Euromed 2 : « Transformer le risque en ressource et construire une ville résiliente »

Après avoir établi en 2011 à Marseille le plan-guide d’Euromed 2, l’extension au nord de l’opération d’intérêt national (OIN) Euroméditerranée, l’agence Leclercq Associés repart pour six ans avec une nouvelle équipe et un accord-cadre mono-attributaire. Marie Taveau, architecte-urbaniste et cheffe du pôle urbanisme de l’agence, nous présente cette nouvelle mission confiée par l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée (Epaem) et les travaux en cours dans d’autres villes du pourtour méditerranéen.

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Marie Taveau, architecte-urbaniste et cheffe du pôle urbanisme de l’agence Leclercq Associés

En quoi consiste votre nouvelle mission sur Euromed 2 ?

L’Epaem a lancé deux consultations : l’une pour une mission d’urbaniste-coordinateur sur la ZAC littorale, seule pièce opérationnelle au sein d’Euromed 2 ; l’autre pour une mission d’urbaniste-concepteur, sur la totalité des 169 hectares de l’extension de l’OIN. La première a été confiée à l’agence Anyoji-Beltrando. La seconde nous a été confiée.

Notre mission comprend deux volets: d’une part, il s’agit d’établir le recollement de l’ensemble des études en cours sur tout le périmètre, y compris sur la ZAC littorale; d’autre part, l’Epaem nous demande de répondre aux nouvelles questions stratégiques qui se posent sur ce territoire, et notamment sur la façade littorale et dans le secteur du Canet, respectivement à l’est et à l’ouest d’Euromed 2.

Pour cela, nous avons répondu avec une équipe différente de celle que nous avions constituée en 2009. Elle est composée d’une dizaine de membres dont les paysagistes de l’agence Base, Setec et Franck Boutté. Cela reflète les changements intervenus ces dernières années dans la manière de mener des projets urbains. Aujourd’hui, ils font la part belle au développement durable, aux usages des rez-de-chaussée, à la programmation, à une offre de logements pour le plus grand nombre, ou encore à l’urbanisme temporaire. Les fondamentaux de notre projet initial sont toujours présents : parc des Aygalades, corniche du littoral, la valorisation des noyaux villageois, etc.

« Notre nouvelle offre s’appuie sur ce concept de ville nature méditerranéenne »

Votre première expérience marseillaise vous a permis de définir le concept de "ville nature méditerranéenne"...

En effet. Il est né alors que nous élaborions le plan-guide d’Euromed 2 livré en 2011 deux ans après avoir remporté le concours de l’Epaem.

Avec l’agence Ter, qui faisait partie alors de notre groupement, nous avons imaginé un réseau de parcs autour du ruisseau des Aygalades pour gérer une problématique hydraulique. A l’époque, nous avions travaillé avec Météo France pour établir des cartographies très précises des impacts positifs du parc sur la lutte contre les îlots de chaleur. Et d’ailleurs, notre nouvelle offre s’appuie sur ce concept de ville nature méditerranéenne capable de répondre aux grands enjeux de la ville de demain face au réchauffement climatique à travers plusieurs outils : une conception architecturale bioclimatique, des matériaux adaptés pour la construction et les espaces publics, une gestion raisonnée de l’eau et, enfin, en amenant la nature dans un espace relativement minéral, etc. Un autre enjeu est celui de la gestion des eaux pluviales.

Quels sont les objectifs ?

Transformer le risque en ressource et construire une ville résiliente.

Forts de notre première expérience à Marseille, nous allons approfondir les thématiques développées dans le cadre de notre première mission.

Dans Euromed 2, nous portons notamment l’idée d’un grand parc « infiltré » jusque dans les rues et à l’intérieur des îlots. Cela a de nombreuses vertus : une ville rafraîchie, plus de confort avec la création d’ombre, une ventilation naturelle, un impact sur les températures ressenties et une augmentation de la biodiversité. La prise en compte de la notion d’usage et de l’échelle du piéton nous a ensuite conduits à imaginer des micropaysages. La gestion de ces nouveaux espaces doit être la plus rationnelle possible et intégrer les habitants. Car, ce sont eux qui demain s’approprieront ces espaces extérieurs, d’autant plus dans ces villes méditerranéennes où l’on vit beaucoup dehors. L’expertise dans l’urbanisme transitoire de notre cotraitant Le Sens de la Ville va nous aider dans la préfiguration de ces espaces.

