Urbanisme et intérêt à agir : un objet statutaire général ne prive pas toujours une association de recours

Par un arrêt du 20 octobre, le Conseil d’Etat vient encore d’assouplir son appréciation de l’intérêt à agir d’une association dans le cadre d’un recours contre un permis de construire. Les faits de l’espèce ont désormais leur importance.

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Code de l'urbanisme

En matière d’urbanisme, l’intérêt à agir n’est plus une notion purement dogmatique… Après avoir précisé son appréciation dans le cadre de recours formés par des particuliers, le Conseil d’Etat vient encore d’illustrer sa conception pragmatique de cette notion, cette fois en ce qui concerne les associations.

Pour mémoire, les conditions de recevabilité des recours formés par les associations contre les autorisations d’urbanisme ont d'abord été fixées par la jurisprudence, qui a longtemps exigé un lien direct entre les intérêts défendus par l'association et l'acte qu'elle souhaite contester. Deux critères étaient traditionnellement retenus pour apprécier la teneur de ce lien: l'objet statutaire de l'association, et son champ d'action géographique (voir notamment l'arrêt du Conseil d'Etat du 26 juillet 1985, n° 35024).

Dans les textes, il aura fallu attendre la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement pour que soit inséré dans le Code de l'urbanisme l’article L. 600-1-1, qui prévoit qu'’"une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire". Une disposition inscrite dans la loi pour mettre fin aux recours abusifs d’associations, empêchant celles créées opportunément de s’immiscer dans le contentieux.

La sauvegarde du cadre de vie, un objet pouvant donner intérêt à agir…

Dans notre affaire (1), une association de quartier a formé un recours pour faire annuler un arrêté accordant un permis de construire trois maisons d'habitation, d'une surface de plancher de 461 m2 ­­, sur un terrain jusqu'alors non bâti. Une demande rejetée par le juge de première instance, au motif que l’objet de l’association tel qu’il était fixé dans ses statuts restait "trop général et éloigné des considérations d'urbanisme" pour lui conférer un intérêt lui donnant qualité pour agir.

Mais le Conseil d’Etat apporte un nouvel éclairage sur l’appréciation de cette notion, en tenant compte des circonstances particulières de l’espèce. Il estime qu’un objet social visant "la mise en œuvre de tous les moyens disponibles pour la sauvegarde et l'amélioration du cadre de vie des habitants" peut donner à l’association un intérêt à agir contre un permis affectant ce cadre de vie.

… compte tenu de la nature et de l'importance du projet contesté

En l’occurrence, les Sages du Palais-Royal indiquent que "le projet autorisé, par sa nature, le nombre de constructions autorisées, le choix d'implantation retenu et la densification qu'il induisait, était susceptible de porter atteinte au cadre de vie des habitants du quartier (…), dont l'association requérante avait pour objet d'assurer la sauvegarde".

En clair, le Conseil d’Etat ne s’arrête pas à la formulation de l’objet de l’association dans ses statuts, et tient compte de la nature et de l’importance du projet pour apprécier son intérêt à agir. Un degré de contrôle approfondi qui teinte de plus en plus sa jurisprudence en la matière, à l’instar de sa décision du 29 mars dernier, précisant la date à laquelle s’apprécie l’intérêt à agir d’une association (2). La lutte contre les recours abusifs passera aussi par le Conseil d'Etat.

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