Les entreprises publiques locales (EPL) restent en alerte. Après avoir sauvé les meubles dans les débats autour de la loi Elan, elles guettent désormais les décrets d’application, espérant qu’ils « correspondent à l’esprit du texte », a commenté Jean-Marie Sermier, président de la Fédération des EPL, lors du congrès qui les a réunies à Rennes, le 5 décembre. Un autre sujet les occupe et attire leur attention, comme l’ont montré les débats du congrès : la mise en œuvre du plan Action cœur de ville.
Ce programme, lancé début 2018 par l’ancien ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard, vise à redynamiser les centres de 222 villes moyennes. Doté d’une enveloppe de 5 Mds € sur 5 ans mobilisés et « sanctuarisés » par l’Etat, l’Anah, la Banque des territoires ou encore Action Logement, ce plan « global » doit permettre de réaliser des opérations de diverses natures : « logement, aménagement du territoire, transport, smart city, commerce », a développé Rollon Mouchel-Blaisot, directeur du programme national Action cœur de ville. Des sujets sur lesquels les EPL savent intervenir.
"Couteau suisse des collectivités"
Les EPL veulent croire en leur légitimité en la matière. Décrite comme « le couteau suisse des collectivités territoriales » par le président de la fédération, elles savent, par leur nature, « organiser un espace dans l’esprit de ce que veulent impulser les élus locaux, poursuit-il. Elles sont un outil intégré à la réflexion des collectivités».
Accompagnant les porteurs de projet, elles présentent également l’avantage d’assurer une continuité : « Même si on raccourcit les délais entre l’idée et la concrétisation d’un projet, les élus et équipes qui le lancent ne seront pas forcément les mêmes lorsqu’il sera terminé ». D’où la nécessité selon Jean-Marie Sermier de se doter d’un opérateur qui connaisse le territoire, détienne un « savoir-faire et apporte l’ingénierie. Se rapprocher des EPL dans ce cadre peut être une solution ».
Par ailleurs, le dispositif Action cœur de ville souhaite laisser la liberté aux communes « de s’organiser comme elles l’entendent, et d’utiliser les outils qui leur semblent les plus pertinents », insiste Rollon Mouchel-Blaisot. Or, la quasi-totalité des communes concernées par Action cœur de ville ont l’habitude de travailler avec de tels opérateurs, voire « sont au capital d’une société d’économie mixte (SEM) locale », note Jean-Marie Sermier. Ce qui représente à n’en pas douter un autre atout pour les EPL, pour se positionner comme opérateurs de certains projets.
Favoriser les créations et recapitalisations
Dans le programme, la Banque des territoires entend aussi les accompagner. « Les SEM sont des accélérateurs naturels de projet, elles ont les compétences et nous aurons besoin de nous appuyer sur des outils qui existent », fait ainsi valoir Isabelle Bonnaud-Jouin, responsable de l’économie mixte à la Caisse des dépôts. La Banque des territoires mobilise ainsi différentes enveloppes dans le programme Cœur de ville – pour un montant total de 1,7 Md€ sur 5 ans -, auxquelles peuvent faire appel directement les EPL.
C’est le cas pour le soutien à l’ingénierie (100 M€ mobilisés sur fonds propres), pour accompagner le montage opérationnel des projets, si une EPL est opérateur. Sur la partie co-investissement des projets (900 M€ sur fonds propres), la Caisse des dépôts, déjà actionnaire de 370 SEM et partenaire de filiales de SEM, souhaite en profiter pour « favoriser la capitalisation d’outils de l’économie mixte, ou accompagner les projets de création », explique Isabelle Bonnaud-Jouin, persuadée que les EPL ont « un rôle particulier à jouer pour la mise en œuvre des projets ».
Pompe d'amorçage
L’Anah, de son côté, prévoit 1,2 Md€ de subventions « aux collectivités locales, aux propriétaires privés, ou aux opérateurs qui interviennent pour le compte des collectivités, comme les EPL ou les bailleurs sociaux », rappelle Soraya Daou, responsable du service des études, de la prospective et de l’évaluation au sein de l’agence. Elles financeront la réalisation des études, la « chefferie de projet » durant toute la durée de l’opération, l’ensemble des travaux et les opérations de « recyclage » des immeubles dégradés. Les EPL peuvent se saisir de ces aides « pour réhabiliter elles-mêmes le parc privé et le remettre sur le marché », ajoute-t-elle.
Rollon Mouchel-Blaisot pousse la réflexion un cran plus loin. « Le pacte financier de 5 Mds € ne résume pas à lui seul tout l’engagement financier et fiscal qui peut être mis en place », estime-t-il. Il doit s’ajouter en effet aux investissements que mettront sur la table les communes. Les intercommunalités, les départements et même les régions sont aussi inviter à cofinancer les projets. Et même d’autres acteurs encore, puisqu’il est convaincu que « Cœur de ville peut créer ou consolider un écosystème favorable à l’investissement privé ». En d’autres termes, le dispositif doit servir de « pompe d’amorçage » à un certain nombre d’actions.
L’Anah compte revoir ces seuils pour l’aide aux travaux de copropriété
Interpelée par un représentant d’une SEM, Soraya Daou a indiqué que l’Anah menait une réflexion pour modifier les critères d’attribution des aides sur les travaux de copropriété. Pour le moment, l’agence peut soutenir des travaux sur les parties communes d’un immeuble si 75% de ses lots sont destinés à l’habitation, et occupés en résidence principale. Le but : « éviter de financer des résidences secondaires ou des commerces », explique Soraya Daou. Problème, et elle le reconnaît aisément : « dans les centres anciens, la part du logement est souvent inférieure à 75% ». C’est pourquoi l’Anah réfléchit à revoir ce seuil, notamment pour les opérations Cœur de ville et pour les centres anciens dans le périmètre d’opérations programmées d’amélioration de l’habitat de renouvellement urbain (Opah-RU). Elle n’a cependant pas annoncé quand ces réflexions aboutiront précisément.