Les schémas de développement commercial (SDC) ont été institués par la loi du 5 juillet 1996, dite Raffarin, modifiant la loi Royer, qui définit les critères au vu desquels la commission départementale d'équipement commercial (CDEC) autorise les projets d'implantations commerciales. Ils étaient introduits de la façon suivante : « L'Observatoire départemental d'équipement commercial collecte les éléments nécessaires à l'élaboration des schémas de développement commercial. » Le décret du 20 novembre 2002 qui définit leur objet et leur procédure d'élaboration, s'est avéré beaucoup moins novateur que prévu, une circulaire du 3 février 2003 confirmant que ces schémas ne sont pas « normatifs ».
Cohérence avec les nouvelles règles d'urbanisme
Les schémas de cohérence territoriale (SCOT) comportent trois parties intégrant une dimension commerciale :
le diagnostic est établi « au regard des prévisions économiques (...) et des besoins répertoriés en matière de développement économique » ;
le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) fixe les objectifs des politiques publiques en matière de développement économique ;
le SCOT définit les objectifs relatifs à l'équipement commercial et artisanal, aux localisations préférentielles des commerces et à la mise en valeur des entrées de villes.
Le SCOT devient donc la pierre angulaire du droit de l'urbanisme en matière de commerce. Cette insertion est renforcée par la valeur juridique donnée aux orientations du SCOT : les CDEC doivent le respecter et leurs autorisations devront être compatibles avec lui.
Signalons par ailleurs qu'aux termes de la loi du 3 juillet 2003, les assouplissements apportés à la règle de constructibilité limitée en l'absence de SCOT ne concernent pas les autorisations d'équipement commercial.
Au regard des plans locaux d'urbanisme (PLU), les innovations sont moins importantes, certaines communes, suivies par le juge administratif, ayant déjà régulé les implantations commerciales dans leurs documents d'urbanisme locaux. Le législateur a donc manifesté clairement sa volonté d'intégrer le commerce dans la législation d'urbanisme et de planifier en conséquence les implantations commerciales.
La circulaire du 3 février 2003
Le gouvernement a confié aux observatoires départementaux d'équipement commercial (Odec) un rôle majeur dans la procédure d'élaboration des SDC. Ceux-ci étaient déjà chargés par le décret de 1993 de recenser les surfaces commerciales existantes dans le département et de retracer l'évolution de l'appareil et de l'activité commerciale. Les textes imposent la prise en compte de ces travaux par la CDEC.
La circulaire du 3 février 2003 apporte un certain nombre de précisions sur le contenu du SDC, lequel devra contenir au minimum une analyse de l'environnement économique (évolution démographique, transports, activités industrielles et agricoles, activités touristiques, foncier et organisation administrative), ainsi qu'une description de l'état de l'offre et de la demande. Ces éléments seront repris dans une synthèse cartographique.
Par ailleurs, le schéma comportera une analyse prospective indiquant « les orientations en matière de développement commercial et les secteurs d'activité commerciale à privilégier ». Le SDC a donc une double vocation informative et prospective, mais cette dernière composante n'en fait pas un document de planification des implantations commerciales.
Les schémas, élaborés pour une durée de six ans, devront ensuite être approuvés et soumis au contrôle du préfet.
Le décret fixe un délai aux Odec pour élaborer ces documents : si aucun schéma n'est approuvé dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication du décret, un constat de carence sera dressé par le préfet qui publiera alors un inventaire tenant lieu de SDC.
Les faiblesses des schémas de développement commercial
La faiblesse majeure des SDC concerne leur valeur juridique qui hypothèque leur efficacité.
Le problème pratique du périmètre
La loi impose que les SDC soient compatibles avec les SCOT. Par ailleurs le décret du 20 novembre 2002 dispose que « l'Odec élabore pour chaque département et en fonction des caractéristiques de celui-ci un ou plusieurs schémas de développement commercial couvrant l'ensemble de l'activité commerciale du département ».
Nul doute que l'Odec prendra en compte les flux commerciaux et les caractéristiques commerciales de telle ou telle zone et que le périmètre pertinent en matière commerciale ne coïncidera pas forcément avec le périmètre d'un SCOT, lequel est lui-même soumis à des contraintes particulières.
Pour résoudre cette difficulté, la circulaire du 3 février 2003 précise aux Odec que les périmètres des SDC devront correspondre en priorité à des circonscriptions administratives (département, agglomération, pays...).
Si cela n'est pas possible, et seulement dans ce cas, l'Odec privilégiera alors une approche purement commerciale, en fondant son action sur les zones de chalandise des équipements commerciaux structurants du département.
Dans ce cas, si certains périmètres étaient amenés à excéder le territoire du département, une procédure de coordination des préfets concernés interviendrait.
Précisons qu'en Ile-de-France, un schéma spécial récapitulatif doit être élaboré à l'échelle de la région.
Des effets juridiques non identifiés
Le SDC, qui doit être compatible avec le SCOT, s'insère mal dans la hiérarchie des normes d'urbanisme. Par ailleurs, il n'a aucune valeur juridique directe et ne s'impose à aucun document.
