La mission devait être classique pour l'agence de paysagisme et d'urbanisme Inuits : gérer la maîtrise d'œuvre complète des espaces publics de la Cerisaie, à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise), et ainsi créer un quartier à partir d'un terrain vague de près de 6 hectares. Mais au fil d'un long travail de concertation qui a réuni la Ville, le cabinet de conseil Genre et Ville et surtout les habitants, un sujet nouveau s'est imposé : la place de la femme dans l'espace public. Grâce au travail des associations du quartier, des populations habituellement peu consultées, notamment les habitantes, ont pris part aux discussions et ont permis de mettre la question de l'égalité sur la table.

Sans recoins ni chemins étroits. « Cela n'a pas changé radicalement notre façon de travailler, remarque Annie Tardivon, cofondatrice d'Inuits. Il s'agit seulement d'accorder une attention plus forte à des catégories de personnes auxquelles on ne pense pas toujours. » Sont ainsi nées les deux zones distinctes qui forment aujourd'hui le quartier de la Cerisaie : celle du « square », à l'ouest d'une copropriété de maisons individuelles, et, au sud-est, le « parc ». Le tout est cerné de grands immeubles de logement collectif.
Dans le square s'imbriquent le parvis des écoles, des surfaces de jeux et un city stade. Tous ces équipements sont de grandes aires transparentes, sans recoins ni chemins étroits. Sur la pente de pierre du parvis, par exemple, tout se passe à hauteur d'yeux. « Voir et être vu change tout », assure-t-on chez Inuits.

Cette clarté volontaire crée la sécurité et le bien-être du public, notamment féminin. L'entrée de l'école maternelle se trouvait auparavant sur le grand boulevard en marge du quartier, où la circulation est importante. « Le nouvel espace piétonnier supprime un danger pour les enfants, mais aussi pour les parents qui viennent les chercher. Et à la Cerisaie, ce sont plutôt des mamans », note Victor Pescheux, directeur du renouvellement urbain à la Ville de Villiers-le-Bel. Quant aux parkings, ils sont à l'air libre et en rez-de-chaussée, « alors que le stationnement en sous-sol est souvent anxiogène et difficile à sécuriser », ajoute le responsable. De nouvelles voiries encerclent le quartier et permettent à la police de faire une boucle, de surveiller et d'intervenir plus facilement.

« Encourager la mixité d'usage ». Le city stade a, lui, été positionné au centre de tous ces équipements brassant un large public. « Il faut encourager la mixité d'usage. C'est le cœur de la solution car la pluriactivité mène inévitablement à la sécurité », souligne Chris Blache, une des fondatrices de Genre et Ville. La structure spécialisée dans les questions d'égalité intervenait en assistance à maîtrise d'ouvrage de la municipalité.
Plus loin, côté « parc », le vert domine. Dans de vastes jardins partagés, on trouve toujours quelqu'un affairé à ses cultures ; les légumes colorés prospèrent. « Ces jardins ont été demandés par les habitants et ils fonctionnent bien », confirme-t-on chez Inuits. Victor Pescheux renchérit : « C'est joli, ça évite les mauvais usages en bas des immeubles, et la pratique est mixte. » Dans le reste du parc où se côtoient un verger, des boisements et même un belvédère planté, les publics se mélangent. Là aussi la circulation a été mise à l'écart, cette fois par une noue.

Les espaces publics ont été livrés en 2018, et un travail d'observation est aujourd'hui engagé à travers des enquêtes de satisfaction. « Les retours sont positifs, le quartier a vraiment gagné en qualité de vie », assure Victor Pescheux. Cette réussite devrait trouver un prolongement puisque la requalification de la Cerisaie a été menée dans le cadre d'une opération plus vaste de renouvellement urbain. Désormais, tous les programmes afficheront cette ambition d'égalité.
