Vols sur les chantiers : les parades technologiques montent en puissance

Caméras intelligentes, capteurs RFID... Le BTP peut compter sur de réels progrès techniques pour contrer la délinquance. A condition d'en cerner les usages.

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Quatre départements surexposés au vol

Il n'y a pas que les futurs propriétaires qui adorent visiter les chantiers. Le fléau est connu mais il est vivace : les voleurs s'y servent comme dans la caverne d'Ali Baba. Un phénomène que la FFB avait quantifié dans une grande enquête en 2008 et qui coûterait près d'un milliard d'euros par an aux entreprises du bâtiment. Si près d'un chantier sur deux est clôturé, si la protection humaine reste indispensable, c'est sur les progrès technologiques que les entreprises peuvent désormais compter.

Vidéosurveillance : le grand bond qualitatif

Quand une alarme se déclenche, la caméra de vidéosurveillance a entre autres fonctions de « lever le doute » sur la nature du problème. Une démarche rendue bien plus facile aujourd'hui, grâce aux avancées technologiques. « Notre caméra thermique dispose d'une vision de nuit jusqu'à 15 mètres », illustre Norbert Sartor, directeur général adjoint du prestataire spécialisé Prodomo. Elle permet au télésurveilleur de déterminer à distance si une intrusion dans une zone déterminée est celle d'un humain, et non d'un animal ou d'un quelconque objet balayé par le vent. Les caméras profitent aussi d'une très large autonomie - jusqu'à six mois - grâce aux batteries lithium. Dans le même temps, la transmission des images s'accélère. « Nous proposons désormais de connecter les caméras au réseau via la 3G, beaucoup plus rapide », souligne Clément Breda, directeur de l'agence parisienne d'Infrarouge Sécurité. La 4G est déjà dans les tuyaux.

L'usage : les systèmes de vidéosurveillance, très modulables, s'adaptent à toutes les phases et tous les contextes de chantier.

A savoir : la qualité des images permet d'identifier beaucoup plus précisément une présence humaine.

Marquage des engins et des outils : le GPS reste préféré à la RFID

C'est un signe qui ne trompe pas. « Comme pour la technologie GPS, le marquage RFID d'un produit ouvre droit à une réduction tarifaire de la police d'assurance et de la franchise », annonce Didier Gangloff, du pôle dommage aux biens de SMA-BTP. « Ces deux solutions de marquage se présentent sous forme de cartes, greffées sur un engin, dans une barre d'échafaudage, sur un outil… et permettent de le géolocaliser et de suivre ses déplacements », décrit Clément Breda. A l'usage, le GPS semble toujours préféré au RFID, technologie plus jeune il est vrai. « Si la RFID ne s'impose pas plus vite c'est aussi parce que le signal peut être parasité, par exemple lorsqu'un mur en béton est érigé à proximité de la balise », constate Servan Lépine, dirigeant de l'entreprise de sécurité Excelium.

L'usage : suivre et repérer un engin ou autre dans toutes les phases du chantier.

A savoir : la RFID présente certaines limites techniques.

Pistage ADN : l'option des experts

Une nouvelle solution tente de prendre racine sur les chantiers : le marquage ADN. Le principe ? Un ADN synthétique projeté sur un individu, en cas d'intrusion, ou qui se pulvérise par aérosol sur du matériel. « Cet ADN crée une trace indélébile pendant un an au minimum », promet Christian Jodin, P-DG de Verspective, un prestataire spécialisé. La projection s'opère sous forme de microgouttelettes inodores. Et les traces sont indétectables à l'œil nu. La police scientifique, équipée d'une lampe à ultraviolets, détecte la trace chimique. « Lors d'une enquête, la police peut ainsi vérifier que le matériel a été dérobé. L'ADN synthétique est personnalisé et relié à un client, il fournit donc une quasi-certitude », ajoute le spécialiste. Cette solution, qui nécessite un investissement de 3 000 à 4 000 euros pour un site, séduira-t-elle le BTP ? « Nous sommes en discussion avec une foncière et une major », assure Pascal Kouppé, directeur général France de Select DNA, un autre spécialiste du marquage chimique.

L'usage : le marquage chimique du matériel ou d'un intrus dans un périmètre déterminé.

A savoir : il faut que la chaîne entreprise-police-justice soit mobilisée pour utiliser le marquage ADN comme élément de preuve.

Eclairage de nuit : la led débarque en force

C'est le conseil de base de tous les experts. L'éclairage nocturne du chantier est un élément puissant de dissuasion. S'il n'est pas permanent, un faisceau lumineux peut être déclenché sur la zone où une intrusion est pressentie. Et dans ce domaine, « la technologie led change tout par rapport à l'halogène », pointe Norbert Sartor. Ses avantages ? Un allumage ultrarapide et une grande résistance aux séquences d'allumage/extinction.

L'usage : éclairage permanent ou ponctuel (en cas d'intrusion).

A savoir : la durée de vie des leds les rend pertinentes pour un usage sur chantier.

Détecteurs de mouvements : les alarmes deviennent nomades

La centrale d'alarme nomade RF box, qui se présente sous la forme d'une valise de 8 kg, recueille les informations de capteurs RFID disséminés sur le chantier. Ces capteurs alertent un télésurveilleur ou le chef de chantier, via la centrale, dès que l'objet équipé de la balise (engin, outil… ) est en mouvement. Tout est paramétrable. « L'interface web de gestion permet aux utilisateurs de planifier les jours et les horaires de mise en service des balises, d'être prévenus ou non par SMS, etc. », décode Gilles Sussest, son concepteur, directeur général du fournisseur Servtel. Les capteurs ont la taille d'un carré de chocolat. Une valise peut en gérer jusqu'à 80, pour un prix de départ autour de 2 000 euros.

L'usage : dans toutes les phases du chantier, les mini-balises se fixant sur tout objet.

A savoir : l'outil peut aussi faire office de détecteur d'intrusion, en fixant la balise sur un fil.

Drones et robots : il est (encore) trop tôt

Les drones survolent déjà les chantiers mais, dans l'immense majorité des cas, c'est pour en assurer le suivi technique. Aucune application liée à la protection contre les vols n'est encore sortie des cartons. Et rien ne dit que cela viendra, tant les obstacles s'accumulent pour un tel usage. « Un drone dispose d'une autonomie en vol de seulement trente minutes, qui se réduirait encore si on l'équipe de caméras, avance Norbert Sartor. Difficile de le faire décoller plusieurs fois la nuit… De plus, son vol est proscrit dans de nombreuses zones, il faut en permanence un pilote à la manœuvre et c'est un engin vulnérable. » En imaginant les futurs développements technologiques pour sécuriser les chantiers, Servan Lépine parie plutôt sur le robot. « Il s'agit d'engins mobiles sur roues embarquant de la vidéo, capables de se déplacer sur un terrain plus ou moins carrossable », décrit-il. Un peu comme Curiosity, ce robot bardé de technologies que la Nasa a envoyé sur Mars. L'un de ses avatars, piloté à distance, pourrait donc se déplacer dans toutes les phases du chantier et, par exemple, vérifier in situ si une intrusion a eu lieu. Une alternative au déplacement d'un vigile.

L'usage : le drone est réservé, pour le moment, au suivi technique des chantiers.

A noter : des prestataires de sécurité s'intéressent de près aux robots et envisagent des développements futurs dans leur secteur.

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