Achats publics socialement responsables : une nouvelle obligation, de nouvelles questions…

Point de vue -

Les personnes publiques sont tenues de rédiger un schéma de promotion des achats publics socialement responsables au-delà de 100 millions d'euros H.T. Mais le décret du 28 janvier venu définir ce seuil suscite certaines interrogations, pour Arnaud Latrèche, adjoint au directeur de la commande publique et de la valorisation immobilière du conseil général de la Côte-d'Or.

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Arnaud Latrèche, adjoint au directeur de la commande publique et de la valorisation immobilière du conseil général de la Côte-d'Or

Le décret n° 2015-90 du 28 janvier 2015 fixe à 100 millions d’euros H.T. le seuil au-delà duquel les acheteurs publics sont soumis à l’obligation d’élaborer et de publier un schéma de promotion des achats publics socialement responsables, instauré par l’article 13 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (ESS). Cette énième obligation sociétale pesant sur les acheteurs publics soulève plusieurs problématiques.

- Quid du mode de computation du seuil de 100 millions d’euros ?

Ni la loi, ni son décret d’application, ne précisent le périmètre des achats à prendre en considération. Dès lors, convient-il d’adopter un mode de computation purement budgétaire, ou prenant également en compte l’aspect temporel des achats ? Autrement dit :

*soit le mode de computation du seuil inclut le montant global des crédits budgétaires alloués aux achats, peu important que ces achats se rattachent à des contrats déjà conclus (marchés pluriannuels) et/ou à des nouveaux contrats à conclure dans l’année considérée ;

* soit ce seuil s’apprécie à l’aune des seuls crédits budgétaires consacrés aux nouveaux contrats à conclure et pour lesquels les marges de manœuvre pour y intégrer l’aspect social sont effectivement bien réelles.

Cependant, dans sa fiche explicative, la Direction des affaires juridiques de Bercy (DAJ) précise que le montant de 100 millions d’euros correspond aux montant des contrats dont la signature est intervenue pendant l’année civile de référence, ce qui ne va pas de soi.

- Une extension du champ d’application de l’obligation légale

L’article 2 du décret inclut le montant des contrats de partenariat dans la computation du seuil. Cette disposition ne semble pas fidèle à la lettre même des dispositions de l’article 13 de la loi ESS, lesquelles n’évoquent que les marchés publics. D’ailleurs, le contenu du schéma, tel que défini par la loi, ne vise que des « objectifs de passation de marchés publics ».

En outre, seule la fixation du montant des achats était renvoyée par la loi à une définition règlementaire, à l’exclusion de la définition de la typologie des contrats concernés (la loi n’évoquant explicitement que les marchés publics).

Une telle extension par décret du champ d’application de la loi, fût-elle fondée en opportunité, ne pose-t-elle pas notamment la question de sa compatibilité avec le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ?

A l’heure où les entreprises se demandent si elles vont encore pouvoir conserver leurs emplois actuels, l’avenir nous dira sans doute si cette nouvelle obligation (sans sanction !) permettra davantage d’atteindre les objectifs louables d’intégration sociale des publics en difficulté.

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