Sous le titre "Faciliter la construction", le législateur joue sur deux registres, la dérogation provisoire et la création d'une procédure de modification "super-simplifiée".
A - Une nouvelle possibilité de dérogation aux plans d'urbanisme
L'article 1er de la loi dispose que "jusqu'au 31 décembre 2010, et par dérogation au premier alinéa de l'article L. 123-13 du Code de l'urbanisme, les modifications d'un plan local d'urbanisme (PLU) ou d'un plan d'occupation des sols (POS) ayant pour objet d'autoriser l'implantation de constructions en limite séparative ne donnent pas lieu à enquête publique. Le projet de modification et l'exposé de ses motifs sont portés à la connaissance du public, en vue de lui permettre de formuler des observations, pendant un délai d'un mois, préalablement à la convocation du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, qui se prononce par délibération motivée".
Cette disposition concerne l'article 7 du règlement de PLU (ou de POS) qui, en application de l'article R 123-9 du Code de l'urbanisme, régit "l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives". Par contre, la loi ne concerne ni les règles d'implantation par rapport à la voirie, ni celles qui concernent les implantations à l'intérieur d'une même parcelle. Cette réglementation des implantations constitue, il faut le rappeler, une disposition obligatoire des POS et des PLU (C. urb. art. R123-9 avant-dernier alinéa) même si elle peut être contenue non pas dans le règlement mais dans les documents graphiques du plan (voir note).
Le ministre, Patrick Devedjian a exposé à l'Assemblée nationale, les raisons pour lesquelles il convenait, selon lui, d'écarter les règles restrictives des POS ou des PLU relatives à l'implantation des constructions en limite séparative : elles limitent de manière excessive les possibilités de construire sur des parcelles équipées qui pourraient sans cela devenir constructibles. Ce ne sont souvent, selon le ministre, que des survivances archaïques des anciens règlements de lotissement. L'assouplissement de cette réglementation permettrait de libérer ainsi 150 000 à 200 000 parcelles de terrains à bâtir (Rapport Ass. nat. n° 1365, 20 décembre 2008) 5500 communes environ étant concernées par cette modification législative.
Si la nouvelle loi est immédiatement applicable dans son principe, elle ne peut produire les effets recherchés qu'au terme d'une modification du POS ou du PLU. En effet, le nouveau texte ne constitue pas par lui-même, une possibilité de déroger aux règles d'implantation. Il se borne à introduire une procédure dérogatoire spécifique pour modifier le règlement du PLU ou ses documents graphiques de manière à permettre l'implantation de constructions en limite séparative. A la procédure de modification classique régie par l'article L 123-13 est substituée une procédure de modification simplifiée ne comportant pas d'enquête publique mais une procédure de simple information du public pendant une durée d'un mois.
Dès lors, la portée de la loi dépendra de la bonne volonté des conseils municipaux qui peuvent y regarder à deux fois avant de permettre une implantation en limite séparative qui, par nature, concernera principalement les quartiers pavillonnaires dans lesquels on sait que chaque propriétaire surveille ses frontières avec une vigilance de tous les instants. Cette prudence sera souvent confortée par le fait que, dans bien des cas, les réglementations relatives aux limites séparatives coexistent avec des règles de lotissement dont chacun sait qu'en dépit des multiples réformes engagées en ce sens, elles ne sont pas aisées à modifier, notamment, lorsqu'elles s'appuient sur d'anciens cahiers des charges. Les communes ne pourront non plus, dans le seul but d'assurer la relance, se dispenser d'examiner les effets qu'une telle modification du règlement peut avoir sur le paysage urbain. Il est donc hasardeux de prédire que la loi va, par un coup de baguette magique, produire des milliers de terrains à bâtir.
