Huit candidats à l’élection présidentielle* ont exposé leurs idées, qu’ils promettent d’affiner d’ici avril prochain, lors du 9e Sommet de la construction. Organisé jeudi 21 octobre à Paris par la Fédération française du bâtiment (FFB), il a réuni près de 250 professionnels du secteur et élus de tous bords.
Manque de logements
Afin de « verticaliser de façon intelligente, selon les réalités de chaque territoire », la socialiste Anne Hidalgo réfléchit à un « outil foncier dans lequel le public peut dessiner, pas bloquer, par exemple en revalorisant des grandes surfaces commerciales et des parkings » sous-utilisés.
Valérie Pécresse (Les Républicains, LR) résume sa pensée ainsi : « Construire plus, mieux et surtout plus vite ». D’où cette volonté d’en finir avec « l’enfer bureaucratique ». Parmi ses idées : « diviser par deux les codes », « aller vers une dématérialisation des procédures », ou encore « mettre en place une enquête publique unique », incluant l’étude d’impact.
Pour « reconstruire la ville sur la ville », Valérie Pécresse veut « mettre le paquet sur les friches », effet de levier en Ile-de-France, région qu’elle dirige depuis 2015. Cela passe aussi par « une fiscalité plus dissuasive pour transformer l’immobilier de bureaux », tout en misant sur « la réversibilité des usages ». Elle souhaite également « autoriser la densification dans les petites villes », permettant aux habitants « de bâtir un pavillon en fond de jardin pour loger la famille ».
Si « la densification des centres-bourgs » est aussi envisagée par Yannick Jadot, l’écologiste pointe surtout la « régression très forte, sur ce quinquennat, du logement social ». Président, il visera les 150 000 HLM par an. Selon l’Union sociale de l’habitat (USH), l’objectif gouvernemental de produire 120 000 unités en 2021 ne sera pas atteint.
Consciente du problème, Marine Le Pen considère que la construction de logements sociaux précède nécessairement « l’arrivée de locataires issus de l’immigration, avec un risque de communautarisme et une insécurité qui peut en découler ». « Tant que nous n’aurons pas rétabli la sécurité, des communes seront réticentes à la construction de logements sociaux », poursuit la candidate du Rassemblement national (RN). L’une des clés, conclut-elle, c’est « l’arrêt de l’immigration massive ».
Commande publique
Arnaud Montebourg, candidat de gauche sans parti politique, a quant à lui parlé de « préférence locale », mais en matière de commande publique. Ce « changement de paradigme » suppose un « plan social au sommet de l’Etat ». Dans son viseur, « les bureaucrates qui appuient sur un bouton » au moment de valider telle ou telle commande.
Dans son viseur également, la Commission européenne à qui l’ancien socialiste compte demander « une exception pendant dix ans ». Au nom de la réindustrialisation de la France, le non-respect temporaire des règles communautaires concernerait aussi le versement d’aides publiques aux scieries et autres appareils productifs du pays. L’idée est d’augmenter leur capacité de production afin de répondre aux commandes « groupées » des entreprises de construction ou d’un autre secteur, « avec des garanties de prix, de volumes, de temporalité », imagine Arnaud Montebourg.
La plupart des candidats ont pointé les règles de la commande publique, qui privilégient le mieux-disant, parfois étranger, au détriment de la PME locale et des circuits courts, regrette Fabien Roussel. Selon le communiste, « une réforme des appels d’offres » de l’Etat et des collectivités permettrait que « l’argent public bénéficie d’abord aux entreprises locales et à leur main d’œuvre non-délocalisable ».
Le candidat à la primaire LR Xavier Bertrand veut s’inspirer des « Etats-Unis qui ne s’embêtent pas » concernant la commande publique afin de « faire travailler les entreprises qui recrutent et paient des impôts chez nous ». Sa concurrente, Valérie Pécresse, a trouvé la parade quand il s’agit de rénover les lycées franciliens : « ajouter des clauses environnementales », favorables aux entreprises françaises.
ZAN
A contre-courant des candidats de gauche se disant plus écologistes qu’Emmanuel Macron, Fabien Roussel veut revoir l’objectif gouvernemental de zéro artificialisation nette (ZAN), de la loi Climat et Résilience : « Il faut permettre aux communes de pouvoir construire ! » affirme le député du Nord.
S’il n’explique pas non plus comment revenir dessus, Xavier Bertrand juge que « sur le ZAN, on est en train de mettre la France sous cloche ». Pour Valérie Pécresse, « le ZAN est excessif en zone rurale ». Mais pas question de remettre en cause ce principe, qu’elle « applique » en Ile-de-France. En témoigne le recul de l’artificialisation des sols « de 1 500 ha par an à 500 ha », entre le début de son premier mandat régional en 2015 et aujourd’hui.