Il ne s'impose notamment pas aux CDEC qui restent souveraines dans l'appréciation qu'elles sont amenées à faire du respect par un projet des critères définis par le Code de commerce, au cas par cas.
En l'état, la seule disposition normative pouvant donner une quelconque « force » aux schémas concerne l'obligatoire référence aux travaux de l'Odec que doivent faire les CDEC.
En résumé, le SDC s'impose de façon identique à celle des anciens « travaux » des Odec : il constitue simplement un outil de référence pour les CDEC, sans que le sens de ses orientations doive être obligatoirement suivi.
La circulaire du 3 février 2003 précise ainsi que « les travaux des SDC ont pour but d'éclairer la décision des instances élues, administratives et consulaires ». Ils sont conçus comme des « outils d'aide à la décision et non pas des documents normatifs créateurs de droits » et doivent être « souples et évolutifs ».
Le respect des principes du droit de la concurrence
Le juge supplée a minima cette tentative de planification obligatoire en exigeant le respect des principes du droit de la concurrence.
La loi Royer n'avait pas vocation à régir la concurrence entre les entreprises de distribution. L'article L.720-3 5° du Code de commerce se borne à imposer aux CDEC de prendre en compte « les conditions d'exercice de la concurrence ».
De son côté, sous la pression communautaire, le juge administratif multiplie les incursions dans le droit de la concurrence, dont on sait qu'il s'applique aux actes administratifs, notamment dans le contrôle juridictionnel des autorisations d'urbanisme commercial. Ainsi, le conseil d'Etat a déjà exigé qu'une autorisation n'attribue pas dans la zone à une entreprise une position de domination commerciale « telle qu'en seraient menacées les conditions d'une concurrence claire et loyale » (1).
Par ailleurs, dans ses conclusions sous un récent arrêt du conseil d'Etat (2), le commissaire du gouvernement a estimé que la loi Royer fondait l'application d'un principe de libre concurrence, opposable à une demande d'autorisation d'urbanisme commercial.
L'émergence de cette préoccupation, en dehors des termes même de la loi Royer, est récente et les conditions de son articulation avec le droit de la concurrence restaient relativement indéfinies.
Certains tribunaux administratifs ont pu considérer que la délivrance d'une autorisation par la CDEC conférait à un opérateur une « position dominante », justifiant l'annulation de cette décision (3), et ce, en dépit du fait qu'en théorie, seul l'abus de position dominante est sanctionné. Le juge semble donc avoir pris le relais des SDC, censés à l'origine répondre pour partie à cette préoccupation de concurrence.
Dans un arrêt récent (4), le Conseil d'Etat avait considéré qu'une décision de CDEC ne pouvait, par elle-même, être assimilée à une entente entre entreprises. Dans un nouvel arrêt du 30 juillet 2003 (5), il indique, cette fois explicitement, que : « il incombe aux commissions d'équipement commercial de veiller, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, au respect des règles tendant à préserver le libre jeu de la concurrence, notamment de celles qui résultent des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986. »
Le Conseil d'Etat vérifie d'abord les effets du projet sur la libre concurrence pour la zone de chalandise, « marché pertinent » adapté du droit de la concurrence à l'urbanisme commercial, en examinant si la société est en situation de position dominante, puis si elle est susceptible d'en abuser, le cas échéant de façon automatique. En l'espèce, l'enseigne disposait de 60 % des surfaces de vente de plus de 300 m2 sur l'agglomération, mais de seulement 25 % dans la zone de chalandise, et ne pouvait donc être considérée comme « susceptible d'abuser de sa position dominante ».
(1) CE, 27 mars 1996, «Groupement des commerçants, artisans et professions libérales de la région de Berck-sur-Mer», req. no 151273. (2) Conclusions R. Schwarz, sous CE, 27 mai 2002, «SA Guimatho et autres», AJDA 2002, p. 702. (3) Voir par exemple TA de Cergy-Pontoise, 30 avril 2002, req. no 0100414 sur l'affaire de la ZAC d'Aubervilliers. (4) CE, 5 mars 2003, «Société Immaldi et Cie», req. no 225470. (5) CE, 30 juillet 2003, «SA Caen Distribution», req. no 227838, in «Droit Administratif», novembre 2003.
L'essentiel
Le schéma de développement commercial est un outil informatif et prospectif mais dépourvu de force obligatoire.
Les autorisations des commissions départementales d'équipement commercial restent soumises aux critères de la loi Royer.
Elles doivent, en outre, être conformes au schéma de cohérence territoriale et au libre jeu de la concurrence.
EN SAVOIR PLUS
Textes officiels : Décret du 20 novembre 2002, publié dans «Le Moniteur» du 6 décembre 2002, cahier «Textes officiels» p.360 ; circulaire du secrétariat d'Etat aux PME du 3 février 2003.
Article du « Moniteur » : «Comment réconcilier le commerce et la ville», 1er février 2002, p. 76.
Ouvrage de référence : «Droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat 2003», (voir article de Dominique Moreno : «Vers des schémas de développement commercial»), ouvrage du Gridauh, Editions du «Moniteur», 614 pages, 60 euros.