Il faut, enfin, noter que cette procédure dérogatoire est temporaire et cessera de s'appliquer au 31 décembre 2010. La méthode utilisée par le législateur rappelle quelque peu celle qu'utilisa l'article 4 de la loi portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006 qui , dans certaines communes, permet au conseil municipal de délimiter des secteurs à l'intérieur desquels les programmes de logements comportant plus de 50 % de logement sociaux, peuvent bénéficier d'une majoration de COS mais en limitant l'effet de cette mesure dans le temps mais en limitant cela aux permis de construire délivrés avant le 1er janvier 2010. Il s'agit dans un cas comme dans l'autre, d'une mesure provisoire répondant à des préoccupations d'urgence (faire face à la pénurie de logements en 2006, créer des emplois dans le domaine du logement en 2009) mais qui, en tant que telles, ne sont pas incorporées dans le code de l'urbanisme réservé en principe aux mesures permanentes. Une différence existe toutefois entre les deux procédures : s'agissant de la loi ENL (Engagement national pour le logement), la commune n'a pas à modifier le document d'urbanisme mais seulement à délimiter des secteurs de densification. La loi de 2009 implique quant à elle une modification simplifiée certes du PLU.
Si cette disposition voit son effet limité dans le temps, tel n'est pas le cas de la seconde procédure d'assouplissement des documents d'urbanisme qu'institue la loi de 2009, destinée quant à elle à survivre à la "relance".
B - Vers une simplification des procédures de modification des règles d'urbanisme
C'est en effet à l'institution d'une nouvelle procédure de modification des PLU qu'aboutit le nouvel alinéa (alinéa 6) introduit à l'article L 123-13 du Code de l'urbanisme par la loi de 2009. Aux termes de la nouvelle disposition "lorsque la modification a uniquement pour objet la rectification d'une erreur matérielle ou porte uniquement sur des éléments mineurs dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, à l'exclusion de modifications sur la destination des sols, elle peut, à l'initiative du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, être effectuée selon une procédure simplifiée. La modification simplifiée est adoptée par le conseil municipal ou par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent par délibération motivée, après que le projet de modification et l'exposé de ses motifs ont été portés à la connaissance du public, en vue de lui permettre de formuler des observations, pendant un délai d'un mois préalablement à la convocation de l'assemblée délibérante".
Ainsi, désormais, à côté de la procédure normale de révision qui s'applique aux changements stratégiques apportés au PLU - procédure la plus lourde - et de la procédure allégée de modification ordinaire qui s'appliquait dans les autres cas, s'ajoute une procédure de modification "ultra-simplifiée" qui s'appliquera, la question de la rectification des erreurs matérielles ne posant pas de problème, lorsqu'elle porte sur "des éléments mineurs" du plan, éléments dont le législateur laisse le soin d'établir la liste à un décret en Conseil d'Etat (la réforme n'est donc pas applicable en l'absence de ce décret). Il est vraisemblable que parmi ces éléments mineurs, on retrouvera les règles d'implantation sur les limites séparatives (bien qu'ils ne soient pas toujours mineurs !) et ainsi, la date du 31 décembre 2010 dépassée, cette procédure permanente pourra prendre la suite de la procédure provisoire. Mais la modification "ultra simplifiée" pourra porter aussi sur les règles d'alignement, d'emprise, etc. dès lors qu'elles seront considérées comme mineures, la seule précision apportée par le législateur étant qu'elles ne peuvent concerner la destination des sols ni, la loi ne le dit pas mais cela va de soi, les cas où s'impose la révision lourde
La simplification procédurale opérée est la même que celle qui a été exposée précédemment . Elle consiste à remplacer l'enquête publique par une procédure allégée d'information du public qui devra, toutefois, être conçue de telle manière qu'elle permette à celui-ci de faire valoir ses observations (procédure qui pourrait s'inspirer sans doute de la procédure de mise à disposition applicable aux anciens schémas directeurs). En cela, la réforme réalisée doit être approuvée dans la mesure où la procédure lourde de l'enquête publique telle qu'elle est régie par le code de l'environnement apparaît souvent surdimensionnée pour des modifications de détail du règlement du PLU.Tout au plus peut-on se demander si on ne pouvait arriver au même résultat en dispensant d'enquête publique la procédure de modification ordinaire quitte à renforcer le champ d'application de la révision ?