Rénovation
En matière de rénovation énergétique des logements, Yannick Jadot veut « combler le retard ». En cause, « les travaux de rénovation globale » qui tardent à monter en puissance, faute de bras notamment, alors que ceux-ci permettent d’aller « chercher les économies d’énergie ».
Le député européen mise sur les fonds de l’Union européenne (UE) pour investir « 10 Mds € par an sur le logement, essentiellement la rénovation ». Cela se traduirait par « une prise en charge totale des travaux de rénovation globale pour 1,7 million de familles souffrant de précarité énergétique ».
Selon l’Ademe, la France compte 4,8 millions de passoires thermiques, des logements classés F et G par les ex-diagnostics de performance énergétique (DPE), hébergeant plus de 2,6 millions de ménages.
Outre ce volet social, le vainqueur de la primaire d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) souhaite « mettre le paquet sur les bâtiments publics ». « Pour les écologistes, vous êtes l’un des secteurs au cœur de la grande transformation que l’on doit opérer », a-t-il déclaré en regardant les professionnels assis autour de lui, avant de promettre : « L’immense chantier de la rénovation va nécessiter de nouveaux métiers et de nombreux recrutements. »
De son côté, Fabien Roussel parle de « 10 Mds € sur cinq ans pour rénover ». A titre de comparaison, une enveloppe de 7 Mds € a été affectée à la rénovation du bâtiment en 2020 et 2021. Et le gouvernement a prévu de consacrer 2,2 Mds € en 2021 et 2 Mds € en 2022 rien que pour MaPrimeRénov’. Dispositif qui ne soutient pas assez les classes moyennes et foyers modestes, selon Xavier Bertrand. Le président des Hauts-de-France propose une augmentation de son enveloppe. Celle-ci serait synonyme de « moins de charges » pour les ménages et de « créations d’emplois ».
Emploi
Anne Hidalgo propose de « généraliser les formations en alternance post-bac » afin d’attirer les jeunes vers le bâtiment, qui peine à recruter. « Pour les âges en dessous, il faut développer les contacts avec le monde de l’entreprise. Le rapport au réel va leur donner une forme de maturité » et les aider à choisir, assure la maire de Paris, ajoutant vouloir « arrêter de hiérarchiser les métiers et les formations » pour ne pas pénaliser les filières souffrant d’un déficit d’image.
Le candidat à la primaire LR Michel Barnier, lui, souhaite « augmenter le nombre d’apprentis, comme en Allemagne », en s’appuyant notamment sur « les écoles de la deuxième chance » à soutenir financièrement. Le bâtiment est le vice-champion national en matière d’accueil d’apprentis.
Concernant la fraude, la majorité des candidats se prononcent en faveur d’une mesure défendue par la FFB : « la limitation de la sous-traitance en cascade ».« Au-delà du deuxième rang, cela veut dire qu’il y a opacité », commente Xavier Bertrand, qui souhaite utiliser l’arme de « la fermeture administrative pour ceux qui ne respectent pas les règles ».
La fédération réclamant davantage de contrôles, Marine Le Pen suggère d’embaucher des inspecteurs : « Cela rapporte de l’argent à l’Etat car on empêche cette fuite à l’étranger qui est la conséquence de l’activité frauduleuse. »
En guerre contre « l’ubérisation du travail dans la construction » avec ces « plates-formes » qui proposent à des particuliers de « réaliser des petits travaux voire des grands » chez d’autres particuliers, Fabien Roussel voit plus loin : « Pour lutter contre la fraude, il faut plus de contrôles mais aussi mieux encadrer l’auto-entreprenariat, le limiter dans le temps, à deux ou trois ans. »
Mixité sociale
Marine Le Pen veut donner « la priorité » aux Français pour se loger dans le parc social. Valérie Pécresse, elle, milite pour « un plafond anti-ghetto » : 30 % maximum de logements sociaux dans les quartiers à bâtir, sur des friches par exemple. Objectif : « que les classes moyennes soient majoritaires », au nom de « l’équilibre » à trouver au sein de la population.
*Etaient présents : Anne Hidalgo (PS), Yannick Jadot (EELV), Arnaud Montebourg (DVG), Fabien Roussel (PCF) et Valérie Pécresse (LR), en quête d’un soutien au sein de sa famille politique. Michel Barnier et Xavier Bertrand, également engagés dans la primaire de la droite, se sont contentés d’un message vidéo, tout comme Marine Le Pen (RN). A noter, les absences de Jean-Luc Mélenchon (FI), de Philippe Poutou (NPA) ou encore de Nicolas Dupont-Aignan (DLF).