C'est un projet pilote qui se concrétise à Quiberville-sur-Mer (Seine-Maritime) pour faire face à la montée du niveau de la mer et au recul du trait de côte. Il s'agit de permettre à la Saâne, fleuve côtier de 41 km qui aujourd'hui ne s'écoule plus que par une buse étroite dans la Manche, de prendre ses aises pour circuler plus librement. L'opération permettra par la même occasion à la mer de remonter aussi par ce passage lors des fortes marées.
Pour donner plus d'espace au cours d'eau, il a fallu au préalable déménager le camping, situé en zone inondable. Le projet entre désormais en phase opérationnelle avec le démarrage du chantier de reconnexion piloté par le Syndicat mixte des bassins versants de Saâne, Vienne et Scie. L'agence de l'eau Normandie finance les 5,4 M€ HT de travaux à hauteur de 90 % .
Recréation de méandres. « Terrassement, génie civil, génie écologique, démolition et aménagement paysager : ce marché multimétier mobilise en tout cinq entités de l'entreprise de TP Charier. Ce travail en synergie a notamment été rendu possible par l'acquisition il y a un an et demi de Chognot, spécialisée en renaturation », précise Nicolas Smets, directeur travaux de Charier Grands terrassements, mandataire du groupement lauréat du marché. L'entreprise fait aussi appel à deux sous-traitants : Vauban GC pour le béton et Sturno pour les réseaux humides et secs.
Lancé officiellement en janvier dernier, le chantier va recréer des méandres sur 1,6 km de la Saâne, afin de favoriser notamment le développement de la faune et de la flore. « Environ 100 000 m³ de déblais seront générés. Tout sera réutilisé sur place, pour remblayer l'ancien lit ou réaliser des merlons de protection et des buttes paysagères. L'opération devrait s'achever d'ici dix-huit mois », annonce le directeur de travaux.
A une trentaine de mètres de la buse actuelle, Charier a déjà commencé à construire un pont routier qui permettra de traverser la Saâne. Le fleuve bénéficiera en effet d'un accès à la mer de 10 m de large, contre 1 m aujourd'hui. « La RD 75 est coupée depuis novembre afin de créer ce passage vers la Manche grâce à deux rideaux mixtes de pieux et palplanches. Nous devons avoir terminé l'ouvrage de connexion en sept mois pour que la route soit praticable en juin », détaille Nicolas Smets.
Préserver la biodiversité. Pour Charier, la spécificité de ce chantier réside dans son volet environnemental. « Un écologue fait partie du groupement et nous conseille sur les mesures, notamment préventives, à prendre. Nous collaborons aussi étroitement avec la police de l'eau et l'Office français de la biodiversité pour les mettre en œuvre ensemble, de façon pragmatique. Nous avons par exemple installé, en amont des travaux, des barrières pour batraciens ou des éléments pour éviter la nidification de limicoles », explique Nicolas Smets qui a déjà acquis de l'expérience sur ces sujets lors de sa participation au rescindement de l'Oise dans le cadre du canal Seine-Nord. C'est en revanche la première fois en vingt ans qu'il voit une maîtrise d'ouvrage préconiser de laisser la nature reprendre ses droits après les travaux plutôt que de replanter. « C'est une démarche très intéressante », se réjouit-il.