Au lieu de cela, on aboutit maintenant à une complexité des procédures utilisables pour changer un PLU qui laisse quelque peu rêveur. Si même on fait abstraction de la procédure de mise à jour, on pourra désormais changer un PLU :
- soit en le révisant selon la procédure lourde lorsque résultent des changements projetés des risques graves de nuisances, une atteinte aux espaces boisés ou "à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durable", notion qui est à l'origine, on le sait, d'un contentieux notable. Il faut rappeler, en outre, que cette procédure comporte elle-même une variante, la révision comportant mise en compatibilité du PLU avec des normes supérieures (C. urbanisme, art. L 123-14) ou une déclaration d'utilité publique (DUP) (C.urbanisme, art. L 123-16),
- soit en le révisant de manière simplifiée lorsque le changement apporté a pour objet la "réalisation d'une construction ou d'une opération à caractère public ou privé présentant un intérêt général" (C. Urbanisme art. L 123-13 alinéa 8),
- soit en le modifiant sans enquête publique lorsque le changement porte sur des "éléments mineurs" (en admettant que l'on puisse définir ceux-ci de manière simple, ne donnant pas lieu à contentieux). Pourra-t-on utiliser cette procédure pour mettre un PLU en compatibilité avec une DUP ?
- soit en le modifiant avec enquête publique dans tous les cas où il est impossible d'utiliser l'une des deux premières procédures exposées. La modification ordinaire comporte également une variante visant la mise en compatibilité du PLU par rapport aux DUP ou aux normes supérieures.
Il n'est pas contestable qu'il est nécessaire de disposer de plusieurs procédures pour changer un PLU de complexité variable en fonction de la plus ou moins grande urgence ou de la plus ou moins grande importance des changements apportés, les modifications stratégiques nécessitant tout à la fois des études détaillées et une concertation élargie. Fallait-il pour autant bâtir une panoplie aussi sophistiquée avec le risque qu'elle comporte de conflits de frontière et donc de vices de procédure ? On peut en douter sérieusement.
Et ceci ne tient pas compte de l'élargissement du champ de la dérogation qu'ouvre telle ou telle loi sectorielle et qui conduit non pas à une modification de la réglementation locale d'urbanisme mais à une application variable de celle-ci selon la nature des constructions. Cette faculté de dérogation ne concernait, jusqu'ici que le coefficient d'occupation des sols et n'était ouverte que pour des objectifs limités, logement social, économie d'énergie principalement. Mais le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion dont la discussion s'achève va beaucoup plus loin puisqu'il projette d'introduire à l'article L 123-1-1 du Code de l'urbanisme une disposition permettant au conseil municipal de délimiter par une délibération motivée (mais sans enquête publique) "des secteurs situés dans les zones urbaines" des PLU "à l'intérieur desquels un dépassement des règles relatives au gabarit, à la hauteur, à l'emprise au sol et au COS est autorisé pour permettre "l'agrandissement de bâtiments à usage d'habitation".
Bien que limité à 20 % pour chacune des règles concernées, on ne peut que souligner que ce texte conduit à rétablir un pouvoir de dérogation qui, dans bien des hypothèses, permettra de faire l'économie de procédures de modification même allégées. D'où une interrogation accrue sur la nécessité d'en créer !
Note : Dans les communes dotées d'un POS ou d'un PLU ne s'applique pas, en effet, l'article R. 111-18 du Code de l'urbanisme qui, d'une manière générale, dispose qu' : "à moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapprochée doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres".
Dès demain, mardi 17 février, retrouvez la troisième et dernière partie de l'article d'Yves Jégouzo, sur le thème du renforcement du régime des opérations d'intérêt national.