NGE a bouclé l'acquisition de Sade auprès de Veolia le 4 mars dernier. Comment votre groupe a-t-il mené à bien cette opération ?
Stéphane Perez : Assez simplement en réalité. Nos banques ont quasi immédiatement signifié leur volonté de nous accompagner sur ce projet de rachat pour une valeur d'entreprise de 260 M€. Personnellement, je lis dans leur décision la marque de l'attractivité de notre modèle qui non seulement plaît, mais donne confiance aux financiers.
En outre, cette acquisition porte sur une société reconnue et saine qui dispose d'une trésorerie robuste et bénéficie, elle aussi, de la confiance de ses partenaires. Ce n'est pas pour rien que nous la suivions depuis une dizaine d'années dans l'espoir que l'occasion d'un rachat se présente.
Comment les équipes de Sade abordent-elles ce changement de maison mère ?
Yves Forzini : Nos collaborateurs sont à la fois enthousiastes et impatients de rejoindre leurs nouveaux collègues. Après avoir connu un cycle de très grande stabilité au sein d'un groupe où les métiers de la construction n'occupaient pas une place centrale, il est extrêmement stimulant d'embarquer pour une nouvelle aventure entrepreneuriale. Notre société de travaux publics quitte un monde qui ne voulait plus faire ce métier pour un autre dont c'est la raison d'être.
Des inquiétudes subsistent-elles néanmoins au sein des effectifs ?
Y. F. : Face au changement, il est légitime que des interrogations s'expriment et il est important d'y répondre. Je me suis donc appliqué ces derniers mois à démontrer que nous nous inscrivions dans une ambition entrepreneuriale. En aucun cas, il n'est question de restructuration. Au contraire, il va nous falloir embaucher plusieurs milliers de personnes à l'avenir. Vraiment, il n'y a pas d'inquiétude à avoir sur l'emploi.
S. P. : J'ajouterais que la préservation des équipes est un engagement que le groupe NGE a pris dès le début des discussions avec Veolia. Nous évoluons dans un secteur qui recrute sans cesse, dans lequel il est très difficile de fidéliser les collaborateurs. Puisque nous avons la chance d'intégrer près de 7 000 professionnels aguerris, il est clair que le projet que nous déployons sera celui de tous.
Comment le groupe NGE se prépare-t-il à absorber une entreprise qui compte autant de salariés et génère plus de 1 Md € de chiffre d'affaires annuel ?
S. P. : Effectivement, Sade représente environ 30 % de l'activité actuelle de NGE et va porter les effectifs du groupe à 23 000 personnes. Loin de nous inquiéter, ces chiffres nous ravissent car ils traduisent la naissance d'une expertise, comme ce fut le cas lors de l'arrivée de TSO [filiale ferroviaire de NGE acquise en 2011, NDLR]. La même recette sera utilisée pour faire de Sade une grande filiale nationale spécialisée avec une importante autonomie et dont le nom comme l'organisation seront conservés. Elle aura l'occasion de s'épanouir en tant que constructeur par l'association de toutes les compétences qui vivent au sein du groupe.
Cette acquisition permet la création d'un nouveau domaine d'activité au sein de NGE. Que recouvre-t-il ?
S. P. : Le groupe possédait déjà une expertise dans les réseaux d'eau sur notre marché domestique au travers des entités EHTP, SOC ou encore Rehacana. Avec Sade, nous avons saisi l'opportunité d'accélérer notre développement sur ces secteurs stratégiques. Jusqu'alors, il existait une ligne métier baptisée « Canalisations et réseaux ». Ce rachat permet de la scinder et de donner naissance d'un côté au domaine « Cycle de l'eau » et de l'autre à « Energies et télécom ». Pour le groupe, il s'agit donc de l'ouverture d'un nouveau métier qui embarque toutes les expertises liées à l'eau, depuis la pose de canalisations jusqu'au traitement, en passant par le pompage et les forages.
Espérez-vous, grâce à cette opération, vous adresser à de nouvelles typologies de clientèle ?
S. P. : Sade est très bien implanté sur le marché industriel, tandis que NGE y est encore en croissance. Ce sera donc effectivement une opportunité pour le groupe de proposer ses différentes offres à de nouveaux clients.
Y. F. : 60 % des clients de Sade relèvent du secteur public et 40 % du privé. L'un de nos objectifs consiste à équilibrer ces deux segments. Pour ce faire, nous avons développé un ensemble d'offres clés, dans les métiers de l'eau et des infrastructures associées pour coller à leurs besoins.
Ces offres répondent aux enjeux du moment pour préserver le milieu naturel ainsi que la ressource en eau et promouvoir la réutilisation des eaux de process.
Comment abordez-vous les marchés à international ?
Y. F. : La situation est différente de celle de la France, un marché mature avec des infrastructures existantes qu'il s'agit principalement de maintenir, rénover, développer et moderniser. Ici, les enjeux sont davantage liés à la gestion du stress hydrique, au renouvellement des réseaux d'eau potable, à la protection contre les inondations… Au-delà de nos frontières, l'ambition est de se projeter dans les grands projets d'hydraulique urbaine. Contribuer à résoudre les problématiques d'hygiène publique par le traitement, l'acheminement et la distribution d'eau dans les villes de pays émergents est notre principale mission. En Afrique de l'Ouest par exemple, nous sommes capables de changer la vie de plus d'un million de personnes via des solutions clés en main en intervenant sur toute la chaîne, depuis le captage d'eau jusqu'au robinet de l'usager en passant par des usines de traitement, des réservoirs, des conduites de transport de gros diamètre et la mise en œuvre de milliers de kilomètres de distribution.
« Il va nous falloir embaucher plusieurs milliers de personnes. »
Quelle est la répartition actuelle de vos activités entre marchés intérieurs et extérieurs ?
Y. F. : Nous réalisons environ 80 % de notre activité en France et 20 % à l'international. Sur ce dernier périmètre, nous nous montrons très sélectifs. Nous restons toujours attentifs à ce que ces projets soient adossés à des financements robustes. L'esprit entrepreneurial n'interdit pas la prudence.
Envisagez-vous Sade comme un cheval de Troie permettant d'exporter les autres expertises du groupe NGE ?
S. P. : Toutes les compétences généralistes à l'international sont logées dans NGE Contracting. De son côté, TSO constitue le fer de lance actuel de NGE à l'international de par son expertise très différenciante sur les projets de travaux ferroviaires. Sade s'inscrira dans la même logique. Le groupe pourra ainsi s'appuyer sur trois marques désormais bien repérées hors de nos frontières. Trois chevaux de Troie, pour reprendre votre expression, qui participeront à exporter l'ensemble de nos métiers.
Vous êtes-vous d'ores et déjà fixé une feuille de route pour les années à venir ?
S. P. : Nous sommes en train d'établir un nouveau business plan. Ce que nous pouvons dire aujourd'hui, c'est que les premières projections réalisées à partir des opérations déjà programmées poussent à l'optimisme. Selon nos évaluations, les effets des synergies entre Sade et NGE représentent un surcroît d'activité de l'ordre de 20 %.
Y. F. : Ces synergies ouvrent effectivement de nouvelles perspectives. Demain, nous pourrons adresser des marchés plus importants que ceux que NGE et Sade individuellement auraient pu approcher, comme d'importants lots dans le domaine nucléaire. En fait, notre projet en termes de chiffre d'affaires au sein de NGE pourrait se résumer ainsi : faire que 3 + 1 = 6.