performance équivalent au béton conventionnel et une durée de vie équivalente, cent ans. Il répond en outre à des classes d'exposition comparables pour des usages équivalents. Notre objectif n'est pas de réaliser des piles de pont ou d'autres ouvrages d'art. Mais nous avons quand même créé la société en 2018 pour répondre aux gros volumes », ajoute-t-elle.

Ce ciment peut contenir jusqu'à 70 % d'argile crue, non calcinée, mélangée à un précurseur et à un activateur. « Notre technologie, qui repose sur 35 brevets, ne nécessite aucune cuisson et nous n'utilisons pas d'énergies fossiles, uniquement de l'électricité. Dans notre usine, 25 % de nos besoins sont couverts par l'installation de panneaux photovoltaïques », poursuit Julie Fort Neuville. Résultat : « Notre empreinte carbone est de 350 kg de CO2 par tonne produite, moitié moins qu'un ciment conventionnel. »

Une capacité de 50 000 t par an. Au-delà de ce procédé moins énergivore, Materrup s'inscrit dans une démarche locale et circulaire. Le modèle qu'elle a développé consiste à créer une usine à proximité d'un gisement et de travailler avec des partenaires utilisateurs sur le territoire. Ainsi, dans les Landes, elle se fournit auprès d'Edilians à Saint-Geours-d'Auribat. L'argile est ensuite transformée à une trentaine de kilomètres dans l'usine Matterup de Saint-Geours-de-Maremne puis utilisée localement par des partenaires. Son premier site est doté d'une capacité annuelle de production de 50 000 tonnes, mais la start-up industrielle ne compte pas s'arrêter là. Elle prévoit de dupliquer son modèle ailleurs sur le territoire. « L'argile est abondante partout dans le monde et n'est pas exploitée », assure Mathieu Neuville, P-DG de Materrup. Son entreprise a d'ores et déjà été retenue pour valoriser une partie des terres d'excavation du chantier du Grand Paris Express et a également signé un partenariat avec le constructeur Demathieu Bard.

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