« Nous avons travaillé cette appropriation du risque pour le transformer en ressource »

Le projet de territoire réalisé pour la métropole de Montpellier en 2016 a également eu un rôle déterminant dans la définition de la ville nature méditerranéenne. Pourquoi ?

En effet, cette mission de quatre ans a été un autre déclencheur. Il s’agissait de donner un cadre aux documents réglementaires métropolitains que sont le Scot, le PLUI, le PLH, etc. Il visait à rassembler les maires des 31 communes de la métropole Montpellier Méditerrané (500 000 habitants).

Dans la commande, les objectifs étaient assez précis : préserver, valoriser une richesse environnementale exceptionnelle et adapter le territoire aux facteurs de vulnérabilité notamment climatiques. Nous avons mis en exergue plusieurs choses en révélant un certain nombre de paradoxes concernant, entre autres, les liens entre emplois et transports en commun, la prise en compte des énergies renouvelables, etc.

Forts de ces constats, à travers de nombreux ateliers, nous avons amené les élus à changer de paradigme et à penser la métropole à 360°. Cela, en intégrant la couronne de villages qui entoure Montpellier. Avec les agences Base et Franck Boutté, nous avons travaillé sur les questions de territoire-ressources, d’écosystème autonome, de réduction de la vulnérabilité du territoire.

En effet, la métropole est soumise à trois risques : la submersion marine, les inondations liées aux épisodes cévenols et à l’étalement urbain, le risque incendie dans le paysage de garrigue de l’arrière-pays. Nous avons travaillé cette appropriation du risque pour le transformer en ressource, en proposant notamment un grand plan de désimperméabilisation des sols pour mieux infiltrer les eaux, la mise en réseaux des parcs sur l’ensemble des 31 communes et l’organisation du rabattement vers les transports en commun...

Cette logique de territoire et d’une démarche prospective qui dépassent le cadre administratif nous a permis de développer une expertise dans la connaissance des problématiques de la ville méditerranéenne.

Depuis, vous intervenez également à La Grande-Motte et à Nice...

Justement, La Grande-Motte, attirant de plus en plus d’habitants venus pour s’y installer toute l’année et non pas pour la seule période estivale, participe, de fait, à la métropole, alors qu’elle n’en fait pas partie.

Nous avons comme mission d’y créer 500 logements familiaux, d’agrandir le port de 400 anneaux et, enfin, de transformer les espaces publics des quais. Le projet s’inscrit dans le projet initial de l’architecte Jean Balladur mais également dans celui de Pierre Pillet, l’un des paysagistes de la mission Racine, que nous avons rencontré pour mieux comprendre ses intentions. A l’époque, 30 000 arbres avaient été plantés, ce qui est considérable. Nous irons plus loin pour répondre aux enjeux climatiques, notamment. Ainsi, les plantations sur le port seront complétées par d’autres le long d’une balade qui reliera deux plages.

A Nice, nous sommes depuis l’an dernier mandataire d’un groupement titulaire d’une mission d’urbaniste-coordonnateur de la ZAC du Grand-Arénas. La question hydraulique et du paysage y est primordiale. Le secteur que nous étudions se situe juste à côté de l’aéroport, construit à proximité de l’ancien lit du delta du Var. Il a une situation extraordinaire à une vingtaine de minutes du centre-ville en tramway mais aussi à proximité du Var qui peut déborder. Compte tenu de ce contexte et du plan de prévention du risque inondation [PPRI, NDLR], les services de l’Etat nous imposent une côte d’implantation au-dessus de celle du sol naturel pour être hors d’eau. Ce qui pourrait être une contrainte est au contraire un formidable levier pour créer un quartier donnant toute sa place au végétal, en lien avec la politique très volontariste en la matière de la métropole Nice-Côte d’Azur.

Avec Base, qui fait, là aussi, partie de notre groupement, nous sommes en train d’inventer un paysage spécifique aux futurs îlots qui vont composer le Grand-Arénas. Traités comme des archipels entièrement végétalisés sur leurs contours, ils abriteront en leur cœur des constructions posées sur des sortes d’artefacts. C’est une nouvelle illustration du juste équilibre entre aménagement et risque qui nous amène à proposer le principe de ville-jardin très caractéristique de Nice.

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