A Strasbourg, l’ex-hôpital Lyautey va mettre le réemploi en soin intensif

Friche de 2,3 hectares très visible en bordure sud de Strasbourg (Bas-Rhin), l’ancien hôpital militaire Lyautey, datant du début du XXe siècle et fermé depuis 2008, entame sa transformation à volets multiples : habitat, tiers-lieu et collège, visant à ouvrir le site historiquement clos vers son quartier d’implantation, le Neuhof, en rénovation urbaine.

La présentation du projet sur place, ce mercredi 6 décembre, a permis de dévoiler Pierres & Territoires de France – Alsace (PTFA) comme l’opérateur retenu pour le programme de 90 logementsqui résultera de la réhabilitation de l’un des bâtiments emblématiques du site et d’une construction neuve à ses côtés. Echelonnés de 2 400 à 4 000 euros TTC, les prix au mètre carré doivent « remplir l’objectif de logements abordables, nous prévoyons 50 %, au cumul, d’accession sociale sécurisée et de BRS [bail réel solidaire, NDLR] », a souligné Nicolas Jeandel, le directeur général de PFTA (groupe Procivis). Le projet sera ainsi le premier en Alsace à appliquer le BRS dans un quartier en renouvellement urbain. Le dépôt de permis prévu en 2024 doit permettre un engagement des travaux en 2025 pour une livraison deux ans plus tard. Le promoteur s’associe à la SEM locale Sers, au bailleur Habitation Moderne et, pour environ 600 m2 d’activités en rez-de-chaussée, à Locusem, société strasbourgeoise d’immobilier d’entreprise en quartier social, tandis que son équipe de maîtrise d’œuvre est conduite par Manuelle Gautrand et l’agence Oziol-De Micheli (architectes du patrimoine).

Les collectivités locales interviennent en tant que maîtres d’ouvrage du bâti à deux titres : l’Eurométropole de Strasbourg pour la réaffectation de l’ancien bâtiment d’honneur - qui servait de mess aux officiers - en un tiers-lieu et espace d’urbanisme transitoire (1,5 million d’euros HT, travaux en 2024 et 2025, Pourquoipas! Architectes) ; la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) pour la construction d’un collège, entre mai 2024 et l’été 2026. Cette opération de 23 millions d’euros HT pousse le plus loin le curseur de ce qui veut apporter sa marque d’identité au « nouveau » Lyautey : le recours aussi important que possible au réemploi des matériaux issus de la déconstruction, déjà opérée par le groupe régional GCM.

Réutilisation des briques en structure

Nous prévoyons de réemployer les anciennes briques en structure à nouveau, pour l’une des premières fois en France

—  Louis Piccon, Nunc Architectes

Le nouveau collège réutilisera briques, tuiles, charpentes bois et autres fenêtres en quantités conséquentes (voir focus ci-après). Il se distingue aussi par son audace constructive : « Nous prévoyons de réemployer les anciennes briques en structure à nouveau, pour l’une des premières fois en France », souligne Louis Piccon, le dirigeant de l’agence Nunc Architectes, mandataire de la maîtrise d’œuvre du nouvel établissement. Les essais et le processus de validation sont en cours, auprès du bureau de contrôle Socotec. « Ce dossier renverse nos paradigmes d’architectes, nous partons complètement des matériaux existants pour élaborer la conception du neuf », ajoute Louis Piccon.

Les différents matériaux en attente de seconde vie sont entreposés sur le site, à ciel ouvert pour les briques ou sous un hangar notamment pour les poutres et planches de bois. Ils auront comme destination prioritaire le réemploi sur place, avant la réutilisation hors site (par exemple, pour les éléments sanitaires ou les radiateurs, à l’état plus dégradé) ou en dernier ressort le recyclage. Au total des programmes de reconversion sur place, « 12 000 tonnes seront réutilisées ou revalorisées, représentant 18 flux de matières, pour une économie de CO2 évaluée à 1 190 tonnes », dénombre Benoît Gaugler, directeur de l’Etablissement public foncier d’Alsace, propriétaire de la parcelle depuis 2021 dans laquelle il a investi 3,8 millions d’euros, en acquisitions foncières et en travaux de proto-aménagement. C’est ainsi que le nombre de tuiles réemployées grimpe à 35 000, par leur réimplantation dans le nouveau collège pour moitié, mais aussi dans l’immeuble neuf du programme PTFA, en couverture ainsi qu’en habillage de façades.

Assistances spécifiques à maîtrise d’ouvrage

La démonstration de réemploi se propage également au sol : « Les espaces publics, comme les jardin public, voies douces, etc., vont recourir largement aux anciennes briques, tuiles, empierrements, bétons », précise Serge Gross, dirigeant d’Acte 2 Paysage, membre de l’équipe de maîtrise d’œuvre de PTFA.

Pour mettre au point cette stratégie d’économie circulaire, l’Eurométropole de Strasbourg et l’Etablissement public foncier d’Alsace ont pris l’assistance de nombreuses compétences, parmi lesquelles la coopérative locale BoMa-Les Bonnes Matières signataire de l’étude de faisabilité préalable (tests de dépose sélective, essais en laboratoire, évaluation quantitative et qualitative) et le bureau d’études Elan, au stade désormais de l’entrée dans l’opérationnel.