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Ce 7 mai, un peu après 17 h, à la sortie de Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes), en direction de Monaco, une masse rocheuse de plus de 1 800 m3, située au droit de la RD6098, était abattue suite au minage opéré par NGE Fondations et Dynamic Consult international. L’opération a duré un peu moins de deux secondes. La chute des segments de blocs a été maîtrisée par des merlons posés en partie basse. A 18 h 30, les équipes sur place pliaient bagage.
Plus d’un an de préparatifs
L’affaire a commencé en septembre 2018. Suite à des travaux de débroussaillage, une « écaille » est mise au jour. Le département des Alpes-Maritimes demande à NGE Fondations, titulaire d’un marché à bons de commandes des travaux de confortements des routes départementales, d’ausculter la masse rocheuse. Elle révèle un phénomène de basculement — de l’ordre de 5 mm par mois en l’absence d’intempéries — et une ouverture moyenne de la faille de 25 cm.
Suite à la confirmation de ces mouvements, un périmètre de sécurité est défini et la route d’accès au parking SNCF situé en contrebas, un restaurant et le sentier des douaniers sont fermés en décembre 2018. En parallèle, le maître d’ouvrage et l’entreprise décident de mettre en place un théodolite automatisé pour ausculter plus de 40 cibles. « Ceci, afin de connaître dans le temps et avec précision les modèles de déplacement de la masse dont le poids est estimé à plus de 5 000 tonnes et de déterminer si la RD6098 subit ou pas des désordres », précise Franc Chabbert, Directeur d’agence chez NGE Fondations.
Ces dispositions donnent le top départ à plus d’un an d’études et de préparatifs. Il a fallu en parallèle se concerter avec le service des ouvrages d’arts de la SNCF compte tenu de la présence d’un tunnel ferroviaire situé en dessous de la masse. Les différentes études, notamment celles du bureau d’études IMS RN, conduisent à décider une intervention en deux temps : conforter la route départementale, puis procéder au minage pour purger les deux tiers de cette masse instable.
Forage
Parmi les travaux préalables figure le frettage de la route afin d’assurer sa stabilité. Elle est en effet située dans une zone géologique très tourmentée, caractérisée par la présence de différentes « familles de failles et discontinuités » venant découper la demi-largeur de la chaussée. Pour la consolider, l’entreprise a posé, entre la tête de la masse rocheuse et le corps de chaussée, une trentaine d’ancrages de dix à quinze mètres de profondeur.
Une autre étape a été le forage de la masse rocheuse pour la préparation au tir. En tout, elle a reçu près de 70 trous verticaux descendants entre 7 et 10 m de profondeur. « Lors de cette opération de forage, réalisé avec des moyens de travaux de corde et qui a duré un mois, nous avons relevé avec précision les horizons de forage. En effet, chaque changement de terrain [roche, terre, NDLR] et chaque vide ont été localisés et répertoriés de façon à donner le maximum d’informations pour dimensionner le tir », précise Franc Chabbert.
Une fois le forage réalisé, la masse a été soigneusement enveloppée d’une couche de géotextile et d’un grillage sur lesquelles on pouvait identifier grâce aux numéros inscrits le positionnement de chaque forage destinés à recevoir les charges d’explosif.
Mesures de contrôle
Ces travaux ont été accompagnés de mesures de contrôle : « Il était en effet impératif d’assurer l’intégrité de la route départementale, des ouvrages ferroviaires, situés 12 m sous la masse, ainsi que du réseau de gaz circulant à seulement six mètres du tir. L’autre contrainte était bien sûr la situation, en entrée de Monaco en zone péri-urbaine », raconte Franc Chabbert. Afin de maîtriser les vibrations engendrées par le tir et le calibrer en fonction des ouvrages à proximité, la société DCI a ainsi réalisé l’étude de dimensionnement de ce tir à partir d’un relevé par drone.
Ensuite, un contrôle par « mesures inclinométriques » a permis de vérifier l’ensemble des 70 forages, ceci afin de corriger l’étalonnage des charges d’explosifs. Ces informations ont permis de réaliser des simulations vibratoires (gestion du contenu fréquentiel) et dynamiques (fragmentation, projections et écoulement des matériaux) avant de valider le plan définitif.
225 kg d’explosifs
Le jour J, huit personnes de la société DCI et dix techniciens de NGE Fondations étaient sur le pont depuis 7 h du matin occupés à mettre en place tous les dispositifs et outils servant à vérifier l’impact de l’opération : pose de dix géophones (capteurs de mesure vibratoire) sur tout le périmètre et au droit des ouvrages ferroviaires, surveillance visuelle du tir par des caméras au sol et survol par drone, système d’auscultation topographique pour contrôler les mouvements des ouvrages ferroviaires et ceux de la route.
Les explosifs ont été acheminés le matin du 7 mai sur la route départementale, puis les techniciens ont confectionné les précharges selon les consignes du plan de tir secondés par deux chefs mineurs : l’un resté sur la route, l’autre, encordé, surveillait la répartition des produits explosifs au droit des forages. Six heures ont été nécessaires pour charger les 70 trous. Le recours à l’amorçage électronique (jusqu’à quatre charges par trou) a permis de séquencer le tir, milliseconde par milliseconde. Peu après 17 h, la masse rocheuse était abattue par 225 kg d’explosifs.
L'opération en vidéo :
En chiffres
Volume de l’écaille abattue : 1 300 m3
Quantité d’explosifs : 225 kg
Nombre de détonateurs électroniques : 163 unités
Nombre de points de contrôle vibratoires : 10 unités
Distance maximale d’étalement du tas : 25 m
Fragmentation : 0/500 mm
Fiche technique
Maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre : conseil départemental des Alpes-Maritimes
Bureaux d’études : IMS RN ; GEOGC (études d’exécution).
Entreprises : NGE Fondations (mandataire), DCI (dimensionnement et chargement).
Coût : 550 000 euros HT