Achat public durable : oui, mais comment ?

Les professionnels réunis lors d’une restitution de travaux organisée à Angoulême par le réseau Grand Ouest se sont penchés sur l’intégration du développement durable dans les achats de construction.

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Intégration d'éco-matériaux dans le bâti

Respecter les différentes réglementations en vigueur en matière de réglementation thermique et d’accessibilité, favoriser l’intégration d’éco-matériaux dans le bâti, prendre en compte la qualité de l’air intérieur, etc. sont autant de problématiques à respecter pour qui souhaite "construire durable". A l’occasion d’une journée de restitution de travaux organisée à Angoulême le 6 février, le Réseau Grand Ouest a présenté les fruits de réflexions menées depuis deux ans par le groupe de travail « commande publique et développement durable ». Plusieurs enseignements à retenir : intégrer l’enjeu développement durable très en amont de la réalisation des opérations de construction, associer l’ensemble des participants intéressés à la démarche, ou encore travailler en approche globale.

Attention à bien déterminer son besoin

Le maître d’ouvrage qui souhaite s’inscrire dans une démarche d’éco-construction doit intégrer cette problématique bien en amont du lancement de la procédure de marché, afin de déterminer au mieux son besoin et pour cela, associer les différents acteurs parties prenantes au sein de la collectivité, à savoir le service des marchés publics mais également les élus et les services techniques.

Dans ce cadre, le groupe de travail s’est interrogé sur la pertinence d’avoir un thermicien au sein même de la collectivité. « Il nous a semblé judicieux d’avoir cette compétence en interne pour l’associer à tous les stades des projets et ainsi maîtriser de façon optimale les énergies, indique Jean-Pierre Kerboul, responsable du service conduite d'opérations à la communauté urbaine de Brest Métropole Océane (BMO) : celui-ci se prononce sur le type d’énergies à retenir pour chacun des sites, suit le programme de réfection des chaufferies, assure le lien avec les entreprises depuis la programmation jusqu’aux opérations de réception du bâtiment, ou encore s’occupe de la maintenance de l’ensemble des installations de chauffages ». Et si tout le monde n’a pas accès à ce type de prestation, il existe des solutions. « Au sein du Grand-Angoulême, certaines très petites collectivités n’ont pas les finances nécessaires à la création d’un tel poste », relève Patrick Ourly, conseiller énergie à la communauté d’agglomération du Grand-Angoulême, elles ont donc eu recours à un conseil en énergie partagé, démarche qui consiste à mutualiser un poste de thermicien entre plusieurs donneurs d’ordre publics.

La programmation, phase à ne pas négliger

Afin de mener à bien une opération respectant les enjeux du développement durable, d’autres acteurs sont présents pour aider le maître d’ouvrage à identifier ses besoins. « Le programmiste accompagne concrètement le donneur d’ordre public afin de clarifier les différents objectifs architecturaux, fonctionnels, urbains, techniques et environnementaux, via notamment une démarche de consultation auprès des futurs utilisateurs et une recherche exhaustive des contraintes », souligne Christophe Prévost, responsable conduite d’opérations à la ville de Niort. Autre acteur pouvant être sollicité dans cette tâche délicate, l’assistant à maîtrise d’ouvrage. « Pour chacune de nos opérations de grande ampleur, nous avons recours à une assistance à maîtrise d’ouvrage sur le volet énergétique, afin de bien spécifier les attentes de la collectivité dans le programme, de vérifier que le programmiste a bien tenu compte de ces exigences et que le projet retenu respecte bien les impératifs décrits et pour s’assurer que tout cela est bien respecté lors de la phase de réalisation », précise Romain Tournereau, coordonnateur de l'achat au sein de la direction de la commande publique de BMO : nous avons ainsi pu anticiper la réglementation thermique dite RT 2012 dans le cadre de la réalisation de deux bâtiments conforme aux exigences BBC (bâtiment basse consommation) ».

« Au stade de la maîtrise d’œuvre, la prise en compte du développement durable est primordiale, tant dans le choix du maître d’œuvre que dans l’élaboration des exigences à intégrer dans les cahiers des charges techniques des marchés de travaux », mentionne le guide élaboré par le groupe de travail (cliquez ici %%/MEDIA:1353384%%pour accéder à un extrait du document de synthèse réalisé par le groupe de travail). Pour autant, les missions confiées aux autres prestataires intellectuels ne sont pas à négliger : par exemple, en matière de contrôle technique, il peut être intéressant de demander la mission Th (thermique) dans le cadre du traitement thermique des bâtiments, même sans vouloir viser de label ou qualification, dans la mesure où les peuvent s’avérer insuffisantes. « Le coordonnateur SPS (sécurité et protection de la santé), quant à lui, doit être attentif à ce que les dispositions d’intervention de maintenance ultérieures soient facilitées  telles que le nettoyage des vitrages en partie haute ou l’accès aux organes techniques, souligne Christophe Prévost. Enfin, le pilote OPC (ordonnancement, pilotage et coordination) devra être sensibilisé au fait que l’enchaînement des tâches des différents corps d’état peut différer d’une construction traditionnelle, certaines dispositions constructives ne pouvant être lancées en hiver ou des temps de séchage importants étant nécessaires en ce qui concerne la filière humide.

Des affiches pour sensibiliser les usagers

En phase d’exploitation, la mobilisation de plusieurs acteurs est également nécessaire : les services techniques internes en charge de l’entretien et de l’exploitation des installations lorsque ces prestations sont assurées en régie, ou les services chargés du suivi des marchés correspondants lorsque ces prestations sont externalisées ; les fournisseurs d’énergie ; les entreprises de travaux, notamment bâtiment et génie climatique et électrique ; les fournisseurs de matériels liés aux installations thermiques et électriques, etc.

Une typologie d’acteurs à sensibiliser tout particulièrement, les utilisateurs, qu’il s’agisse de personnels sur leur lieu de travail ou d’habitants dans l’habitat social par exemple. « Des objectifs ambitieux peuvent avoir été définis, cela ne sert à rien si les usagers ne se prêtent pas au jeu ! », souligne Patrick Ourly. « Les consommations d’énergie d’origine comportementales sont en effet évaluées à 30 % », précise Jacques Tricot, directeur patrimoine et moyens de la ville de Niort, d’où l’intérêt de sensibiliser l’ensemble des usagers à l’utilisation des bâtiments performants, en prenant garde à ne pas tomber dans le discours moralisateur, mais à bien faire œuvre de pédagogie de façon ludique ». Sur ce point, le guide élaboré par le groupe de travail donne plusieurs pistes : fournir à l’ensemble des occupants un livret d’occupation sur le mode de fonctionnement du bâtiment ; envoyer un mail mensuel sur les bons gestes à réaliser dans le bâtiment ; mettre en place des affiches dans le bâtiment indiquant notamment les solutions techniques mises en place et leurs modes de fonctionnement, etc.

Les charges de fonctionnement réduites dans une logique de coût global

Dernier point, l’ensemble des intervenants se sont accordés sur le fait que la prise en compte des objectifs de développement durable implique une logique de coût global, afin d’anticiper les contraintes de fonctionnement, d’exploitation, de maintenance et de déconstruction le cas échéant. « Il est important de raisonner sur une échelle de temps technique et non plus politique », précise Jacques Tricot qui espère un changement de culture en profondeur. Le prix des produits intégrant la démarche environnementale peut s’avérer initialement plus élevé si l’on ne raisonne pas en coût global. « Les investissements sont souvent plus conséquents dans le cadre d’une approche durable, mais les charges de fonctionnement sont plus réduites notamment en matière de consommations énergétiques », conclut-il.

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