Interview

"Spie se positionne sur les marchés complexes"

Olivier Domergue, directeur général de Spie France. Réorganisé en six divisions, Spie France est paré pour répondre aux transitions numérique et énergétique.

 

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Spie Olivier Domergue
Olivier Domergue, directeur général de Spie France. L'Hexagone pèse 40% de l'activité globale du groupe.

Comment jugez-vous les résultats 2018 et comment percevez-vous 2019 ?

Spie réalisait historiquement 60 à 70% de son activité en France. Le groupe s’est aujourd’hui développé pour s’appuyer sur deux poumons, qui pèsent les trois quarts du chiffre d’affaires du Groupe. L’Hexagone représente aujourd’hui 40% de la production du groupe. La zone Allemagne et Europe Centrale s’est beaucoup développée, et pèse près de 35% de l’activité de Spie.

Le chiffre d’affaires global de Spie en 2018 a atteint 6,7 milliards d’euros, pour une marge de 6%. Dans ce cadre, La France a enregistré un chiffre d’affaires plus de 2,5 milliards d’euros, en croissance de 4,8% dont à peu près 1% en organique. Sans la décroissance que nous avons voulue sur le tertiaire, nous serions  proches de 2,7% en organique. Notre marge se situait en 2018 à plus de 6%, et nous voulons continuer à améliorer notre performance, en appui notamment sur une meilleure sélectivité.

Des opportunités se présentent sur chaque marché, et notre transformation doit nous permettre de les saisir.

Spie Olivier Domergue
Spie Olivier Domergue Spie Olivier Domergue (C.BOULZE)

"Spie France est désormais organisé en 6 divisions, qui ont chacune extrait et consolidé les compétences dispersées en régions". © Christophe Boulze

L’organisation de Spie France a beaucoup évolué ces dernières années. Quelles ont été les grandes étapes ?

En France, Spie, était historiquement organisée en filiales multitechniques régionales. Le pays était « découpé » en 5 périmètres. Jusqu’au 31 décembre 2016, l’ensemble des activités de Spie hors nucléaire et hors services numériques, étaient noyées dans ces ensembles régionaux. Or, nos clients avaient besoin de visibilité et d’une approche plus globale. Typiquement, lorsqu’un maître d’ouvrage devait construire un data center à Paris et un autre à Lyon, il n’était plus pertinent de faire intervenir Spie Ile-de-France Nord-Ouest dans un cas, et Spie Sud-Est dans l’autre. Le modèle de filiales nationales orientées sur les besoins clients s’est imposé.

Depuis le 1er janvier 2017, nous avons procédé en plusieurs temps pour nous transformer et nous réorganiser. Ce travail a abouti le 1er janvier 2019 dans le cadre de notre Projet de transformation Galileo et Spie France est désormais organisé en 6 divisions, qui ont chacune extrait et consolidé les compétences dispersées en régions :

Spie City Networks regroupe l’ensemble des compétences pour les réseaux Télécom & Energies ainsi que la smart city au sens large.

Spie Facilities est un spécialiste de la maintenance et du Facility management tertiaire

Spie ICS traite des services numériques au sens large.

La division Industrie de Spie Industrie & Tertiaire est dédiée à la transformation de son secteur vers l’industrie 4.0

La division Tertiaire de Spie Industrie & Tertiaire regroupe l’ensemble de nos expertises sur ce marché

Les divisions Spie Nucléaire & Spie ICS demeurent des entreprises innovantes à la pointe de leurs secteurs d’activité,

Nous avons recréé des entités viables et pouvant déployer au niveau national l’ensemble des expertises locales préexistantes. Chacune réalise au moins 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, la plus importante, Spie CityNetworks, enregistrant 750 M€ d’activité. Chacune est présente au niveau national et dispose d’un certain nombre de moyens pour accompagner la transformation de son périmètre.

"Nous travaillons désormais à la transformation opérationnelle de Spie France"

Dans quelle phase vous trouvez-vous aujourd’hui ?

La remise à plat de l’organisation étant achevée et lisible par nos clients, nous travaillons désormais à la transformation opérationnelle, par l’intérieur de l’entreprise.  Elle vise à répondre aux nombreuses opportunités qui se présentent, en lien avec les deux grandes transitions, énergétique et numérique, à l’œuvre sur nos marchés.

Elles sont la toile de fond de toutes nos activités. L’efficacité énergétique des bâtiments, par exemple, est portée par les divisions Tertiaire et Industrie de Spie Industrie & Tertiaire mais aussi par notre division Spie Facilities.

