Décrochage des investissements fossiles qui aggravent les émissions de gaz à effet de serre, boom symétrique des dépenses qui les réduisent : réduite à ces données, la livraison 2022 du « Panorama des financements climat » pourrait inciter à l’optimisme.
Mais l’évolution constatée entre 2020 et 2021 appelle des « points de vigilance », selon l’Institute for Climate Economics (I4CE), éditeur de ce baromètre annuel.
Doit mieux faire
Du côté des investissements climat, les auteurs soulignent l’insuffisance du niveau atteint en 2021, malgré le bond de 18 Mds € en un an qui porte la somme à 84 Mds €. Même dans le scénario frugal de l’Agence de la transition écologique, il manque 13 Mds € par an pour engager la France sur le chemin de la neutralité carbone.
Le besoin annuel de dépenses climatiques supplémentaires s’élèverait jusqu’à 30 Mds € dans le scénario technologique qui dessine une voie de croissance décarbonée avec des modes de vie toujours plus sophistiqués.
Ces sommes se répartissent dans les trois secteurs couverts par l’étude : bâtiments, transports et énergie. Elles ne couvrent donc ni les besoins de l’industrie, ni ceux de l’agriculture.
Attention aux régressions !
« Les investissements fossiles peuvent encore rebondir », alertent les auteurs. Si la prolongation de la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle) n’a nécessité que 10 M€, la sécurisation des approvisionnements de la France en gaz naturel entraînera, à court terme, une dépense de 400 M€ pour le terminal méthanier du Havre. L’I4CE prévoit néanmoins une poursuite de la contraction des investissements fossile en 2023, grâce à la chute des ventes de véhicules thermiques et au ralentissement des installations de chaudières au fuel.
Fossile et climat fonctionnent comme des vases communicants : « Si jamais les investissements climat ne progressent pas dans les années à venir, voire régressent, les investissements dans l’acheminement des énergies fossiles risquent de progresser à nouveau », prévient l’i4CE.
Façades carbonées
L’affinage méthodologique qui marque l’édition 2022 permet de mieux suivre les dérives du bâtiment : l’I4CE classe désormais les gestes de rénovation peu performants parmi les investissements fossiles. Ces rénovations favorables au réchauffement climatique ont totalisé 6,7 Mds € en 2020, notamment dans des travaux d’étanchéité de toiture et de ravalements de façade sans isolation thermique.
L’un des résultats les plus surprenants de l’étude de l’I4CE concerne le montant global des investissements dans le monde de 2050, débarrassé de la dépendance aux énergies fossiles : dans aucun des quatre scénarii de l’Ademe, le total des besoins ne dépasse les sommes engagées en 2019. Dans les deux scénarii les plus frugaux, les investissements se réduiraient de moitié. Le mythe prométhéen de la croissance infinie se heurterait-il aux limites physiques du monde ? La question sort du champ d’I4CE.