Tribune

Tribune : « Les PPP sont des outils pour gérer des risques, et ne créent pas d’argent gratuit », Thierry Dallard

Le ministère des Finances a présenté, le 12 juin, les financements privés comme une réponse au besoin d’argent public dans les infrastructures de transport. Ces financements peuvent être mobilisés pour investir et maintenir de nouvelles infrastructures via les marchés de partenariat (MDP) et les concessions. Or, ces contrats (les PPP) ne créent pas de l’argent gratuit et sont d’abord des outils de gestion des risques.

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Thierry Dallard, président de Jasmin Conseil Investissement Stratégie
Thierry Dallard est l’ancien président du directoire de la Société du Grand Paris. Il a été notamment président de la Société de la rocade L2 (autoroute réalisée en CP), président de la société OcVia (LGV réalisée en CP), administrateur de Lidea (concession ferroviaire), administrateur de la Société des ports du détroit (concession portuaire).

Les concessions, où l’usager financera par le péage l’intégralité du coût complet du projet, pourraient résoudre l’impasse budgétaire. Mais quels sont les projets de transport qui peuvent s’autofinancer par le péage ?

Comme tout projet de transports collectifs urbains et périurbains, les « services express régionaux métropolitains » [Serm, NDLR] ne peuvent pas couvrir leur coût complet par le prix payé par l’usager.

Et les trois lignes ferroviaires en projet (Bordeaux-Toulouse, Montpellier-Bézier, la LNPCA) auront moins de trafic que Tours-Bordeaux, la SEA. Il faudra donc des subventions publiques supérieures à 50 %.

Concessions publiques ou privées ?

Par ailleurs, le choix d’un investisseur privé doit se justifier par sa capacité à gérer efficacement le risque trafic.

C’est le cas pour un aéroport, où le concessionnaire peut agir pour augmenter ses recettes (les redevances payées par les avions, les loyers des commerces, les recettes de parking). Il peut favoriser l’arrivée de nouvelles compagnies, organiser ses aérogares pour favoriser les commerces, bien gérer ses parkings face à la concurrence des taxis et des transports collectifs. Une entreprise ayant les savoir-faire, en France et à l’étranger, sera plus efficace qu’un opérateur public local qui n’aura pas la même expérience.

Il n’y a en revanche guère d’autres leviers que le niveau de péage pour agir sur les trafics et donc les recettes d’une autoroute interurbaine concédée.

Quand on est à Marseille et que l’on souhaite aller en voiture à Valence ou à Nice, les autoroutes concédées A7 et A8 s’imposent, sauf à prendre une ou deux heure(s) de plus par d’anciennes routes nationales. Le temps gagné et le prix du péage sont, in fine, la clef de l’arbitrage de l’usager, car, à moins d’imaginer des travaux sans fin sur le réseau, le concessionnaire n’a qu’une très faible marge de manœuvre.

Par ailleurs, l’Etat et ses concessionnaires publics disposent d’une sérieuse expérience de gestionnaire routier et, si une différence de qualité peut apparaître entre une concession privée et une route nationale sans péage, il est impossible de distinguer les limites entre les concessions AP2R (privé) et ATMB (public) sur l’A40 ou entre Area (privé) et SFTRF (public) sur l’A43. La qualité du service ne dépend pas de l’origine des capitaux mais de l’existence d’un péage.

Pour un péage donné et sur une autoroute existante, les facteurs qui impactent le trafic (le prix de l’essence, le PIB, les interdictions et limitations de vitesse sur les itinéraires concurrents) ne sont pas dans le champ de contrôle d’un investisseur privé. Pourquoi alors abandonner le profit du péage à un acteur privé si ce dernier ne gère pas mieux le risque trafic que l’Etat ?

Les marchés de partenariat (MDP) ne sont, sur le plan financier, que des outils de préfinancement : lorsqu’une collectivité publique signe un contrats de partenariat, elle doit avoir les budgets pour payer les loyers futurs. C’est la même chose que si la personne publique avait contracté un emprunt.

On a cru que ces investissements privés ne seraient pas considérés comme une dépense publique afin d’échapper aux critères de Maastricht. Or, depuis 2004, Bercy n’a cessé de considérer les financements apportés par des acteurs privés dans les MDP comme des financements publics. Retour donc à la case départ.

Les autres pays européens ont fait un choix différent grâce à un transfert de risques plus important vers le secteur privé, notamment, les entreprises de construction, dont les plafonds de responsabilité sont nettement plus élevés que le cadre des pratiques françaises. Cette piste mérite d’être regardée sérieusement. Un tel transfert du risque augmentera cependant logiquement le coût ; est ce que le MDP restera performant par rapport à d’autres schémas, notamment lorsque la maîtrise d’ouvrage publique fait appel aux contrats de conception-réalisation ? Ne risque-t-on pas de réduire la concurrence en la limitant aux très grosses entreprises pouvant prendre ces risques supplémentaires sur leur bilan ?

Les MDP sont avant tout des outils contractuels de gestion des risques : ils apportent une solution aux maîtres d’ouvrages ne disposant pas de l’expérience et des moyens humains pour gérer des projets complexes. Car n’oublions pas que la transition écologique n’a pas seulement besoin de financements, mais aussi d’une maîtrise d’ouvrage performante. Les MDP l’ont montré : ce sont des outils efficaces de gestion de la performance, dans la durée, grâce à l’engagement d’investisseurs sur le long terme, et à condition d’en vérifier l’efficacité financière.

Espérons que les conclusions de la conférence de financement ne se résumeront pas à l’appel aux PPP pour de mauvaises raisons.

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