La Garonne, ce «fleuve lisse» chanté par Nougaro, a connu de sérieuses turbulences lorsqu’il s’est agi d’aménager ses berges. C’est ce que vient rappeler l’exposition «Toulouse-sur-Garonne» qui se tient sur le site de l'hôpital de La Grave. Organisée par la Mairie et la Maison de l’Architecture Occitanie-Pyrénées jusqu’au 2 janvier prochain, la manifestation fera l’objet de plusieurs visites commentées par des architectes et urbanistes qui ont participé à cette histoire (*).
Un projet avorté de voies sur berges
Appuyée par une douzaine de maquettes et des documents de travail des archives municipales, la présentation se concentre sur les six dernières décennies d’aménagement du fleuve, depuis la création en 1960 de l’Atelier d’urbanisme de Toulouse, jusqu’à l’actuel projet Grand Parc Garonne qui veut reconquérir 32 km de berges. Une grande traversée qui montre à la fois l’évolution des grandes politiques d’urbanisme, et l’importance des maquettes dans la prise de décision et la communication politique.
Traumatisées par la crue de 1875, qui a inondé la rive gauche de la Garonne et détruit deux ponts, les municipalités successives ont d’abord cherché à se protéger du fleuve, avec un vaste programme de digues lancé en 1950. Les premiers ouvrages achevés, les années 1960 sont marquées par la mode des grands ensembles et la conquête de l’automobile sur la ville.
A Toulouse, cela se traduit par les premiers chantiers du Mirail, quartier neuf qu’il fallait relier au centre-ville : sur le modèle de Paris, la municipalité envisage la construction de voies sur berges. Seule une partie sera finalement réalisée, au sud du centre-ville, du Pont Saint-Michel au quartier d’Empalot, et dans une version plus proche du boulevard urbain que de l’autoroute initialement envisagée.
Mobilisations citoyennes
«Après plusieurs années de mobilisation citoyenne, portée notamment par le Comité de défense des berges, le projet a été abandonné pour l’hyper-centre, rappelle Joanne Pouzenc, directrice de la Maison de l’Architecture Occitanie-Pyrénées. Les maquettes présentées dans l’exposition ont eu un rôle essentiel dans la réflexion sur la ville, au sein du conseil municipal mais aussi des services d’urbanisme.»
Au mitan des années 1970, la création des zones d’aménagement concerté (ZAC) donne lieu à deux projets contestés sur les bords de Garonne. Pour préserver un des rares parcs du centre-ville, le premier, un projet de promotion, est amputé de la moitié de ses logements : la parcelle échoira finalement au futur conseil régional. Quelques années plus tard, le deuxième, un programme immobilier, prévoit la destruction de la Manufacture des Tabacs : une nouvelle fois la mobilisation citoyenne l’emporte, et le ministre de la Culture Jack Lang, enterre le projet.
Un poumon vert au milieu du fleuve
Dans les années 1980, les municipalités engagent les premiers grands projets d’animation des berges, encore marqués par l’omniprésence de la voiture. Plutôt que la maquette imaginant trois niveaux de parkings souterrains sous la place de la Daurade, on retiendra les contre-propositions du Comité de défense des berges, dans lequel s’impliquent deux architectes formés à Toulouse, Christian Lefebvre et Joseph Almudever. «Eclairage des promenades, création d’aires de jeux, conservation des arbres, intégration de rampes pour une meilleure accessibilité : leurs idées préfigurent les politiques d’aménagement menées depuis, le long de la Garonne», pointe Joanne Pouzenc.
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L’exposition s’achève d’ailleurs sur les grands chantiers actuels de l’île du Ramier, amenée à redevenir le poumon vert qu’elle était encore dans les années 1930, entre deux bras du fleuve. Une maison du projet doit voir le jour l’an prochain, pour présenter les aménagements qui replaceront la nature et le sport au cœur de la ville.
(*) Exposition jusqu'au 2 janvier 2023, réfectoire, hôpital de La Grave. Accès par le 23 rue du Pont Saint-Pierre ou par le jardin Raymond VI. Entrée libre.maop.fr
Prochaines rencontres le 5 novembre, avec la participation de Jean-Louis Durbas et de Pierre Cambon, respectivement ancien directeur de l’Urbanisme et ancien directeur du Service d’esthétique urbaine de la Mairie de Toulouse.