Spie Olivier Domergue
Spie Olivier Domergue Spie Olivier Domergue (C.BOULZE)

"Construire ces offres à valeur ajoutée suppose de déconstruire des silos. Il faut capter les savoir-faire là où ils se trouvent dans l’entreprise, et leur donner la dimension dont a besoin le client : locale, nationale, internationale…" © Christophe Boulze

Plus globalement, notre objectif central est de répondre aux marchés et besoins de plus en plus complexes par des offres à haute valeur ajoutée, co-construites entre les différentes entités de Spie et le client. Ce dernier ne recherche pas une entreprise qui va lui vendre des merveilles. Sur les sujets de la digitalisation par exemple qui sont en cours de définition, il n’y a pas une solution unique et aboutie. Ce qui est important c’est que le client sente un partenaire qui va l’aider à progresser.

C’est tout le sens de notre transformation opérationnelle. Nous venons de créer au sein de Spie France des patrons de filières fortes pour échanger sur les meilleures pratiques, et s’organiser pour parler d’une seule voix sur tous les plans, du commercial jusqu’à la  communication.

Notre directrice de l’innovation et de la transformation, par exemple, est chargée de travailler avec toutes les divisions en transverse, en s’appuyant sur des relais au sein de chacune d’entre elles, pour concevoir au quotidien des offres à forte valeur ajoutée, grâce à des synergies clairement identifiées. Celles-ci ne se limitent pas au périmètre France. Nous pouvons compter aussi sur des expertises pointues d’autres pays, comme la connaissance BIM de notre filiale en Grande-Bretagne, Spie UK.

Construire ces offres suppose de déconstruire des silos. Il faut capter les savoir-faire là où ils se trouvent dans l’entreprise, et leur donner la dimension dont a besoin le client : locale, nationale, internationale…

"Ce qui nous intéresse, c’est de construire des offres à forte valeur ajoutée, notre compétitivité s’exprime dans ce cadre"

Smart city, maintenance prédictive, connectivité, performance énergétique…. Vos marchés deviennent plus complexes. Quelle est votre approche ?

Nous aimons ce qui est complexe et difficile ! Ce qui nous intéresse, c’est de construire des offres à forte valeur ajoutée, notre compétitivité s’exprime dans ce cadre. L’intérêt de ces révolutions énergétique et numérique, c’est qu’elles s’expriment sur des marchés où SPIE est positionné historiquement : le bâtiment, les infrastructures, les télécoms, l’industrie….  Mais la mise en œuvre des nouvelles solutions s’opère avec de la main d’œuvre locale. C’est aussi notre force. 

Dans les marchés que nous opérons, comme la smart city, nous nous rendons compte que l’expérience de l’utilisateur final est désormais prépondérante. Lorsque vous proposez un éclairage intelligent qui ne s’allume qu’à l’approche de personnes, cela peut déclencher un sentiment d’insécurité, qui doit être pris en compte dans la présentation des projets aux utilisateurs finaux.

Alors, de plus en plus, nous développons le design thinking, qui place l’utilisateur au cœur de l’innovation. Il ne suffit plus seulement d’écouter le client intermédiaire mais de s’intéresser au client final en comprenant ses réels besoins, afin de définir au mieux la prestation à réaliser mais aussi d’accompagner le changement de façon optimale.

Pour cela, le mois dernier, nous avons formé par exemple une quinzaine de collaboratrices et collaborateurs de Spie sur le design thinking sur une semaine complète.

Dans ce contexte, êtes-vous sélectif dans vous choix de contrats ? 

L’un des mots d’ordre du groupe c’est la performance. Nous sommes un groupe coté et indépendant. Le meilleur moyen de rester indépendant c’est d’être performant en créant de la valeur. Nous n’allons donc pas chercher le volume pour le volume. Je vous cite un exemple. Nous avons fortement diminué notre volume d’activité dans le tertiaire entre 2017 et 2019.

Dans certains cas, en effet, nous endossions des risques trop importants, notamment dans des marchés en entreprise générale, où celles-ci avaient tendance à nous transférer des risques très importants, mais sans transfert suffisant de marge. Voilà typiquement le type de marché dont nous nous sommes retirés. Nous sommes donc sélectifs, mais je ne veux pas pour autant laisser passer des opportunités. C’est pourquoi l’une de mes priorités, actuellement, est de travailler sur des processus pour objectiver le risque et donc la sélectivité. Et ce, sur chacun de nos marchés et sans jamais oublier en symétrie des risques, les opportunités.

