L’appréciation de la légalité d’un projet vis-à-vis de la loi Littoral est par définition relative ! Cette législation s’éclaire à la lumière des faits, appréciés souverainement par le juge. Un arrêt d’appel du 23 novembre dernier (1) illustre cette approche nécessairement pragmatique des notions essentielles portées par la loi Littoral.
En l’occurrence, la cour administrative d’appel (CAA) de Douai avait à juger le cas d’un permis accordé pour la construction d’un bâtiment résidentiel de 20 appartements à 200 mètres de la mer, sur le territoire de la commune de Neufchâtel-Hardelot (Pas-de-Calais).
Contestée par une association de défense de l’environnement, l’autorisation a d’abord fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif de Lille, qui a rejeté cette requête (2). L’association s’est alors tournée vers la CAA de Douai. Ses arguments ? Le projet ne constitue pas, selon elle, une extension limitée de l’urbanisation au sens de la loi Littoral. Surtout, son terrain d’assiette est désormais inclus dans une zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistique (Znieff). En clair, il s’agit, selon les requérants, d'un espace remarquable du littoral, régi par l’ex-article L. 146-6 du Code de l’urbanisme (art. L. 121-23 à L. 121-26 du code actuel).
S’appuyant sur la grille de lecture de l’article L. 121-13 du Code de l’urbanisme (ex-L. 146-4), la CAA a d’abord répondu à la question de savoir si le projet se situait ou non dans un espace proche du rivage au sens de la loi Littoral. Trois critères sont à examiner : la distance séparant la zone du rivage, son caractère urbanisé ou non, et enfin, la covisibilité entre cette zone et la mer.
Dans cette affaire, le terrain d’assiette du projet se trouve à "environ 200 mètres du rivage de la mer, en covisibilité avec celle-ci, dans un compartiment pour l’essentiel non bâti et situé en retrait de bâtiments résidentiels de grande hauteur édifiés en front de mer", selon les termes de l'arrêt d’appel. Ainsi, le secteur concerné constitue bel et bien un espace proche du rivage au sens du II de l’article L. 146-4 du Code de l’urbanisme, applicable lors de la délivrance du permis.
Puis la cour balaie un à un les points soulevés par les requérants à l'appui de leur recours. Elle rappelle d’abord que le caractère limité ou non de l’extension de l’urbanisation existante dans un espace proche du rivage "s'apprécie eu égard à l'implantation, à l'importance, à la densité, à la destination des constructions envisagées et à la topographie des lieux".
Une transition entre les IGH du front de mer et les pavillons à 200 m de distance
La CAA entre dans les détails propres au projet, retenant que "le permis de construire en litige autorise l'édification d'un bâtiment résidentiel comprenant vingt appartements, représentant au total une surface hors oeuvre nette de 1847 m2, sur un terrain qui, s'il est pour l'essentiel non bâti, comporte déjà deux courts de tennis aménagés au sud et une rangée de garages individuels longeant sa limite ouest ; que l'implantation du bâtiment au nord-ouest de ce terrain le place en continuité de l'urbanisation existante sur le front de mer, caractérisée par sa forte densité, et amorce […] une transition entre ces immeubles de grande hauteur et les pavillons situés à une distance d'environ 200 mètres à l'est ; qu'en outre, ce terrain est bordé, au sud, par une rangée de quatre immeubles résidentiels de quatre étages [...], dont les caractéristiques sont comparables à celles du bâtiment projeté ».
Sur la qualification d’espace remarquable du littoral, la CAA évacue rapidement l'argumentaire de l'association de défense environnementale, en estimant que "si le terrain d'assiette du projet, de nature dunaire, a été inclus, postérieurement à la décision attaquée, à l'extrémité du périmètre de [la Znieff], il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il présente une valeur écologique particulière".
La cour en déduit logiquement que "compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le projet (litigieux) réalise une extension limitée de l'urbanisation existante" en conformité avec le Code de l'urbanisme. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le permis accordé pour construire cette résidence de 1847 m2 à 200 mètres du littoral est donc valable. Sauf à ce que les requérants forment un pourvoi devant le Conseil d’Etat… qui ne se prononcera que sur le respect du droit !