La géothermie de surface est-elle une technologie mature en France ?
Oui, elle l'est, mais les techniques de géothermie de surface avec stockage d'énergie comme l'ATES [échanges thermiques sur nappes aquifères, NDLR] et le BTES [échanges par conduction thermique du sol sec grâce à des puits de forage, NDLR] ne le sont pas du tout. Or, couplées avec des solutions de chaud-froid type PAC, elles sont six fois plus efficaces pour un bâtiment.
En quoi a-t-on progressé ?
Les pompes à chaleur sont désormais des équipements industriels disponibles dans une large gamme de puissances, et ce secteur connaît un essor considérable. En revanche, la France n'a pas encore atteint un stade industriel pour les technologies ATES et BTES, qui restent absentes du marché national. Ce retard s'explique en partie par les premières installations de sondes réalisées par des entreprises de forage ou de fondation, dont les défauts de calculs ont entraîné des rendements thermiques non conformes à ce qui avait été anticipé.
Pourquoi le potentiel français n'est-il pas suffisamment exploité, selon vous ?
Chez Equans, nous estimons que la France possède un potentiel de géothermie considérable qui peut être exploité économiquement dans la plupart des zones dont le sous-sol n'est pas trop dur. L'ATES est a priori utilisable en stockage intersaison pour 50 à 60 % de la population française.
Le BTES, qui est la seconde meilleure solution, est utilisable en complément sur 10 à 20 % de plus. Mais aujourd'hui, pour beaucoup de décideurs, il est plus simple de privilégier une chaudière à gaz ou un échangeur air/air, que de faire de la géothermie. Le gain énergétique n'entre pas dans l'équation car le critère prépondérant demeure le coût de construction.
La réglementation est-elle adaptée ?
Dès qu'un projet dépasse une certaine puissance, le code minier s'applique, obligeant à obtenir une autorisation de forage auprès de l'administration (lire p. 22) . Nous avons demandé que ce seuil passe de 0,5 à 3 MW. Dans le même ordre d'idées, la législation sur l'eau encadre les prélèvements et la pollution. Pourtant, un système ATES ne devrait pas être considéré comme un « prélèvement » car l'eau est immédiatement réinjectée dans le sol sans perte, ni surpression, ni contamination. De même, l'impact sur la nature du sol est minime car les variations de température, de plus ou moins 5 degrés environ et isolées, limitent toute perturbation du milieu naturel.
Est-ce que la filière a les compétences et les effectifs suffisants pour se développer ?
Dans la chaîne de valeur, il y a d'abord la filière du calcul du puits géothermique. Là, il existe quelques entreprises qualifiées. Ensuite, vient celle du forage, qui compte nombre d'entreprises compétentes. Puis la filière de la conception des puits : en France, une dizaine d'entreprises ont les capacités requises. Enfin il y a l'exploitation et la maintenance. Chez Equans, nous maîtrisons toute la chaîne à l'exception du forage que nous sous-traitons.
Aujourd'hui, pour que le marché de la géothermie se développe de manière fiable, il est nécessaire d'avoir une certification des entreprises par le CSTB ou un organisme équivalent, afin de garantir que les normes de tuyauterie, de qualité, de raccordement, de dispositifs de protection sont respectées.
La géothermie de surface a-t-elle besoin d'un soutien public ?
Il faut maximiser l'usage de la géothermie par rapport aux autres solutions parce que sinon, on continue de réchauffer l'atmosphère. L'Etat a soutenu la promotion des pompes à chaleur air (air/eau ou air/air) et accordé en réalité des aides pour la climatisation, une solution énergivore.
Nous proposons que les promoteurs immobiliers soient tenus de considérer d'abord un système d'ATES pour le chauffage et le refroidissement des bâtiments, et, s'il n'est pas envisageable, de BTES, et enfin seulement, si la géothermie n'est pas possible, une PAC air-air, ou une chaudière à gaz et un échangeur. En clair, nous proposons que la géothermie devienne la solution par défaut, et non celle de dernier recours.