A première vue, le vallon du Courtineau, site pittoresque qui entaille le paysage sur l'A 10 au sud de Tours (Indre-et-Loire), n'arien d'un canyon infranchissable. Il a pourtant donné du fil à retordre à Vinci Autoroutes, dans le cadre du chantier d'élargissement de l'A 10, sur 24 km entre Veigné et Sainte-Maure-de-Touraine. Actuellement, le franchissement de ce petit cours d'eau s'effectue par deux viaducs en béton de 214 m de long construits côte à côte, l'un dans le sens Tours-Poitiers, l'autre en sens inverse. Mais il était impossible de les élargir car leur structure ne pouvait supporter la charge supplémentaire que constitue l'ajout d'une voie. La seule option était donc la construction d'un nouveau viaduc, avec la nécessaire prise en compte de la configuration du site pour décider du type d'ouvrage.

Compte tenu du peu de place disponible dans cette vallée encaissée, l'hypothèse d'un pont métallique a d'emblée été écartée, « car l'espace était insuffisant pour construire une plate-forme de lancement », précise le chef de projet, Christophe Couturier. Il y avait enfin des exigences environnementales, liées à la nécessité de perturber le moins possible ce site naturel sensible qui abrite notamment des batraciens, des chauves-souris ainsi qu'une flore intéressante.
En réponse à ces contraintes, le maître d'ouvrage a opté pour une nouvelle infrastructure entièrement en béton de 210 m de long sur 16 m de large et portée par deux piles contre cinq pour les ponts existants, afin de limiter l'impact au sol et donc les nuisances pour le milieu humide. Comme choix technique, l'entreprise a retenu une solution peu courante et assez spectaculaire, celle des voussoirs par encorbellements. La méthode n'a été utilisée que deux fois en France ces dix dernières années.

Assemblages successifs. Le principe consiste à couler en place des voussoirs en béton armé de 125 te t 3,25 m de long. Réalisés par paire, de façon symétrique de part et d'autre d'une pile, ils forment avec elle une géométrie en forme de « T » dont chacune des deux branches grandit à mesure de l'ajout des éléments. « Cela évoque un jeu de construction, avec des assemblages successifs, à 30 m de hauteur », résume Michel Busone, assistant à la maîtrise d'ouvrage chez Vinci Autoroutes. Chaque voussoir vient prendre appui sur le précédent. Dès qu'une paire est en place, elle est renforcée par des câbles de précontrainte tendus à partir de la pile centrale pour garantir la solidité de l'édifice, et permettre de passer à la suivante. La construction, qui mobilise en moyenne une trentaine de personnes sur le chantier, progresse grâce à des équipages mobiles positionnés à chaque extrémité du « T ». Ces ouvrages métalliques provisoires intègrent le moule du voussoir, dont le béton est injecté depuis des camions stationnés à proximité. Une fois qu'un élément est démoulé, l'équipage, manœuvré par une grue, se déplace vers l'avant, et donc vers le vide, pour couler le suivant.

Exiguïté de la parcelle. La construction du tablier a débuté fin 2020, après les terrassements et l'édification des piles. Là encore, l'exiguïté du site et son accès par des petites routes ont compliqué la tâche des entreprises, en particulier pour réussir à acheminer et monter les trois grues, le tout en respectant le cours d'eau, les grenouilles, et le bois classé situé à proximité. Après six mois de travaux, la majeure partie des voussoirs a été coulée. Cette partie du chantier devrait s'achever cet été par la pose du voussoir de clavage, le dernier de la série, « qui formera la clé de voûte » de l'ouvrage, précise Michel Busone. Il faudra ensuite réaliser l'étanchéité de la future chaussée et y mettre en place la couche d'enrobé. Le viaduc du Courtineau, qui supportera le trafic dans le sens province-Paris, devrait être achevé début 2022, mais il faudra encore le raccorder à l'autoroute, en vue de sa mise en service au deuxième trimestre 2022.