La complexité du dossier explique le retard : environ 1 500 appartements construits en Savoie dans les trente dernières années pour des besoins estimés à 40 000 saisonniers non savoyards. Un retard dramatique au plan social – les saisonniers sont parfois contraints à camper – et préjudiciable à une industrie touristique qui cherche à fidéliser son personnel.
« La réglementation du logement est peu adaptée à cette problématique », résume Alain Simon, chargé d’une mission nationale sur le logement des travailleurs saisonniers par les ministères du Tourisme et du Logement, en poste à la Direction départementale de l’équipement de Savoie. Auteur en 2003 d’un rapport avec Lilian Halls-French, il a identifié une dizaine de blocages réglementaires. Mais le problème principal reste financier : « Un appartement pour travailleur saisonnier est utilisé cinq mois par an mais son amortissement court, lui, sur douze mois. D’où un déficit d’exploitation qui peut atteindre 1 000 à 1 500 euros par an et par lit. »
A qui la charge ? « La collectivité prend sa part en offrant le terrain. Mais il fallait trouver le moyen d’intégrer d’autres intervenants au tour de table : l’Etat, les employeurs et le 1 % logement », explique Alain Simon, chose faite dès 2003 en Savoie. Les partenaires sociaux se sont mis autour de la table pour redéfinir le travail saisonnier et fixer un objectif de qualité en matière de logement. Objectif : garantir 14 m2 par personne (chambre et coin cuisine individuel) contre une moyenne de trois salariés dans moins de 20 m2. Dans ces conditions et à titre dérogatoire, le 1 % logement s’engage à prendre en charge le déficit de l’opération. Ce qui a un coût : en un peu plus d’un an, l’Union d’économie sociale pour le logement (fédération des organismes gestionnaires du 1 % logement) a investi plus de 18 millions d’euros pour neuf opérations en Savoie.
Les employeurs s’engagent également à réserver des logements avec un montant de la réservation correspondant en théorie au déficit d’exploitation annuel du lit.
1 000 logements par an pendant trois ans. Aujourd’hui, tout le monde se félicite de cet accord : « Il a permis d’apporter une solution valorisante pour chacun », estime Antoine Fatiga, négociateur de l’accord au nom de la CGT. L’expérience savoyarde est jugée suffisamment intéressante pour être étendue à la France tout entière, dans le cadre d’une convention avec l’Etat et les partenaires sociaux, qui fixait un objectif ambitieux : livrer 1 000 logements/an pendant trois ans. Le pari est en passe d’être atteint : 870 logements financés en 2005, 1 000 en 2006, et les dossiers s’accumulent pour 2007. La Savoie, mobilisée depuis dix ans sur le sujet, a pris de l’avance. La Haute-Savoie s’implique à son tour avec volontarisme : pour la première fois cette année, elle construira autant de lits saisonniers que la Savoie. L’Isère est également dans la course. « L’intérêt de cette convention réside dans l’aide à tous les opérateurs explique Alain Simon. De plus en plus, les entreprises elles-mêmes créent des sociétés civiles immobilières pour construire leur propre patrimoine. » C’est le cas, par exemple, à Macôt-La-Plagne (Savoie) avec 17 entreprises pour réaliser 89 logements pour 150 travailleurs saisonniers. De la même façon, 115 lits sont construits à La-Plagne-Bellecôte (Savoie) et 215 à Flaine (Haute-Savoie). En outre, à l’Alpe-d’Huez (Isère), la constitution d’une SCI est prévue pour livrer 140 logements alors que la commune apporte le terrain.
Tirer des enseignements. D’autres solutions sont évoquées. Villard-de-Lans et SuperDevoluy (Isère) travaillent sur le remplissage de ces lits à l’année. Une solution qui n’est pas reproductible partout. Villard-de-Lans intègre 50 logements saisonniers dans sa prochaine unité touristique nouvelle (UTN) de 500 logements touristiques. La station des Gets (Haute-Savoie) travaille sur la création de logements plus vastes pour des saisonniers « haut de gamme » accompagnés de leur famille.
L’expérience se termine au 31 décembre 2007. Elle aura permis de régler l’urgence. En 2002, les partenaires estimaient le besoin à 1 500 places, on atteindra les 1 480 places à fin 2006. Est-ilnécessaire, dès lors, de pérenniser le dispositif ? « Il faudra en tirer des enseignements pour tous les salariés en mobilité », conclut Alain Simon.
