Les archéologues le savent bien : de toute éternité, la ville s'est reconstruite sur elle-même, strate après strate. Rénovations et agrandissements succèdent aux destructions et déconstructions. Rome ne s'est pas faite en un jour, pas plus que Rom (Deux-Sèvres), Romain (Meurthe-et-Moselle) ou Romainville (Seine-Saint-Denis).
Si la pratique est antédiluvienne, notre époque en a fait un enjeu majeur. La cause ? La lutte contre l'étalement urbain, dont se moquaient probablement les Babyloniens, et qui s'impose avec force à nos contemporains. Après des décennies d'aménagement glouton en champs et forêts, il faut désormais économiser les terres agricoles et sanctuariser les espaces naturels. L'objectif « zéro artificialisation nette » s'est imposé comme un nouvel horizon. Reconstruire la ville sur la ville n'est plus seulement une réalité historique, c'est devenu un impératif écologique.
Reconstruire la ville sur la ville n'est plus seulement une réalité historique, c'est devenu un impératif écologique
Sur le terrain, cette nouvelle donne tiraille les professionnels du cadre de vie. D'un côté, la demande sans cesse croissante de logements, de commerces et d'équipements publics impose de proposer davantage d'espaces bâtis. De l'autre, la population urbaine réclame des zones vierges de toute construction, propices à la respiration et à la détente. Renaturer et densifier : voilà la nouvelle tension du foncier.
Face à ces injonctions contradictoires, on peut s'insurger. On peut aussi choisir l'ingéniosité. Car les solutions existent, même si elles sont souvent complexes et dépendent toujours du contexte. Ici, on se glisse dans une dent creuse. Là, on dépollue quelques arpents de friches. Ailleurs, on choisit la hauteur pour créer des mètres carrés. Partout, la ville d'aujourd'hui se glisse à côté, au-dessus ou au-dessous de celle d'hier. Une ville qui conserve et renouvelle, une ville qui reconfigure et qui restaure, une ville qui mixe les époques. Un défi pour les constructeurs de notre temps. Un casse-tête pour les archéologues des siècles prochains.