C'est l'un des grands projets urbains du centre de la métropole nantaise (Loire-Atlantique) avec l'île de Nantes et le Bas-Chantenay, situés juste en face. Ce territoire, malmené par une artificialisation chaotique depuis la fin du XIXe siècle, pourrait bien préfigurer le concept de ville-nature grâce à la Loire. La ZAC de Pirmil-les Isles, qui se dessine autour de deux secteurs (Pirmil Saint-Jacques à l'est et Basse-Ile à l'ouest) vient d'ailleurs d'être retenue au niveau national comme « démonstrateur de la ville durable ».
La Loire est au cœur de ce projet. « C'est à la fois un élément d'unité de la métropole et un élément naturel puissant qui, avec ses cycles de marée, rappelle la position particulière de Nantes comme ville de l'Atlantique », explique l'urbaniste Frédéric Bonnet, cofondateur de l'agence Obras en charge de la ZAC qui s'étend sur les communes de Nantes, Rezé et Bouguenais. Outre son marnage (amplitude des marées) important, la Loire sort régulièrement de son lit. Le risque inondation est le premier identifié par le plan climat-air-énergie territorial (PCAET) de la métropole. « L'adaptation à l'évolution de ce risque était la condition même de faisabilité du programme, rappelle Matthias Trouillaud, responsable d'opération chez Nantes Métropole Aménagement, qui pilote le processus. Dès 2007, il y a eu un alignement des planètes avec la rencontre d'un projet urbain naissant et une révision du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI). »
Vivre avec le risque. Chargé de réaliser les premières études, Frédéric Bonnet préconise de vivre avec ce risque, présent sur environ 10 % de la ZAC, plutôt que de tenter de lutter contre. Avec les services de l'Etat et du bureau d'études Artelia, il réalise des modélisations 2D de l'aléa inondation intégrant une série d'hypothèses à la fois urbaines et hydrauliques, dont un évènement de référence centennal et, dans la perspective du réchauffement climatique, une élévation du niveau de la mer d'un mètre à l'échéance 2100. Cette démarche de « coconstruction » avec les services de l'Etat aboutira à l'approbation du PPRI en 2014 et vaudra au projet d'être récompensé en 2017 au Grand prix d'aménagement « Comment mieux bâtir en terrains inondables constructibles ». Ce travail est loin d'être figé. Alors que le projet entre dans sa phase opérationnelle, « nous confronterons cette année encore les problématiques hydrauliques au plan-masse qui s'est affiné », assure Anthony Danneyrolle, directeur du département hydraulique et environnement chez Artelia Ouest.
Pour l'équipe de maîtrise d'œuvre urbaine, composée également des paysagistes de D'ici là, des bureaux d'études RRA, Zefco, Ginger et Biotec, l'inondation devient une chance. Laisser la place à l'eau pour absorber les crues revient à laisser la place à la nature en développant une trame verte fonctionnant comme un tampon drainant protecteur. Les zones humides seront ainsi doublées sur le modèle du jardin test de la cale Aubin, qui ouvrira au public cet été dans la zone Basse-Ile. Cette démarche paysagère vaudra à l'agence D'ici là d'être récompensée du prix « Recherche en paysage par le projet » du palmarès du Paysage 2022.
Amplifier le relief. Pour assurer le fonctionnement du quartier en cas de crue, il est prévu d'amplifier le relief existant pour créer des sols hors d'eau afin d'accéder à tous les logements. Dans les zones en aléa moyen et faible, la constructibilité a été autorisée sous réserve de respecter quelques grands principes comme l'obligation d'avoir un premier niveau fonctionnel hors d'eau. « Cela se traduit par des formes de bâti s'inspirant de l'ancien village de pêcheurs voisin de Trentemoult où les maisons ont leurs pièces de vie surélevées d'environ un demi-étage », illustre Pascal Pras, vice-président de Nantes Métropole en charge de l'urbanisme durable. Et si la ville-nature était le retour du bon sens ?