Quels sont les principaux changements introduits par le décret du 27 mai ?
Il est désormais écrit noir sur blanc dans la réglementation que l’employeur doit procéder à l’évaluation du risque spécifique lié aux fortes chaleurs. C’est le point le plus innovant, même si cette obligation était induite par celle, générale, d’évaluation des risques qui lui incombe. Si le risque « fortes chaleurs » est avéré dans une unité de travail, l’entreprise doit définir des actions et des mesures de prévention pour y faire face, en y associant les salariés et les représentants du personnel, ainsi que les services de prévention et de santé au travail. Autre nouveauté : alors qu’auparavant le Code du travail imposait à l’employeur de chauffer les locaux de travail, il s’agit désormais de les maintenir à une température convenable, ce qui implique également de les rafraîchir si besoin.
En outre, les mesures concernant la fourniture d’eau fraîche sur le lieu de travail ont été reformulées pour certaines, renforcées pour d’autres. L’eau doit non seulement permettre aux travailleurs de se désaltérer, mais aussi de se rafraîchir. Autrement dit se mouiller la tête ou son vêtement de travail par exemple, ce qui nécessite un accès à l’eau et pas seulement la fourniture d’une simple bouteille ou d’une bonbonne. Concernant la partie chantier, l’employeur doit, en l’absence d’un accès à l’eau courante, fournir trois litres d’eau minimum aux salariés. Cette référence à l’eau courante rejoint nos préconisations en faveur de l’organisation de travaux de VRD préalables au démarrage des chantiers. De quoi s’assurer que les salariés disposent d’autant d’eau que nécessaire, ainsi que de la possibilité de la rafraîchir grâce à des systèmes de réfrigération raccordés à l’électricité. L’accès à l’eau courant constitue ainsi un vrai « plus » pour s’assurer de l’hydratation des travailleurs, et notamment éviter les malaises voire les coups de chaleur.
Quelles sont les principales mesures de prévention à mettre en place ?
Pour réduire les risques durant ces épisodes de fortes chaleurs, les entreprises doivent adapter l’organisation du travail pour limiter les tâches les plus physiquement exigeantes, quitte à les déplacer dans le planning du chantier. L’utilisation des équipements de travail qui génèrent eux-mêmes de la chaleur doit aussi être limitée pendant les pics de chaleur, notamment en décalant les travaux qui nécessitent leur utilisation.
Autre mesure importante : l’aménagement des horaires de travail, que nous recommandons depuis plusieurs années. Programmer des journées commençant un peu plus tôt le matin, augmenter le nombre de pauses ou les prévoir sur les heures les plus chaudes… Une question qui se confronte à la réalité d’arrêtés municipaux ou préfectoraux qui interdisent les travaux très tôt le matin. Nous menons ainsi actuellement une démarche auprès de la caisse nationale de retraite des agents de collectivités locales (CNRACL), qui intervient également sur la prévention. L’idée est de l’amener à communiquer auprès de ses adhérents pour les sensibiliser sur les risques induits par le travail par de fortes chaleurs, et les appeler à être ainsi à l’écoute de demandes de dérogation formulées pour travailler en horaires décalés. Aux entreprises du BTP, de leur côté, de s’engager à réaliser aux heures matinales les travaux les moins bruyants possibles afin de limiter le dérangement pour les administrés. L’objectif est que tout le monde joue le jeu, pour s’assurer que ces dispositions sur les aménagements d’horaires puissent réellement entrer en application.
Il faut également informer et former les salariés, afin de leur permettre de veiller à leur propre sécurité mais aussi d’être en mesure de détecter, chez leurs collègues, des signes de déshydratation et de stress thermique, ainsi que d’adopter la bonne conduite en cas de malaise lié aux fortes chaleurs.
Qu’en est-il en matière de chômage intempéries ?
Le décret du 28 juin 2024, qui donne la possibilité aux entreprises de bénéficier du régime du chômage intempéries en période de canicule, devait être complété par un arrêté précisant ses conditions d’application. C’est désormais chose faite avec celui du 27 mai. Selon ce dernier, les employeurs peuvent, à partir du seuil orange de vigilance de Météo France, placer leurs travailleurs en chômage intempéries aux conditions habituelles (avoir tenté, au préalable, de faire travailler les salariés en sécurité en les affectant à une autre activité de l’entreprise sur laquelle la canicule n’a pas d’impact, d’aménager le temps de travail…).
L’arrêté confère ainsi un statut réglementaire aux seuils de vigilance de Météo France -définis département par département, et donc susceptibles de varier selon les régions. Les entreprises peuvent dès lors s’appuyer sur ce dispositif avec certitude. Autre avantage : les seuils, utilisés depuis plusieurs années dans les plans Canicule du gouvernement, sont déjà connus des employeurs. En somme, le décret et l’arrêté du 27 mai viennent accompagner, aiguiller les employeurs dans la conduite de leur démarche de prévention face aux risques liés aux fortes chaleurs en leur proposant des axes d’action, et sécurisent juridiquement le dispositif avec les seuils de vigilance. Ils constituent des textes facilitants pour les entreprises qui, pour la grande majorité d’entre elles, faisaient déjà le nécessaire dans ce domaine.
Que propose l’OPPBTP pour accompagner les employeurs ?
Les entreprises peuvent trouver sur notre site préventionbtp.fr une boîte à outils spécifique sur les fortes chaleurs que nous avons récemment complétée et qui comprend notamment une série d’affiches qui attirent l’œil pour sensibiliser les compagnons sur les mesures de prévention. Nous avons aussi intégré le risque canicule dans notre outil d’évaluation des risques, avec des propositions de mesures de prévention associées pour les entreprises.
Nous avons par ailleurs publié un guide sur les EPI rafraîchissants, et nous menons des études sur le sujet pour dissocier ceux qui s’apparentent au gadget des équipements qui sont réellement efficaces. En outre, notre guide « fortes chaleurs », publié il y a deux ans, est en cours d’actualisation à l’aune des changements introduits par le décret et l’arrêté. Nous organisons enfin régulièrement, pour les employeurs, des webinaires et conférences sur le risque canicule.