Salaires, retraites, immigration… le social dans les programmes des législatives

En amont des élections des 30 juin et 7 juillet prochains, Le Moniteur liste les prises de positions et mesures avancées par Ensemble, le Nouveau Front Populaire et le Rassemblement National.

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Image prétexte RH
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Toujours en tête des préoccupations des Français, la question du pouvoir d’achat traverse les programmes des trois grandes forces politiques en présence en vue des législatives anticipées. Si le Nouveau Front Populaire (NFP) promet notamment un coup de pouce radical sur le Smic, Ensemble et le Rassemblement National (RN) misent chacun sur l’incitation des employeurs à se montrer plus magnanimes en matière de politique salariale. Les retraites et l’immigration alimentent aussi les projets des blocs de l’opposition, tandis que la majorité sortante entend s’en tenir à ses deux grandes lois sur le sujet. Panorama des promesses sociales intéressant le BTP.

Ensemble

Dans son programme dévoilé le 20 juin, la liste Ensemble (constituée notamment du parti présidentiel Renaissance et du MoDem) propose de porter de 3 000 à 10 000 € le montant annuel de la prime de partage de la valeur (PPV) que les entreprises peuvent verser « sans charges ni impôt » à leurs salariés. Ce dispositif, instauré par la loi « pouvoir d’achat » d’août 2022 après une expérimentation  de la « prime Macron », a fait florès dans les ETI et les groupes du BTP peu après son entrée en vigueur. Mais un peu moins l’année suivante, une partie des employeurs ayant préféré concentrer leurs efforts sur les revalorisations salariales stricto sensu. Francis Dubrac, P-DG de Dubrac TP (400 salariés, Seine-Saint-Denis), qui verse désormais chaque année une PPV de 1 000 euros à ses salariés, voit pour sa part d’un bon œil le renforcement du dispositif. «En particulier compte tenu des règles de déblocage contraignantes qui s’appliquent à la distribution des sommes liées à l’épargne salariale. Les collaborateurs qui perçoivent de petites rémunérations ont avant tout besoin de cash ! ». Il est d’ailleurs question d’autoriser les employeurs à mensualiser la PPV. « Nous libèrerons les augmentations de salaires entre le Smic et 2  500 € nets en réformant les aides aux entreprises et la prime d’activité », assure aussi la coalition présidentielle.

S’il n’est d’autre part pas question de revenir sur sa loi d’avril 2023 réformant les retraites, le camp macroniste entend mettre l’accent sur l’emploi des seniors. « Je propose la mise en place d’un bonus-malus pour les contrats courts en cas de licenciements, ainsi que de l’index seniors qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel (en raison de sa nature de cavalier législatif au sein du projet de loi réformant les retraites, NDLR) », a énoncé le Premier ministre Gabriel Attal le 25 juin, lors d’un débat sur TFI l’opposant au président du RN Jordan Bardella et au député LFI sortant Manuel Bompard. Autre idée : « permettre à un senior au chômage qui reprend un emploi moins bien rémunéré que celui qu’il occupait auparavant de cumuler son nouveau salaire avec une allocation chômage à hauteur du montant du salaire précédent ».

Permettre aux entreprises d’adapter les horaires de travail en période de canicule, « notamment pour les travailleurs très exposés comme ceux du BTP », figure également dans le programme de la majorité macroniste. Avant l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, la profession attendait d’ailleurs la publication d’un décret sur le sujet pour le courant de l’été.

Nouveau Front Populaire

L’une des promesses emblématiques côté NFP (qui regroupe entre autres le PS, LFI et le NPA) est de porter le Smic à 1 600 euros nets, ce qui représenterait une augmentation de près de 200 euros. Pour mémoire, à la suite d’une hausse de 1,13 % au 1er janvier, le montant du Smic brut horaire s’élève actuellement à 1 766,92 euros mensuels. Chez Dubrac TP, « où l’on emploie pourtant beaucoup de main d’œuvre peu qualifiée, nous offrons déjà ces 1 600 euros, en raison d’un contexte concurrentiel en matière de recrutement, rapporte Francis Dubrac. Mais une pareille mesure engendrerait des revendications sur toute la chaîne des rémunérations qui seraient difficiles à gérer pour les employeurs ».

Un Smic à 1 600 euros « aurait pour conséquence une hausse coût du travail», renchérit un DRH du secteur. Et d’ajouter : « chez nous, le salaire médian, qui a beaucoup augmenté ces trois dernières années, s’élève à 2 500 euros nets hors primes. Une telle hausse du Smic, qui toucherait essentiellement les plus basses qualifications, contraindrait les entreprises à plus de rigueur dans l’évolution de la masse salariale, avec un gel des rémunérations. » Les mieux lotis dans ce domaine se verraient ainsi pénalisés. Pour le recruteur, les employeurs n’auront d’autre choix que de répercuter cette hausse du coût de la main d’œuvre dans leurs prix. « Les clients devront parfois faire des choix, d’autant que le projet du NFP prévoit aussi une hausse de 10 % du point d’indice pour les fonctionnaires.  Cette mesure pourrait donc indirectement gripper la machine de l’investissement dans les infrastructures ».

