Alibaba, nouveau prince des trottoirs

Grâce à un méga-contrat décroché à Lyon, la plate-forme chinoise domine le paysage urbain français.

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Isabelle Baraud-Serfaty, fondatrice de Ibicity, structure de conseil en économie urbaine

Qui fait le trottoir ? C'est Alibaba ! La plate-forme marchande chinoise gère désormais plus de 30 000 hectares de trottoirs en France. La firme vient de remporter le contrat de gestion déléguée de la métropole de Lyon, dépassant ainsi ses concurrents, Sidewalk Labs (filiale d'Alphabet-Google) et Citelum (leader mondial de la lumière intelligente).

Le premier lot porte sur la maintenance du revêtement et des capteurs intégrés, des dalles et microcapteurs qui récupèrent l'énergie cinétique produite par les piétons, de la connectique et des candélabres. Le deuxième concerne l'allocation dynamique des emplacements (dont la « curb » , l'espace tampon avec la chaussée) qu'Alibaba facturera aux entreprises intéressées (opérateurs de voitures autonomes, de vélitettes, de robots livreurs, agences publicitaires… ). Enfin, le dernier comprend la gestion et la monétisation de l'espace public virtuel via des dispositifs d'oculométrie (eye-tracking) couplés à de l'analyse comportementale, une première en France.

Immense potentiel. Le contrat s'achèvera en 2045, pile deux siècles après la loi qui rendit obligatoires les trottoirs, et vingt ans après celle qui érigea leur gestion en service public local. Cette dernière était intervenue dans un contexte de crispations entre les collectivités locales et les plates-formes numériques. Celles-ci, à l'instar de Sidewalk Labs (« les laboratoires du trottoir ») et Uber, numérisaient en effet toutes les informations les concernant. Aux yeux de ces entreprises, l'espace urbain disposait d'un immense potentiel de valeur, potentiel qui n'a cessé de croître puisqu'il accueille désormais les zones de dépose des passagers des voitures autonomes, les bornes de recharge électrique, les e-composteries, les e-consignes, les spots d'atterrissage de drones, les bornes wifi, les purificateurs d'air, et les robots-livreurs d'Amazon et d'Alibaba, entre autres. Elles revendaient ensuite ces informations à prix d'or.

Les collectivités ont dû réagir face à la numérisation croissante de cet espace public.

Actif stratégique. Les collectivités ont alors pris conscience qu'il fallait considérer cet espace non pas comme un coût mais comme un actif stratégique pour contrôler les opérateurs de mobilité et de services à la personne, ou encore les e- commerçants. A fortiori dans un contexte où de nouveaux outils (signalisation en temps réel, réalité augmentée, beacons , e-publicité, e-péage, etc. ) permettaient d'en renouveler les modes de gestion et de facturation.

Quant à la domination d'Alibaba, ce n'est pas une surprise. Depuis les JO de Paris 2024, dont elle etait sponsor, la plate-forme a su se rendre indispensable, aussi bien auprès des collectivités locales que des Français, qui ont à peine besoin de murmurer « Sésame, ouvre-toi » pour se faire livrer leurs courses, médicaments ou repas, acheter un billet de spectacle, réserver une voiture ou une manucure à la maison, payer dans les commerces et louer vélos ou trottinettes. Le tout, sans dépôt de garantie pour les clients les mieux notés.

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