Spie Olivier Domergue
Spie Olivier Domergue Spie Olivier Domergue (C.BOULZE)

Nous allons poursuivre notre politique de croissance externe, mais en revoyant nos processus, afin de mieux définir nos cibles, au-delà des initiatives de chaque division. © Christophe Boulze

Comment opérez-vous sur cette maîtrise du risque ?

En imaginant de nouveaux processus, qui ne se contentent pas par exemple de définir des délégations de pouvoirs liés aux montants des marchés mais s’appuient également sur le niveau de risques de chaque opération. Pour ne pas subir un marché,  il faut être capable d’extraire les risques pour comprendre le type de ressources qu’il faut mobiliser en interne pour y faire face, tout en mettant en exergue les opportunités associées.

Nous avons élaboré une matrice d’analyse très simple, sur Excel, dans notre processus d’affaires. Elle oblige à se poser 15 bonnes questions sur un marché. Est-ce une opération en entreprise générale ? Dispose-t-on en interne de toutes les expertises pour répondre ? Connaît-on déjà le client ? Le planning est-il court ou pas ? Au-delà du montant, si trop d’indicateurs virent côté « risques », le bon niveau du pouvoir de décision est alors défini.

Cette matrice sera déployée en septembre auprès de nos équipes commerciales et de chiffrage.

Les acquisitions se multiplient dans vos secteurs. Quels sont vos objectifs de croissance externe ?

Nous espérons finaliser le rachat de Cimlec (310 collaborateurs, 42 millions d’euros de chiffre d’affaires) auprès du groupe Gorgé en ce mois de juillet 2019. Cette acquisition entre dans notre politique de développement de solutions à valeur ajoutée.

Cimlec, qui rayonne sur l’ouest et le nord de la France, dispose d’une expertise pointue sur les automatismes, qui va compléter notre offre sur le plan géographique, et sur la robotique, un volet que nous souhaitons encore plus développer notamment dans l’industrie.

Nous allons créer un comité robotique pour être capable d’industrialiser ce savoir-faire.

Nous allons poursuivre notre politique de croissance externe, mais en revoyant nos processus, afin de mieux définir nos cibles, au-delà des initiatives de chaque division. Nous avons trouvé des partenaires pour nous « remonter » des cibles dans un environnement très concurrentiel. Ce qui doit aussi nous faire gagner, c’est l’aventure industrielle que l’on porte, nos valeurs fortes ainsi que la possibilité pour nos collaborateurs, première richesse du Groupe Spie,  d’être actionnaires… 34% d’entre eux le sont aujourd’hui.

"La place des femmes dans l’entreprise est érigée en priorité"

Dans vos secteurs, la concurrence est rude sur le plan du recrutement. Quelle est votre politique ?

Elle vise d’abord à fidéliser nos 18 500 collaborateurs. Nous menons un chantier sur la gestion des compétences sur une quinzaine de filières dont celles du chantier,  du chiffrage, de l’expertise et de la gestion d’affaires, qui sont clairement en forte tension. Nous travaillons à mieux définir les savoir-faire et les savoir-être, pour proposer des trajectoires de carrière toujours plus nombreuses. Notre organisation donne aussi beaucoup de lisibilité en interne : des carrières nationales sont plus facilement envisageables.

Parmi les sujets qui nous tiennent à cœur, la place des femmes dans l’entreprise est érigée en priorité. Spie France compte aujourd’hui 12% de femmes. Ce n’est pas suffisant. Nous avons créé en 2015 « So SPIE ladies », une démarche qui implique le comité de direction de chaque division. Il s’agit d’expliquer dans les écoles, les forums de recrutement… que les femmes peuvent envisager une belle carrière chez Spie et d’offrir ces opportunités de carrières aux femmes qui sont déjà dans l’entreprise, en appui sur un réseau de femmes et d’hommes qui imaginent et déploient nos actions localement.

Dans les 2 300 recrutements prévus cette année, nous comptons développer le taux de féminisation de l’entreprise. Ainsi depuis janvier, 15% des personnes qui nous ont rejoint et 25% de nos alternants et stagiaires sont des femmes.

Les chiffres de Spie France

2,5 milliards d’euros de chiffre d'affaires 2018 (total groupe Spie : 6,7 milliards d’euros). La France pèse 40% de l'activité groupe de Spie

6% de marge

18 500 collaborateurs

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