Le Syndicat des indépendants et des TPE, l’une des seules organisations d’employeurs à s’exprimer dans le cadre de ces législatives anticipées, craint même « des vagues de licenciements et/ou de gel des embauches pour [ses] entreprises, sans que les salariés en poste n’en tirent aucun bénéfice concret», car la hausse de leur salaire s’accompagnerait de « la perte des aides sociales calculées sur la base des rémunérations ».

Le NFP compte également indexer les salaires sur l’inflation. De telles mesures seraient en partie financées par une surcotisation sur les hauts salaires. Le bloc de gauche veut encore soumettre à cotisation l’épargne salariale et les heures supplémentaires, mais également « augmenter de 0,25 point par an, pendant cinq ans, les cotisations vieillesse et moduler les cotisations sociales patronales ».

Autre grande promesse : abroger la réforme des retraites, et donc ramener dans un premier temps l’âge légal de départ à 62 ans pour tout le monde puis, avant 2027, déposer une proposition de loi pour fixer l’âge de départ à 60 ans - pour les personnes justifiant de 40 annuités. Le programme du NFP mentionne aussi « le rétablissement des facteurs de pénibilité supprimés par Emmanuel Macron ». Pour rappel, le compte pénibilité, voté durant le quinquennat Hollande, avait déclenché une levée de boucliers des employeurs du BTP en raison de sa complexité appliqué aux métiers de la construction. Une des ordonnances « Macron » avait supprimé en 2017 les critères « pénibilité » de ce système, privant ainsi les salariés travaillant sur les chantiers de la possibilité de prendre leur retraite jusqu’à deux ans plus tôt. Le NFP projette aussi d’ « organiser une conférence nationale sur le travail et la pénibilité visant au rétablissement de la durée effective hebdomadaire du travail à 35 heures, au passage aux 32 heures dans les métiers pénibles ou de nuit immédiatement et son extension par la négociation collective ».

Le NFP promet enfin d’abroger la loi « immigration » de janvier 2024. Gageons toutefois qu’il épargnerait la nouvelle procédure de régularisation de salariés sans-papiers dans les métiers en tension, qui concerne au premier chef le BTP. Le dispositif, salué dans l'ensemble par Jean-Christophe Repon, président de la Capeb au moment de son adoption, répond notamment aux besoins d’employeurs confrontés à une instabilité administrative autour des titres de séjour qui provoque des ruptures de parcours. La coalition de gauche s’engage ainsi, si elle arrive aux affaires, à « faciliter l’accès aux visas » ainsi qu’à « régulariser les travailleurs et étudiants ». Autres idées : assurer une autorisation de travailler pour les demandeurs d’asile et créer un statut de déplacé climatique.

Rassemblement National

Le dispositif sur les métiers en tension se trouve précisément dans le collimateur du RN. Jordan Bardella promet, s’il devient Premier ministre, la suspension par circulaire ministérielle, dès le mois de juillet, « de toutes les régularisations de clandestins par les préfets ». « Que celui qui estime que la France compte trop d’immigrés vienne ramasser les poubelles ou s’essayer au marteau piqueur ! », assène sans ambages Francis Dubrac. « Le secteur des travaux publics, actuellement, n’est pas même en tension, mais en hypertension. Alors que les préfectures sont déjà débordées, nous avons besoin de ces régularisations pour répondre à nos besoins de main d’œuvre, sous peine de devoir licencier des salariés dont le titre de séjour a expiré, mettant par là-même en péril la formation au sein de nos entreprises. » Le RN envisage en tout cas, dans le cadre d’une loi « portant mesures d’urgence sur l’immigration », de consacrer le « retour du délit de séjour irrégulier ». Les sanctions contre les employeurs de travailleurs clandestins se verraient en outre renforcées.

Sur le registre des rémunérations, le parti lepéniste propose par ailleurs de permettre aux entreprises d’augmenter les salaires de 10 % jusqu’à trois fois le Smic, en les exonérant de l’augmentation des cotisations patronales pendant trois à cinq ans.

L’abrogation de la dernière réforme des retraites figure également au programme du RN. Mais après avoir promis un rétablissement de la retraite à 60 ans, Jordan Bardella a signifié son intention de privilégier les carrières longues, en limitant ce droit aux personnes ayant commencé à travailler avant 20 ans, « qui exercent des métiers difficiles et n’ont pas la chance de travailler dans des bureaux climatisés l’été et chauffés en hiver ». Il s’agirait, au-delà, de mettre en place un système progressif « qui tournerait autour d’un âge pivot de 62 ans à condition de justifier de 42 annuités », a précisé le président du RN le 25 juin sur TF1. Pour les personnes ayant commencé leur carrière après 22 ans, l’âge légal de départ à la retraite serait ainsi supérieur à celui de 64 ans arrêté par la dernière réforme…

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