vente et contrats spéciaux - Cahier des charges de lotissement ou de cession de terrain et prescriptions applicables

DÉCISION À RETENIR -

Cass. 3e civ. , 6 avril 2022, nº 21-13.891

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Faits

Au sein d'un lotissement régi par un cahier des charges de 1998, des colotis nouvellement propriétaires ont, en 2008, fait construire un appentis et un abri de jardin après avoir obtenu un permis de construire. Suivant les actes signifiés les 23 septembre 2016 et 23 mars 2017, un voisin a assigné ces colotis aux fins de démolition, invoquant à l'appui de son action un « détournement » de la destination déclarée, au regard des stipulations du cahier des charges.

Sur la prescription, le voisin appelant soutenait de façon assez originale que son action portait sur une obligation réelle - qui relève de la prescription trentenaire conformément aux termes de l' - et, dès lors que, en vertu de l'article 1143 ancien du Code civil, la demande en dommages et intérêts est accessoire à la demande en démolition, celle-ci devait bénéficier des mêmes délais trentenaires.

Par un arrêt du 8 janvier 2021, la cour d'appel de Paris a rejeté un tel raisonnement au visa de l'. Elle a estimé que « l'action (…), fondée sur le non-respect du cahier des charges du lotissement, qui constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les dispositions qui y sont contenues, constitue une action personnelle visant à obtenir la démolition des constructions au motif qu'elles ont été édifiées (…) au mépris des engagements contractuels du cahier des charges et des dommages et intérêts (…), se prescrit par cinq ans ». Un pourvoi est formé.

Question

Quelles sont les prescriptions applicables aux actions fondées sur le non-respect d'un cahier des charges de lotissement ?

Décision

La Cour de cassation censure partiellement la cour d'appel de Paris. Elle rappelle par deux attendus de principe que l'action tendant à obtenir la démolition d'une construction édifiée en violation d'une charge réelle grevant un lot au profit des autres lots, en vertu d'une stipulation du cahier des charges d'un lotissement, est une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire. Alors que l'action en réparation du préjudice personnel, que prétend avoir subi le propriétaire d'un lot, en raison de la violation des stipulations du cahier des charges, constitue une action personnelle soumise à la prescription quinquennale.

Commentaire

Les cahiers des charges de lotissement, comme les cahiers des charges de cession de terrain en zone d'aménagement concerté (ZAC) ou hors ZAC, dont le régime juridique est relativement proche, sont une source quasi inépuisable de contentieux dès lors que les règles qu'ils contiennent sont des charges réelles que les colotis peuvent s'opposer entre eux.

Cela est d'autant plus vrai que ces charges sont imprescriptibles et subsistent dans les rapports entre colotis, quand bien même elles auraient perdu leur effet au regard de la réglementation d'urbanisme, comme le rappelle la Cour de cassation le 13 octobre 2016 au visa de l' (nº 15-23.674).

En outre, sauf exceptions insérées aux articles L. 442-10 et suivants du même Code ou aménagées contractuellement, les hypothèses de révision d'un cahier des charges entraînent quasi systématiquement la nécessité de réunir l'unanimité des colotis. On rappellera donc aux aménageurs et aux rédacteurs d'actes que la prudence et la concision sont des vertus particulièrement fondamentales à la rédaction de tels cahiers des charges.

L'arrêt ci-commenté est également l'occasion de rappeler qu'un cahier des charges de lotissement s'impose aux acquéreurs successifs des lots, les droits et obligations qui en découlent étant attachés aux immeubles 1.

Cela étant précisé, cette décision est logique sur un strict plan de la légalité puisqu'elle est fondée sur les dispositions des articles et du Code civil et la distinction entre action personnelle et action réelle.

La solution donnée par la Cour de cassation dans son arrêt du 6 avril 2022 pourrait toutefois apparaître comme insatisfaisante pour le constructeur ou le propriétaire foncier. En effet, il faut comprendre qu'une action en dommages et intérêts engagée dans le délai de cinq ans par un premier voisin ne serait pas de nature à rendre irrecevable une action en démolition engagée vingt-cinq ans après par un second voisin, pour le même motif…

La jurisprudence gagnerait a minima à une harmonisation, pour ne pas dire une uniformisation à cinq ans, des délais d'action. Alors que l'objectif du « zéro artificialisation nette » a trouvé une consécration législative avec la loi nº 2021-1104 du 22 août 2021 dite « Climat et Résilience », cet arrêt renvoie au réel écueil de son effectivité que constitue la cristallisation de règles d'affectation, de hauteur ou encore de prospects, entre autres, au sein d'un document contractuel quasi intangible : certains cahiers des charges n'ont jamais évolué depuis les années 1920.

1 Voir notamment Cass, 3e civ., 12 janvier 2005, nº 03-17.194; Cass, 3e civ., 10 octobre 2007, nº 06-18.108

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