Accessibilité des petits ERP : les petits chantiers se multiplient enfin

Le marché de la mise aux normes d'accessibilité des petits établissements recevant du public (petits commerces, restaurants, écoles, petits hôtels) semble enfin décoller. Les devis se multiplient mais leurs montants restent modestes. Les explications de Jean-Charles Du Bellay, chef de département à la direction technique de la Fédération française du bâtiment et Alain Chapuis, président du mandat accessibilité de la FFB.

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Entrée d'un supermarché parisien

Après "l'immobilisme" de la décennie 2005-2015, les entreprises de la construction spécialisées dans la mise en accessibilité des établissement recevant du public (dont plus de 2500 entreprises détentrices de la marque Handibat de la Capeb et plus de 500 entreprises FFB qualifiées "Pros de l'accessibilité") comptaient beaucoup sur la mise en place des agendas d'accessiblité programmée pour voir enfin décoller ce marché. Il semble que les premiers signes encourageants soient visibles, à en croire Alain Chapuis, président du mandat accessibilité de la FFB, menuisier dans la Loire. "Jusqu'alors, nos entreprises effectuaient peu de devis et le taux de retour était très faible, aux alentours de 10 %. Depuis la clôture officielle de la période de dépôts des Ad'AP (27 septembre 2015, ndlr), partout en France, nos entreprises font de plus en plus de devis. Mais, plus important, le taux de retour est de l'ordre de 20 à 30 % voire 40 % dans certaines régions. C'est la preuve, selon moi, d'un décollage du marché".

Des milliers de chantiers seraient donc sur le point de démarrer, pour lesquels les PME se sont organisées : "Chaque type d'ERP a des périodes "vides", explique de son côté Jean-Charles Du Bellay, chef du département sécurité incendie, sureté anti-intrusion et accessibilité à la direction technique de la Fédération française du bâtiment. Par exemple, pour les écoles, ce sont bien entendu les vacances scolaires, mais pour le commerce du textile c'est plutôt la période de février. Du coup les PME mettent des équipes de deux trois personnes en place et lissent la charge de travail  sur les périodes couvertes par l'Ad'AP, c'est à dire le plus souvent 3 ans".

Petits prix

Ce n'était pourtant pas gagné d'avance. En effet, comme l'on pouvait s'y attendre, les dossiers déposés par les propriétaires d'ERP en préfecture en 2015 étaient surtout de demandes de... dérogations. "Des dérogations réclamées pour impossibilité technique de réaliser les travaux", confie Jean-Charles du Bellay . "A Paris intra-muros, tous les petits restaurants de moins de 65 couverts ont ainsi reçu une dérogation d'office de la préfecture !"

La tendance actuelle est donc plus qu'encourageante même s'il y a un petit bémol à ajouter malgré tout : le montant des devis. "Il reste trop faible", convient Alain Chapuis. "Il y a beaucoup de devis mais de petits prix. Compte tenu de la conjoncture, les écoles par exemple, ne peuvent pas se permettre d'installer un ascenseur pour un ou aucun élève en fauteuil. Les chefs d'établissement font donc tourner la classe de l'enfant handicapé sur leurs salles du rez-de-chaussée. C'est rationnel mais cela engendre moins de travaux."

Selon nos informations, le chantier de mise en accessibilité d'une boulangerie se monterait à 15 ou 20.000 euros, celui d'un restaurant 45.000 €. Il en coûterait 150.000 € pour une école, et 250.000 € pour un hôtel.

"La simplification des normes en rénovation portée par l'arrêté du 8 décembre 2014 a déclenché une division par deux du montant des travaux", explique Jean-Charles Du Bellay. "Mais elle a eu pour conséquence de permettre de déclencher les travaux. Et dans cette optique, beaucoup de travaux, même peu chers, c'est mieux que zéro travaux."

Vive la commande publique !

La question qui se pose maintenant c'est : comment entretenir la dynamique ? Il apparaît que les PME de la FFB pourraient bien profiter d'un coup de pouce de la réforme des marchés publics. L'article 4 de l'arrêté du 29 mars 2016 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics stipule en effet que "l'acheteur peut demander aux candidats qu'ils produisent des certificats de qualité attestant que l'opérateur économique se conforme à certaines normes d'assurance de qualité, y compris en ce qui concerne l'accessibilité pour les personnes handicapées."

"C'est une très bonne nouvelle pour nos entreprises !", se réjouit Alain Chapuis. "D'autant que l'article stipule que ces certificats doivent être "délivrés par des organismes indépendants (...) fondés sur les normes européennes et certifiés par des organismes accrédités". Or notre certification "Pro de l'accessibilité" est délivrée par Qualibat qui est accrédité par le Cofrac !".

Mais surtout, pour que de plus en plus de propriétaires d'ERP privés engagent leurs travaux, il manque la dernière pièce de l'arsenal réglementaire : le décret instaurant les sanctions dont on attend la publication "avant l'été", croit savoir Jean-Charles Du Bellay. "Il se dit que la déléguée ministérielle à l'accessibilité Marie-Prost Colletta, le "garde sous le coude" pour l'instant, sa publication étant politiquement délicate."

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