C'est le paysage alentour, plus que l'architecture de ses bâtiments, qui a sans doute sauvé d'une ruine lente mais certaine l'ensemble industriel de la brasserie Snape Maltings, à proximité de la ville d'Aldeburgh, dans l'est de l'Angleterre. Dans les années 1950, le compositeur Benjamin Britten découvre cette partie du Suffolk et se prend d'affection pour la région et ses vastes marais en bord de mer. En 1967, sept ans après la fermeture de la brasserie, il ouvre une première salle de concert dans une partie réhabilitée du bâtiment.
La salle brûlera deux ans plus tard, mais le site connaîtra désormais une grande notoriété en accueillant un festival de musique renommé, l'Aldeburgh Festival. La réhabilitation de la brasserie se poursuit bâtiment par bâtiment, avec notamment, en 1977, l'ouverture d'une bibliothèque. En 2009, la reconversion prend une nouvelle impulsion avec la livraison d'un ensemble de logements, d'un studio de musique et d'une salle de répétition modulable pouvant accueillir 350 personnes.
Ces nouveaux programmes ont été installés dans des bâtiments très dégradés, dans le cadre d'un plan de sauvegarde global comprenant un aménagement minimal des accès à la brasserie. Les risques d'inondation ont imposé l'implantation des logements dans les étages, dans deux bâtiments rassemblés autour d'une cour. Les rez-de-chaussée ont été affectés à des boutiques. Chaque logement est doté d'une terrasse invisible depuis les espaces publics, dissimulée dans les doubles pentes du toit.
La démarche de réhabilitation d'ensemble n'est pas habituelle. Les visiteurs et les amateurs du lieu estimant qu'une partie de son charme provenait de son aspect dégradé, les architectes ont cherché à maintenir au maximum les structures existantes, et à mettre en valeur les matériaux. Les murs en brique rouge et blanche, caractéristiques du Suffolk, ont été ravalés a minima, afin de conserver leur patine. Les murs neufs ont été montés en utilisant des briques récupérées sur un entrepôt - qui constitue la seule destruction de l'opération -, et assemblées avec un mortier de chaux.
Suivant une doctrine inspirée de la charte de Venise, traité de 1964 fournissant un cadre pour la préservation et la restauration des bâtiments anciens, les altérations architecturales dues aux nécessités de l'activité industrielle de la brasserie ont été conservées et mises en valeur. Les interventions architecturales nouvelles sont signalées par la présence de matériaux contemporains : béton désactivé ou acier Corten, notamment dans un petit studio de musique installé sur les ruines d'un ancien pigeonnier.
Les formes extérieures des toitures ont toutes été conservées, car elles sont considérées comme un élément important de l'équilibre séculaire établi entre les bâtiments et le paysage. Elles ont cependant été rénovées et isolées selon les normes en vigueur. Les bâtiments bénéficient par ailleurs d'une énergie renouvelable grâce à la présence de deux chaufferies à biomasse. Après la livraison de 10 logements en juin 2009, une nouvelle phase de 30 logements est programmée pour la fin 2011.





