Le Plan France très haut débit est ambitieux et chaque maillon de la chaîne doit se mettre au diapason. Vingt millions de prises à l’abonné à construire en 5 ans, contre 10 millions ces 10 dernières années: voilà le défi que doivent par exemple relever les industriels pour mener à bien le plan France très haut débit du gouvernement, selon les prévisions de l’Observatoire du très haut débit, porté par la Caisse des dépôts, l’Avicca (qui regroupe les collectivités engagées dans le numérique), et la Fédération des réseaux d’initiative publique (FIRIP).
« C’est un objectif très ambitieux » qui implique « a minima » quatre millions de prises dès cette année, contre 2,7 millions l’an dernier, et 4,4 millions en 2019 et 2020, a estimé Jean-Michel Attali, directeur du pôle territoires numériques de l’Idate, qui a détaillé en fin de semaine dernière les résultats de six mois d’enquête auprès des professionnels de la filière.
Scénario alternatif au plan "accéléré"
Le dynamisme de la croissance du secteur incite à l’optimisme, mais le pari n’est pas encore gagné. Au premier trimestre, 660.000 prises seulement ont été installées, soit un rythme comparable à 2017. « On part mal », convient Jean-Michel Attali. L’une des explications tient à la surchauffe sur le marché mondial de la fibre. « La capacité de production est pile au niveau de la demande », d’où une absence de marge de manoeuvre, alors que les besoins explosent - de 13 millions de km de fibre en 2017 à environ 20 millions en 2018, ajoute-t-il.
Pour le moment, il n’y a aucune difficulté pour les gros opérateurs et délégataires. Mais chez les intégrateurs qui travaillent directement pour les collectivités dans le cadre d’affermage ou de SPL, « il existe une vraie tension et un vrai problème d’approvisionnement », avec des hausses de tarifs à deux chiffres qui peuvent grever leurs marges. « A mon avis, on a manqué d’un pilotage national pour anticiper les besoins », ajoute-t-il.
Les auteurs de l’enquête ont donc étudié un scénario alternatif au plan « accéléré » du gouvernement, « un peu moins optimiste mais plus réaliste », comme le souligne Hervé Rasclard, délégué général de la FIRIP. Il s’agirait de décaler la montée en charge du programme, en réalisant 5% de prises en zone privée après 2022 et 10% en zones publique. « Dans ce cas, on est un peu plus confortable », à environ 18 millions de km de fibre en 2018, soit un chiffre « plus proche du volume que peuvent produire les câbliers français en France et en Europe», ajoute Jean-Michel Attali.
Le défi du recrutement
Au nom des industriels, Jacques de Herre, vice-président du Sycabel et PDG d’Acome, a assuré que l’industrie du câble était prête « à rassembler les moyens pour répondre à l’accélération du déploiement », à condition d’avoir « un peu de visibilité ». « Le scénario gouvernemental prévoit une croissance de 65% deux années de suite, le scénario alternatif un taux de croissance de 30%. Où se situera la vérité? Peut-être en les deux », pronostique-t-il, « avec un taux de l’ordre de 40% ».
Mais ce n’est pas le seul risque de pénurie à peser sur le plan France THD. L’autre grand frein pourrait venir du recrutement. En 2017, le plan France très haut débit a mobilisé 12 000 équivalents temps plein. Pour 2018 il faudra compter 3 500 emplois supplémentaires, pour arriver à 28 000 en 2022. « Or nous avons du mal à trouver des gens qui viennent travailler sur nos chantiers », déplore le président de la FIRIP, Etienne Dugas, qui mise sur un meilleur travail de communication pour développer l’attractivité de ces métiers et former « plusieurs milliers de personnes » dans les années à venir.